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Suite et fin Un
jeune supporter de retour de Khartoum raconte son amitié avec un Soudanais qui
découvrait, pour la première fois, ces Algériens dont il sait seulement qu'ils
ont donné un million et demi million de chahid pour leur liberté. Dans
l'ambiance ardente que les supporters algériens avaient allumée à Khartoum, il
lui murmura : «Si l'Algérie se trouvait ici (frontalière d'Israël), la
Palestine serait libérée». Au delà de la divination, le propos résume bien
l'idée que se font les peuples de cette région sur le rapport de l'Algérie,
décolonisée, à la Palestine, en pleine colonisation. Le parallèle n'est pas
inexact. Le Gouvernement israélien a repris à son compte ce que les Algériens n'ont
jamais compris dans les propos du grand homme de lettres que fut Albert Camus.
« Entre ma mère et la justice, je choisis ma mère » disait-il dans sa radio
coloniale d'Alger. Abou Mazen vient de déclarer que le pouvoir israélien a
préféré l'extrémisme de ses colons à une paix juste.
Au Maghreb Le groupe médiatique franco-marocain Médi 1 est tenu, par les Algériens, pour être plutôt rêche avec leur pays, et pour cause. A la faveur de l'évolution triomphante de l'équipe algérienne et particulièrement avant les deux derniers matchs décisifs, la chaîne opère un rapprochement qui devient vite une complicité, faisant un appel d'air au ton et à l'ambiance de son homologue algérienne. On a pu redécouvrir combien, en dépit de tout, la maghrébinité des peuples pouvait resurgir, pratiquement intacte, chaque fois qu'il en était besoin. Et ce ne sont pas les journalistes algériens employés dans cette chaîne qui animaient ces émissions. Le retrait de l'équipe marocaine était compensé par l'espoir que suscitait celle de la voisine algérienne. C'était le cas pour l'équipe tunisienne aussi. La joie des algériens a trouvé écho dans tout le Maghreb, jusqu'en Libye et en Mauritanie. Les manifestations de joie en Europe, là où elles ont eu lieu, n'ont presque jamais été exclusivement algériennes. The day after, Les yeux étincelants de joie, le talentueux Djamel Debbouz s'est retrouvé sur le plateau de la toute jeune prometteuse Nessma TV la Tunisienne à dire ces mots émouvants qui ont rempli de plaisir la sublime animatrice algérienne, d'une rubrique, qui lui faisait face : « Au Maroc, tout le monde est sorti, En Tunisie, tout le monde est sorti », avant d'ajouter : « Alors Messieurs les responsables marocains et algériens, ouvrez les frontières ». Lui, non plus, n'a pas pu s'empêcher d'avoir une pensée aux Ghazaouis qui fêtaient la victoire algérienne pour rappeler ses positions solidaires lors de l'agression israélienne, non pas en tant qu'arabe, précisait-il, mais à cause de l'injustice faite à un peuple sur sa propre terre. Le rapport à l'occident Au fil des victoires successives de l'équipe nationale, la diaspora algérienne qui était devenue aphone, recluse et désespérément plaintive, retrouvait progressivement sa voix et, en écho à ce qui se passe au Bled, renouait avec la fierté des couleurs nationales d'origine. Les jeunes français d'origine algérienne se sont rappelés, alors, l'erreur d'avoir sifflé la marseillaise au stade de France lors du match amical algéro-français. Comme pour bien montrer que c'était par dépit des plus fragilisés d'entre eux et qu'ils s'en excusaient sincèrement, ils ont joint les drapeaux des deux pays lors de joyeuses parades. L'image négative de l'Algérien volait en éclats pour en dévoiler une autre, celle de l'Algérie qui gagne et qui fête sa victoire dans la joie et l'amour sans rancune. Si c'était arrivé du temps du projet de traité d'amitié algéro-française, malgré son torpillage par la fameuse loi sur les prétendus bienfaits du colonialisme, cela aurait changé le cours de l'histoire bien plus que ne l'a fait, jusque là, la diplomatie des deux pays. Hélas ! Cela arrive à contre-courant du nouveau contexte créé par une « lepénisation » des esprits. Le terme provient des Français eux-mêmes et il existe déjà dans le dictionnaire électrique de Windows. Le dernier article de Mohammed Harbi sur le révisionnisme négationniste colonial ambiant lui donne toute sa percutence. Au grand espoir de rapprochement suscité par le projet d'amitié, s'est substituée une politique de nettoyage de la « racaille » au Karcher, d'arabophobie et de stigmatisation de l'Islam en France en particulier et en Europe de manière générale. En Suisse, 57% des votants approuvent l'interdiction de la construction des minarets, donnant ainsi raison à l'extrême droite qui est à l'origine du scrutin. Le reste de la classe politique, c'est-à-dire tout le monde pratiquement, crie à la dérive. Un tel amendement de la constitution fera basculer le pays dans l'aventure extrémiste de triste mémoire avec, pour effet immédiat, l'assombrissement du ciel des relations avec le monde musulman. Les banques suisses n'avaient certainement pas besoin de ça et l'image du pays pouvait se passer du suivisme du gouvernement israélien d'extrême droite qui, à l'heure actuelle, en train d'étudier un projet de loi interdisant l'appel à la prière du Fajr, partout en Israël et dans les territoires occupés là où il y a des colonies. En tout et pour tout, il y a 4 mosquées avec minaret au pays de la garde du Pape, pour une population de 400 mille habitants qui fait de l'Islam la deuxième religion du pays. En Allemagne un «dérangé» russo-germain est allé jusqu'à poignarder une belle jeune égyptienne, de 18 coups de couteau, par dépit d'amoureux éconduit. Mère d'un petit enfant, elle avait décidé, avec son mari, de lui donner un frère ou une soeur. Mais l'assassin était convaincu d'avoir tout à fait le droit de lui ôter la vie car la charmante créature « satanique » le provoquait avec son hijab « islamique ». Le Rabbin de la communauté s'est joint à l'Imam pour dire ensemble : « Il ne faut pas attendre la nuit de cristal ». Il paraît qu'au pays de Balzac, 200 burkas, parmi un patchwork universel d'une population de plus de 60 millions, constitue une menace à l'identité nationale pour la République de la liberté, fraternité, égalité. Au Danemark, en Angleterre et ailleurs, même dans la capitale européenne, au plat pays de Jacques Brel, on manifeste contre une prétendue « islamisation rampante » (sic !). Dans une atmosphère aussi peu favorable, manifester sa gaieté pour un beur devient suspect, comme l'ont si bien illustré les « évènements » des Champs-Élysées après que des Maghrébins et autres Afro-Arabo-musulmans, soient venus se joindre à la fête des Français, Franco-algériens, des Algériens tout court, et d'autres Français à plusieurs appartenances identitaires rassemblés par l'histoire de l'Empire français et la double victoire des verts et des bleus cette soirée-là. Comme à l'accoutumé, dans ce genre de manifestations, les choses devaient mal tourner. Des observateurs continuent à se demander comment on est passé d'une manifestation joyeuse à des débordements qui sont généralement le fait de manifestations contestataires. Ils se demandent aussi si ces débordements ont été prémédités ou provoqués et par qui. Le grave incident du policier qui a chargé, sans raison apparente, l'étudiant marocain en Sciences Po (s'il vous plaît !), au cri d'un : « Dégage, sale arabe » devenu banal, en dit long sur l'état de la République française. Le délit de faciès, synonyme de délit d'appartenance douteuse est de rigueur même lorsque le beur est bien « intégré ». La télévision exhibait, peu après, des armes, et pas seulement des armes de point, qui auraient été trouvées chez de jeunes manifestants. Des jeunes dont quelques uns ont arboré le drapeau algérien à côté de celui de la France pour fêter, en même temps, la victoire des bleus sur les autres verts de l'Irlande, en dépit de la tache de la main de Thierry Henry. Encore plus troublante est la sentence prononcée par un grand faiseur d'opinion des médias de l'Hexagone, s'il en est, le lendemain, offusqué par les images de la veille : « Il est inadmissible qu'on manifeste avec un drapeau algérien pour fêter la victoire française (sic !)» a-t-il martelé devant une assistance médusée à un débat télévisé, largement suivi. Il serait donc interdit à un Français de fêter la victoire du pays de sa natalité tout en ne renonçant pas à son appartenance aussi, par l'origine des parents et/ou grands parents, à un autre pays qu'on voudrait ami de la France. Dire qu'il lui est arrivé à ce philosophe, écrivain, journaliste, historien,? de manifester, lui-même, sous un drapeau étranger, mêlé à celui de la France, sur le sol français, pour la cause de l'autre pays. Heureusement qu'il s'est trouvé un vieux grand reporter sportif, bien français, pour admettre devant les téléspectateurs que lorsqu'il était plus jeune, il sortait lui aussi, pour arborer le drapeau de son pays d'origine, l'Italie, à l'occasion d'une victoire de la Squadra Azura. Il n'était pas seul, bien sûr, et l'ambiance ressemblait à celle des Champs-Élysées ce 18 novembre. En fait, la majorité suisse a voté tout haut ce que la majorité occidentale pense tout bas. Beaucoup d'Européens pensent qu'ils n'ont pas à être tolérants alors que les Musulmans ne le sont pas chez eux et même entre eux. C'est l'accusation, portée par l'ex ? président américain, dans l'article mentionné plus haut, à notre encontre. Il ne ratait pas l'occasion des fêtes de l'Aïd et le Ramadhan pour adresser ses vœux amicaux à tous les musulmans de la terre lors par la radio hebdomadaire du White House. Pour lui, les dirigeants des pays de la région passent leur temps à fomenter des guerres de religion, entre eux et avec les autres, comme seule stratégie pour durer, et leurs intellectuels s'y accommodent pour se protéger. Une invitation à un large débat qui ne peut être épuisé ici. Les manifestants ce jour-là, ont voulu fêter la victoire au pays d'accueil de leurs ascendants, en rappelant leurs origines parce que des joueurs évoluent ici et là-bas et parce qu'on ne peut pas faire l'impasse sur un siècle et demi d'histoire. En plus des millions d'Algériens restés Algériens et/ou naturalisés, ils sont combien les rapatriés et ascendants ? Des millions aussi. Ils ont tous l'origine Algérie comme ils ont d'autres origines plus lointaines encore pour certains. Les participants à cette soirée festive sont convaincus que les retrouvailles, entre l'ex-puissance coloniale, devenue amicale et le Maghreb émancipé, se feront lorsque la réparation morale aura ouvert la voie aux retrouvailles historiques dans la repentance des uns et la dignité des autres. Quant ? Personne ne peut le prédire, pas dans le brouillard actuel en tout cas. Mais tous nous en sommes convaincus, en dépit de nuages révisionnistes lugubres qui s'amoncellent dans le ciel occidental. Un comité de représentants marocains, algériens et tunisiens, créé et réuni dans la capitale d'Ifriqiya, le lendemain de la saga algérienne de Khartoum, a lancé un appel au Président français pour qu'il s'inspire de l'exemple italiano-libyen. C'est le minimum de ce qui peut être fait aujourd'hui. Merci à El Khadra et ses supporters. Ce que vous avez fait à Oum Derman, par cette soirée d'automne, est immense. Vous avez éclairé la belle Algérie d'un nouveau jour pour la propulser au devant de la scène, et du coup vous nous avez changés. Nous n'avons pas fini de mesurer l'ampleur du changement. Puissent nos dirigeants saisir cette occasion unique pour en faire un tremplin à la hauteur de nos espérances. |