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Un femme
musicienne juive qui vivait, en 1940 à Aïn Defla, elle chantait le Hawzi, un
style propre aux anciennes familles
juives installées en Algérie. Cette femme, qui vivait avec sa fille et le mari de cette dernière, en l'occurrence M. Bitoune Frayoum de profession cordonnier, sur la grande avenue qui actuellement longe le centre-ville, possédait un magasin de cordonnerie. Non loin de là, en bas et dans le sens opposé de la rue avait existé et existe toujours un salon de coiffure pour homme appelé à l'époque « Salon de sport» appartenant au coiffeur M. Kaddour Djillali dit Belaârbi ; né le 04 janvier 1925, et à l'âge de 16 ans, il fut découvert pour devenir plus tard le chantre et aussi le maître incontesté du chaâbi dans la région. Cette jeune dame juive, dont nous n'avons pas pu récolter les informations la concernant (connaître par exemple, comment elle s'appelait, si elle était mariée ou non). On ne connaissait rien d'elle parce que les anciens qui m'ont aidé à reconstituer cette histoire ne se rappellent pas de ses coordonnées. Les autres qui la connaissaient, peut-être mieux, sont tous morts. Sauf le fait qu'elle était une excellente et talentueuse musicienne en chantant le Hawzi, d'autres chansons de la région et aussi, elle savait jouer de l'ensemble des instruments qui existaient à l'époque (piano, accordéon, banjo, mandoline, derbouka et le tar). Parmi les personnes qui m'ont aidé et contribué à l'écriture de cette histoire, quelqu'un m'avait dit que la musicienne juive s'appelait Madame Cohen, malheureusement, après les recoupements effectués ici et là, les autres personnes n'avaient aucune idée et n'étaient pas sûres qu'elle avait ce nom, nous aurions bien aimé transcrire ses véritables coordonnées, ne serait-ce que pour l'histoire, mais hélas, nous nous contentons des informations que nous avons obtenues. La jeune dame en question était à la recherche de jeunes talents possédant une belle voix pour les prendre en charge et les lancer dans la chanson Chaâbi ou bien dans d'autres styles (genre Alhane oua Chabab mais dans un cadre local), et c'est à cette période précise qu'elle avait découvert et, en même temps, elle fut émerveillée par la voix de ce futur artiste, un jeune prodige qui avait une belle voix suave, mielleuse, un peu grave, destinée pour les chants du Chaâbi et c'était bien le jeune Kaddour Djillali dit Belaarbi qui est devenu par la suite le grand maître de la chanson du châabi dans la région. Cette mémorable jeune dame juive en avait fait de Si Kaddour Djillali dit Belaârbi un véritable ténor dans la chanson non seulement dans les chansons du Chaâbi, celles du Hawzi et sans oublier les chansonnettes qui relèvent du S.C.D club local, elle lui avait également appris et enseigné à soigner sa voix et aussi à jouer de l'ensemble des instruments de musique (tels que la guitare, la mandoline, l'accordéon qui était jadis un instrument de musique très prisé ), et aussi le piano; il était en quelque sorte le Edit Piaf du petit Moscou, c'est comme cela que Aïn Defla fut surnommée et ses habitants aimaient beaucoup l'appeler ainsi à l'époque à cause de leur adhérence au parti communiste. Le cheikh travaillait dans son magasin en temps que coiffeur, une fois les clients partis, et dans les moments de détente avec les copains, et surtout en sirotant un thé (sahleb) bien préparé et comme il savait trop bien le faire leur collègue Radja Mohamed dit Bahlil (qui jouait dans la troupe avec de la flûte et du tar), le cheikh avec sa troupe procédait souvent à des répétitions pour affiner et soigner les incessants réglages nécessaires à leur style et permettre également à donner de l'osmose et de l'incantation, et, surtout procéder à l'amélioration continue et le perfectionnement de leur musique et des syllabes contenues dans leurs chansons. Ses chansons étaient aussi destinées aux soirées de mariage des habitants de la ville et surtout des chansonnettes pour le compte du club de la ville S.C.D (Sporting Club de Duperréen). Duperré était l'Amiral installé dans les Faubourgs de Aïn Defla et ils ont donné le nom de cet Amiral pour la ville de Aïn Defla et c'est comme cela que Aïn Defla fut baptisée Duperré. Mostaganem / Bab El Oued (Casbah) A Mostaganem comme à Bab El Oued, il partait souvent à ces endroits à la rencontre des «chouyoukh du châabi» pour se ressourcer et perfectionner le chant et la musique de sa troupe, et c'est comme cela qu'il s'est marié à Mostaganem. De cette union, il avait eu un garçon qui s'appelait Mustapha né en 1952 et qui vit actuellement à Mostaganem. En 1954, il s'est remarié à Aïn Defla et avait eu 4 enfants dont l'aîné s'appelle Abdelkader, commerçant à Aïn Defla; et il est mort le 29 Octobre 1968. Origines de la chanson du châabi / et le Blouse Américain Les Noirs américains, lors de leur déracinement de l'Afrique vers l'Amérique en laissant derrière eux leurs villages, leur pays et leur continent pour ne jamais y retourner et qui étaient emmenés de force pour l'intérêt des Américains, c'est-à-dire destinés à l'esclavage, ces Noirs américains d'origine africaine ont voulu, à travers des situations diverses, créer une sorte de chant pour l'oubli et surtout pour leur solidarité; alors le blouse était né, célèbres chansons des Noirs américains pour faire ressortir de leur entrailles trop fragiles ces douleurs, ces blessures qui n'arrivaient pas à les quitter, ces chansons, pour ces gens, étaient leur seul réconfort, leur pansement et leur espoir. La chanson du châabi, par contre, à l'époque fut aussi un pansement pour faire sortir ce cri de douleur pour ces jeunes Algériens de l'époque coloniale qui furent aussi déracinés de leurs régions pour les emmener dans d'autres lieux en Algérie et en France pour les besoins et les intérêts publics des Français. D'autres jeunes ont également fui, de leur propre volonté, leurs régions (pour manque de travail et à cause de la famine) afin de s'installer ailleurs ou en France en quête du travail afin de nourrir leurs enfants et entretenir leurs familles. Ces styles de chansons (châabi et blouse) curieusement, l'un en Afrique et l'autre en Amérique, avaient beaucoup plus de similitude bien que l'éloignement et les moyens d'information d'alors étaient très restreints mais le dénominateur commun était le même, c'était des cris d'angoisse et de détresse de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants arrachés à leurs parents et à leur terre de force. Les «chouyoukh», par le biais de la chanson du châabi, étaient là pour non seulement faire aider ces personnes à oublier et surmonter l'éloignement «el ghorba» mais aussi faire sortir de leur profond intérieur ce cri de douleur ancré depuis, ce cri représentait tout, et il était mélangé avec de la nostalgie, l'amour, les amis, la joie, la peine et la tristesse etc? Ce châabi était écouté et très prisé par des gens qui possédaient les qualités telles que par exemple, possédant un cœur chaud et dépourvus de haine, de la pureté dans l'âme et dans l'esprit, de l'amour, de la gaîté, ayant aussi dans leur esprit une « Rodjela » et pas trop de fierté, celui qui ne possédait pas ces innombrables qualités ne pouvait en aucun cas apprécier ou du moins savoir écouter ces chansons. Les « chouyoukh » avaient la sagesse et la pureté dans leurs paroles quoique voilées mais avec une intelligence verbale particulière et savaient également rendre la monnaie à leurs rivaux avec une grandeur et une affinité qui laissent pantois plus d'un et tout cela, dans un cadre serein. Ces chants, a priori, étaient destinés à une population bien ciblée mais au fond, ils étaient aussi destinés, à travers le territoire, pour des personnes connues afin qu'elles puissent décoder certains messages et orientations et (sans que les ennemis s'en aperçoivent) qui, plus tard, ont servi pour déclencher la révolution. Troupe La troupe de si Kaddour Djillali était composée comme suit et essentiellement de : Compagnons Parmi ses compagnons les plus proches qui sont vivants et c'est grâce à eux d'ailleurs que nous avons pu écrire cette histoire, une panoplie de personnes tous devenus vieux et cela malgré leur âge avancé, leur visage s'est illuminé à l'idée de les replonger dans leur passé, et sont devenus tout ronds exprimant une lucidité parfaite des lieux, des paroles, de temps en temps, ils laissent échapper une petite larme chaude qui descend du coin de l'œil, cette larme exprime-t-elle le regret ? Le bon vieux temps ou tout simplement, elle est destinée à leurs camarades morts? Et peut être, j'ai eu comme un sentiment profond que cette larme m'était aussi destinée et semblait me dire merci de nous avoir projetés une fois encore dans leur passé et leur vie antérieure. Ils laissaient entrevoir une joie à travers leur visage tout en racontant leur histoire tout en insistant sur des faits qui ont marqué leur ville de l'époque, telles que par exemple, le lien et l'amitié qui existaient, la chaleur qui leur donnait de l'espoir, ces images, c'est leur vie, c'est aussi leur trajectoire bonne ou mauvaise, mais c'est leur seul et unique itinéraire. Parmi ses compagnons, si Abed Ben cheikh Belmoumen (83 ans), malgré cet âge très avancé, espérons que Dieu lui donne force et longue vie, conserve toujours certaines chansons et il aimait bien les chanter et il nous révéla au passage ces quelques vers : ANA LI GREST ENAKHLA LOUKANE LEDJENANI ELGHARS MADJI LERAHLA YEBGHI ELI GBALOU HANI MAHOUCH MEN KHAL OUARAGLA OUAL HASDINE MA HANAOUNI GOUL ANS ELI RABIT ETAOUS RABITHA BEL DJEHDA EL TAOUAS FEL KNAFAS TAAFAS RAHI ELI MCHADDA LOUKANE MA ZMANE YEBKHAS OUIMER EL ASSAL FE ECHAHDA CHOUF EL AZIZ LABED YERKHAS MAKACH MEN BGHALI LEBDAH GAL OUKABNE ERRABAH OU RAI ZINE LOUKANE DERT SOUQ ENDOUR AALIHA MNINE MA RABAHCH OU NRAYI CHINE ILA GRASTHA OU SADIT ALIHA Je ne sais pas si j'ai bien transcrit les paroles citées ci-dessus, d'ailleurs je m'excuse auprès de si Abed Bencheikh si j'ai pas bien noté ses paroles ou bien de ne pas les avoir bien comprises. Châabi après l'indépendance Après l'indépendance, le châabi a pris une autre dimension, il s'est transformé et s'est amélioré grâce à ses maîtres (Hadj el Anka, Boudjemaa El Ankis, El-hadj Guerrouabi, Badji, etc.) dans une continuité éclairée, voire dans des recueils très élaborés et dans un cadre beaucoup plus versé sur la «Rodjela», l'amour et surtout cette manie de savoir-faire, décrire la nature, les animaux, les prophètes, les «zouâmas» etc., dans un style beaucoup plus attractif et surtout avec un effet de faire passer des messages de «Rodjela» «tête levée», expression propre aux Algériens, etc. Durant les années soixante-dix (1970) Durant cette période, la relève de la chanson du châabi fut dominée par Bacha Bouziane et Mataoui Mohamed qui furent des rossignols dans le châabi, Ali Saidi dit Madhi qui fut lui aussi avec ses copains, un virtuose et un perfectionniste à l'accordéon sans oublier ses compagnons Bahlil à la derbouka et Benmira Maillot à la bouteille / cuillère et surtout notre ami Moh Benmerzoug dit kalles qui fut lui aussi un chanteur polyvalent dans les chants comiques et style Haouzi Le dernier groupe durant les années quatre-vingt-dix (1990) fut aussi marqué par de jeunes talents du châabi et chants marocains, à leur tête un certain Sadi Mustapha. Ensuite fut la création d'une association des mélomanes du châabi dans un premier temps au niveau de la ville d'Aïn Defla dans le cadre de la sauvegarde et de la continuité de la chanson du châabi. Et plus tard, elle sera plus précisément introduite sous l'appellation suivante: Ihiaa Tourath el - Châabi de la ville de Aïn Defla. Cette association avait comme caractère et objectif principal non seulement de commémorer les anniversaires et encourager la pratique de ce type d'activité culturelle mais aussi celle de sauvegarder, d'assurer la pérennité afin de conserver l'historique des anciens et d'affiner, construire et rehausser cette démarche artistique très riche et très variée par le biais des échanges et des rencontres. |