|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
«La réforme de la justice demeurera une option irréversible et une
priorité nationale».
A.Bouteflika (discours 28 octobre 2009) Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial. Tel est l'essentiel de l'énoncé de L'article 10 de la déclaration des droits de l'homme, qui inspira l'article 14 du pacte relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966.Ces instruments internationaux, dont l'Algérie les appuie dans les discours officiels, ont pavé la voie aux principes Onusiens de 1985, aux normes de 1990 qui définissent le rôle des avocats, ainsi qu'aux principes de Madrid de 1994 concernant les relations entre les médias et la magistrature, principes visant à instaurer un équilibre entre l'indépendance judiciaire, la liberté de la presse et le respect des droits des individus, équilibre on ne peut plus difficile à atteindre dans les démocraties les plus évoluées. Que serait-ce dans les pays ou la démocratie est un slogan et le pouvoir absolu est une définition. La justice est au droit ce que la perfection est à la perfectibilité. De la justice doit jaillir la vérité. Qu'est ce que la vérité ? Pour les prophètes, elle est dans le coeur de chaque homme. Le droit est un concept humanitaire rédigé par l'esprit et par le coeur. La justice est différente du droit, car elle ne pourra jamais atteindre sa valeur exacte. Elle demeure une porte sur l'infini, ou l'homme perpétuellement rédige et transgresse la même loi par une autre loi, souvent pour protéger un intérêt quelle que soit sa nature, politique, social, culturel ou religieux. Ce qu'il y a de plus insensé, c'est de croire que tout ce qui est réglé par les institutions ou les lois est juste. Le seul droit est celui qui sert de lien à la société, appuyé par une loi souvent codifiée. Dans un climat de démocratie authentique, la loi établit des obligations et des interdictions, et celui qui l'ignore est injuste, justicier ou justiciable. Mais si la justice est la dépendance aux lois et aux institutions et si, comme le disent ceux qui le soutiennent, l'utilité est la mesure de toutes choses. Il dédaignera les lois, tout individu qui croira y voir son avantage. C'est dans cet esprit pur et limpide que le débat sur la réforme de la justice devait s'engager. Le président de la république au cours de son dernier discours du 28 octobre 2009, il a montré et au même titre que les précédents discours marquant l'ouverture de l'année judiciaire, sa détermination entière et son ambition de mener sereinement la réforme à un stade où toute violation des droits et des libertés et tout mépris de la loi seront irrémédiablement vaincues, à quelque niveau que ce soit et dans tous les domaines de la vie privée ou publique. Aussi, pour Abdelaziz Bouteflika, les impératifs de droit ne se résument pas uniquement dans la séparation des pouvoirs et l'instauration d'une autorité judiciaire qui doit, au demeurant, voir son contrôle s'étendre à tous. De ce qui précède, de ce qui est inscrit dans la nature même de l'homme, nous pouvons déduire que la justice, l'harmonie, l'amour sont donc le ciment de tout milieu humain. Ce sont là des facteurs qui unissent réellement les hommes en communauté. Par conséquent, tout quiconque prétend gouverner les autres doit être un distributeur de justice, un facteur d'harmonie. Une approche qui résume l'ampleur de la place prise par la justice au sein des débats politiques et dans les médias. L'extension constante de son champ d'intervention, fait du système judiciaire de notre pays, un enjeu majeur pour tous les citoyens. Historiquement, le principe de l'indépendance judiciaire s'est identifié à la reconnaissance de la liberté complète dont doivent jouir les magistrats individuellement, d'instruire et de juger les affaires qui leur sont soumises, sans qu'aucune pression extérieure ne puisse influencer leur jugement. L'indépendance judiciaire était ainsi conçue comme une condition nécessaire à la mise en oeuvre de la primauté du droit, tant à l'égard des citoyens, du mouvement associatif, de la presse écrite indépendante, des intellectuels libres par leurs pensées et à la réalisation institutionnelle du principe de l'indépendance judiciaire. Aujourd'hui, lorsqu'on parle de la justice en Algérie, le scepticisme s'empare d'emblée de la rue, du fait de son indépendance tant affirmée par le discours officiel, qui n'est pas vérifiée en raison de l'influence constante du pouvoir politique, car sa finalité essentielle est de maintenir la cohésion et l'ordre social dans un état de droit. Depuis le premier discours du chef de l'état sur la réforme de la justice, cette dernière est au coeur de débats de société. Au fil des ans, on a l'impression que la réforme annoncée fait de l'administration de la justice un bras armé du pouvoir politique ayant un effet sur l'atteinte aux différentes libertés protégées par la constitution. La réforme de la justice dans un état de droit doit veiller à assurer la mise à niveau de ce secteur pour lui permettre d'être au diapason des mutations qui s'opèrent à l'échelle nationale et internationale et de répondre aux exigences de la justice du vingt et unième siècle. Dans un état de droit, une réforme répondant aux aspirations d'une société libre et démocratique doit s'attacher à la consolidation des garanties de l'indépendance de la justice, la modernisation de son cadre normatif, la mise à niveau de ses structures et de ses ressources humaines, l'amélioration de l'efficience judiciaire, l'ancrage des règles de moralisation de la justice, la mise en oeuvre optimale de la réforme. Ce que l'on peut dire, c'est qu'à un moment où la justice est amenée à jouer les premiers rôles dans la société et, par conséquent, où son fonctionnement est placé sous haute surveillance, il paraît risqué de réduire sa légitimité aux seuls critères de la compétence juridique de ses membres et de l'efficacité administrative de son système, aussi importants soient-ils. On oublie, en effet, trop souvent, qu'évaluer la qualité de la justice, c'est-à-dire déterminer les indicateurs d'une bonne justice, c'est toujours en même temps parler de la qualité de la démocratie elle-même dans notre pays. Cette dernière est un indicateur important quant au processus engagé dans la réforme de la justice, de surcroît ou la religion valide son poids entier dans la réflexion. Pourtant, le Saint Coran, première source de la Charia, contient plusieurs versets ordonnant au Messager de Dieu et aux croyants d'être justes et de pratiquer la justice. Dieu les incite à être justes, les met en garde contre l'injustice et affirme ne pas aimer les injustes qu'Il menace d'un grand châtiment le jour du Jugement dernier. Je me permets de citer quelques versets révélateurs à savoir le verset 42 de la Sourate La Table, où Dieu adresse la parole à son Messager Mohammed (qsssl) : «Mais si tu les juges, fais-le en toute équité ! Dieu aime ceux qui sont équitables «et enfin, le verset 58 de la sourate Les Femmes : «Dieu vous prescrit de restituer les dépôts à leur propriétaire et de vous montrer équitables quand vous êtes appelés à juger vos semblables. C'est là une noble mission que Dieu vous exhorte à remplir. Une véritable leçon divine d'indépendance en matière de justice. Malheureusement, Tout témoin juste, neutre et objectif constate que les pays musulmans, sont, à des degrés différents, loin de cet ordre divin. L'indépendance de la justice, ne peut pas être atteinte du jour au lendemain. C'est une évolution de longue haleine, surtout pleine d'obstacles et de difficultés. Cela mérite beaucoup de sacrifices et une attention aiguë des militants du droit dans les pays musulmans et arabo-musulmans pour scinder l'administration de la justice des pouvoirs politiques. L'indépendance de la Justice, est un édifice à construire sur place, par les propres mains des enfants du pays. Chemin plein d'embûches certes, mais conséquent c'est sûr. Dans cet ordre d'idées, comment peut-on concevoir, un chef d'état, homme politique, chef de l'exécutif garantir l'indépendance de la justice. Cette dernière ne peut être effective qu'après une véritable justice sociale, accompagnée de la défense de la liberté sous toutes ses formes, liberté de croyance, liberté d'opinion, liberté de la presse, liberté de réunion et d'associations, liberté de formation des partis politiques, liberté de mouvement, liberté de choisir ses dirigeants à travers des élections libres assurant l'alternance de l'exercice du pouvoir. Un complexe de libertés difficile à mettre en oeuvre politiquement, à vrai dire même dans les pays qui se prétendent démocratiques. Dans ce sens, le défunt Président de la République Française, dans sa conférence de presse du 31 janvier 1964, sur la philosophie de l'organisation du pouvoir, il énonce:»il doit être évidemment entendu que l'autorité indivisible de l'Etat est confiée tout entière au Président par le peuple qui l'a élu, qu'il n'en existe aucune autre, ni ministérielle, ni civile, ni militaire, ni judiciaire qui ne soit conféré ou maintenue par lui. «Mais faut-il avouer que la France, depuis ce temps, elle a bien avancé en matière des droits de l'homme, un parcours engagé qui n'a pas épargné l'appareil judiciaire, plus particulièrement l'indépendance de cette dernière par rapport aux pouvoirs publics. Un léger acquis qui ne s'est pas éloigné du débat public pour une meilleure assise. Un repère surtout pour les pays arabes qui doivent obligatoirement consentir beaucoup d'efforts. Il s'agit d'un objectif suprême qui ne peut pas être atteint du jour au lendemain. C'est un processus de longue haleine, sans fin, plein d'obstacles et de difficultés. Il nécessite des sacrifices et une vigilance constante des gens éclairés et courageux pour défendre la cause de la Justice contre les agressions dont elle fait l'objet de la part de l'exécutif. On a du mal à imaginer qu'un organisme comme la justice ne soit pas, en fait, plus ou moins contrôlé par le Gouvernement. C'est par la voie administrative que sont assurés le recrutement, la formation, la rémunération, la carrière et la mise à la retraite des magistrats, de ce fait, elle est soumise à l'autorité hiérarchique du garde des sceaux, membre du Gouvernement. Une situation délicate qui laisse souvent le magistrat dans un climat de tension perpétuel qui diminue de son action en faveur d'une réelle intégrité. Or, il est en effet essentiel que l'attitude du magistrat suscite la confiance du public dans l'intégrité de son travail et la dignité de sa profession. C'est dans cet esprit, que l'indépendance de la justice est fondamentale dans l'approche du justiciable, de surcroît dans un état de droit. Elle ne constitue pas une fin en soi, mais plutôt un moyen qui déterminera la confiance du justiciable devant un magistrat de qualité, raisonnable, bien informé et englouti dans sa conscience. L'état de droit, c'est avant tout le respect de la constitution, qui malheureusement est souvent modelée à des fins politiciennes en faveur de la consolidation du pouvoir dans les pays arabes. La Constitution n'est pas le fruit du hasard, mais c'est l'expression d'un besoin idéologique ou d'un projet politique majeur dans une réalité sociale et économique où le pouvoir empêche l'homme d'abuser de son pouvoir. Aussi, et comme l'a si bien indiqué le professeur Albert Lourde lors des débats sur le thème constitution sans constitutionnalisme-le 26 février 2009 à Alger «qu'un état de droit, se doit aussi de garantir l'alternance au pouvoir, qui implique que la compétition pour le pouvoir soit ouverte, que les gouvernants fassent preuve de modération vis-à-vis de l'opposition et surtout que la séparation des pouvoirs soit assurée, tout en précisant qu'il ne peut y avoir d'Etat de droit lorsque les juges sont aux ordres des gouvernants et lorsque l'administration n'est pas neutre et équitable. De plus, souligne le conférencier, il ne peut y avoir de développement économique sans institutions efficaces et respectueuses des lois et sans que les dirigeants rendent compte de leurs actions. Certains pays arabes, notamment dans le Maghreb, ont copié le schéma libéral adopté dans le droit français, mais les textes ne sont pas suffisants pour la réalisation d'un Etat de droit qui, lui, nécessite un milieu social ouvert aux pratiques démocratiques.» Dans notre pays, la Constitution du 23 février 1989 expose les principes relatifs à la séparation des pouvoirs et à l'indépendance du pouvoir judiciaire. Le statut de la magistrature du 12 décembre 1989 révèle le principe de l'indépendance du juge, notamment par la garantie de son inamovibilité et par l'institution du Conseil supérieur de la magistrature où les juges élus par leurs pairs sont majoritaires. Les promotions, mutations, nominations et actions disciplinaires sont aussi du ressort du conseil. Dans cette euphorie «révolutionnaire» d'octobre 1988, est né en 1989 le syndicat national des magistrats qui a ébranlé un certain moment le pouvoir exécutif. Depuis l'instauration de l'état d'urgence qui semble se pérenniser, la composition du Conseil supérieur de la magistrature a changé de ton au profit du pouvoir exécutif, ou les fonctionnaires sont majoritaires. Le statut de la magistrature de 1989 est modifié par le décret législatif du 24 octobre 1992 et la composition du Conseil supérieur de la magistrature illustre la réappropriation de l'appareil judiciaire par le pouvoir et l'entame du processus de normalisation. Ainsi et contrairement au statut de 1989, les fonctionnaires constituant le Conseil supérieur de la magistrature sont majoritaires et les pouvoirs du ministre de la Justice sont considérablement renforcés en ce qui concerne notamment les nominations, les mutations, les promotions et les questions disciplinaires et accaparent des prérogatives du conseil supérieur de la magistrature qui n'a qu'une existence formelle pour ce qui reste de ses pouvoirs. Quoique désapprouvé par le conseil constitutionnel, et les élections boycottées par la majorité du syndicat national des magistrats, le décret de 1992 faits fi de la loi du 12 décembre 1989. Devant un exemple aussi édifiant comment peut-on concevoir la notion de l'état de droit par rapport à l'indépendance de la justice. Ce décret a donc limité l'indépendance des juges en modifiant sensiblement la composition et les attributions du CSM, mais aussi les droits des magistrats, notamment le droit à l'inamovibilité, et de là diminuer de l'ampleur du syndicat. En conclusion, la réforme engagée est palpable quant aux moyens engagés pour améliorer, les conditions de détentions (aménagement des structures existantes et construction de nouveaux établissements), les conditions d'accès et de travail au niveau des tribunaux et cours, la valorisation du statut social du magistrat, et enfin la formation et le recyclage des magistrats. Toutes ces mesures importantes dans le fonctionnement de l'appareil judiciaire, ne peuvent à elles seules valoriser les réformes entamées sans la révision juste des textes de lois et notamment le code pénal et le code de procédures pénales. Ils sont loin de répondre aux aspirations démocratiques et aux principes des droits de l'homme, notamment les libertés fondamentales de penser, d'écrire, de circuler, et de s'associer. En plus claire, cette réforme n'arrive pas à scinder le pouvoir exécutif de l'appareil judiciaire qui demeure répressif. D'ailleurs à la veille de la conférence nationale sur la justice, et lors d'une conférence de presse, un représentant du ministère de la justice a déclaré «L'Algérie est le seul pays au monde où le citoyen peut avoir son casier judiciaire dans n'importe quel tribunal et à la minute même». Un discours qui résume la philosophie des réformes. Maître K. Bourayou l'a bien précisé:» En réalité, on ne demande pas des comptes au juge qui punit, mais à celui qui relaxe. Le juge croit qu'en condamnant, il aura la paix. C'est tout le problème de notre système judiciaire.» Notes : - L état de droit et l'indépendance judiciaire-Gisèle Côté Harper-Professeur à la faculté de droit de l'Université de Laval France). - L'état de droit-J. Chevalier-Coll Clès-1999. - L'indépendance de la justice- communication de J.F Burgelin- procureur général honoraire près de la cour de cassation-Paris. - Etat de droit-World perspective-Université de Sherbrooke. - Constitution de la République Algérienne. - Décret du 24 octobre 1992- Conseil supérieur de la Magistrature-JORADP - l'indépendance du pouvoir judiciaire, la mère des batailles-El Watan du 21 mars 2006. - L'indépendance de la justice-El Watan du 09 avril 2009. - Secrétaire de l'Académie Africaine pour la Paix. - Membre élu du Conseil d'Administration du Croissant Rouge Algérien. - Président du Croissant Rouge Algérien de la Wilaya de Sidi Bel Abbés. *Délégué Adjoint de l'Organisation de la Société Civile Africaine |