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Ils
sont treize. Treize militants appartenant au mouvement d'extrême-droite «
Recolonisation » qui ont été interpellés et placés en garde à vue mardi dans
toute la France par les gendarmes de l'Office central de lutte contre les
crimes contre l'humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCH). Douze
hommes et une femme « de profils divers », tous suspectés, selon un communiqué
du Parquet de Marseille, « d'avoir accès à des armes et de présenter une menace
à l'ordre public par leur participation ou leur projet de participation à des
actions violentes. » Tout un programme... Durant les perquisitions, des armes
et de l'argent liquide ont été découverts.
Ainsi va l'actualité hexagonale. Chaque semaine ou presque, on apprend que de tels énergumènes ont été arrêtés. Il y a dix jours, deux hommes qui appelaient à des « actions violentes » via la messagerie cryptée Telegram ont été interpellées. Ils postaient aussi des messages antisémites et islamophobes et se disaient admirateurs de BrentonTarrent, le terroriste auteur de l'attentat de Christchurch en Nouvelle-Zélande (51 morts dans une mosquée en 2019). La même semaine, le gouvernement décidait la dissolution d'une association xénophobe basée dans la ville d'Angers. A cela s'ajoutent des informations concernant tel ou tel groupuscule qui organise des séances d'entraînement de tirs à l'arme automatique dans les forêts ou qui appelle à des actions musclées contre les migrants. Cela fait quelques années que la même information inquiétante circule dans les rédactions françaises. Plusieurs factions de l'extrême-droite s'arment et se préparent à passer à l'action contre des musulmans mais aussi des juifs, des personnalités de gauche, des artistes et des acteurs de l'humanitaire. Toutes les tendances sont recensées dans les rangs de ces extrémistes y compris les « accélérationnistes », autrement dit ceux qui pensent que déclencher la violence entre les communautés aboutira rapidement à une guerre civile dont ils sortiront vainqueurs. Tous sont convaincus par la théorie fumeuse du « grand remplacement » que défend Eric Zemmour, le presque-candidat à l'élection présidentielle française. Tous ou presque rêvent de « remigration », c'est-à-dire une grande expulsion d'arabes, de musulmans ou d'autres étrangers « non-blancs », un peu à l'image de ce qui s'est passé au moment de la fin de l'Andalousie musulmane. On pense qu'ils sont entre 3 000 et 4 000 hommes prêts à agir. Au regard d'une population de plus de 60 millions d'habitants, c'est négligeable mais c'est suffisant pour créer le choc et semer chaos et dévastation. C'est d'autant plus inquiétant que nombre de responsables politiques mais aussi de journalistes nient cette réalité ou tentent de la minimiser. A ce sujet, tout est d'abord affaire de sémantique. A l'expression « extrême-droite », la majorité des observateurs préfèrent celle d' « ultra-droite » comme s'ils voulaient amoindrir la gravité de la situation et relativiser la menace. D'autres, on pense aux « journalistes » et autres bonimenteurs des chaînes dites d'information, ne sont pas loin de partager les mêmes idées extrémistes des mis en cause et ne veulent pas, pour le moment, du label d' « extrême-droite ». Les attentats du 11 septembre 2001 puis les différentes attaques terroristes en Europe depuis cette date offrent à ces groupuscules des arguments de poids pour recruter. Mais il serait erroné de penser que ceci explique cela. La violence islamiste n'a pas fait naître ces extrémistes, elle leur a juste donné des prétextes d'agir et plus de vigueur. A cela s'ajoute la lente dérive des élites françaises, notamment médiatiques, devenues indulgentes avec une extrême-droite hier abhorrée pour ce qu'elle a commis comme crimes durant la première partie du siècle dernier. La banalisation du Front national, la propagation de ses idées dans la société ont ouvert un espace à la droite de l'extrême-droite traditionnelle. Ajoutez à cela des réseaux sociaux qui favorisent l'entre-soi et la surenchère idéologique et l'on comprendra pourquoi Internet est le meilleur allié de ces groupes. A ce stade, le silence désinvolte des autorités est surprenant. Promptes à mettre en cause le « wokisme » des jeunes, à dénoncer la « cancel culture » qui sévirait chez ces mêmes jeunes et dans certaines institutions universitaires, à pousser des cris d'orfraies à propos du pseudo-danger de « l'islamo-gauchisme », à critiquer l'usage du pronom non-genré « iel » ou les repas végétariens à la cantine, elles ne pipent mot face à cette menace armée qui se précise de jour en jour. L'un des plus discret à ce sujet est le ministre de l'intérieur Gérald Moussa Darmanin dont on sait qu'il a eu quelques sympathies à l'égard de « Renaissance nationale », mouvement apparu en 1955 et héritier de l'Action française qui s'était compromise avec le régime de Vichy durant l'occupation allemande. La question n'est pas de savoir si ces groupes passeront à l'action mais quand. En attendant, les chaines d'information se passionnent pour des débats tels que « l'armée doit-elle intervenir dans les quartiers populaires ? » ou encore « faut-il tirer sur les réfugiés à la frontière polonaise. » On en est là. |