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![]() ![]() ![]() A propos de la «stigmatisation» de Dieu dans la littérature occidentale
par Amine Bouali ![]() Ces vingt
dernières années, les raccourcis pour «stigmatiser» le Dieu de l'islam ont fait
florès dans le monde occidental, y compris chez certains intellectuels
originaires de la sphère musulmane (en réaction principalement au terrorisme
criminel se revendiquant, à tort, de l'islam). Par exemple, en 2015, l'écrivain
français Michel Houellebecq publiait son roman «Soumission», tout en se
défendant d'avoir écrit un livre islamophobe (mais, a-t-il
ajouté, «on a le droit d'écrire un livre islamophobe»). En 2017, l'écrivain
algérien Salim Bachi éditait à Paris «Dieu, Allah,
moi et les autres», un ouvrage où l'auteur revendiquait son incroyance (c'est
son affaire !). Si cet essai ne constituait pas un pamphlet antireligieux ni
une apologie de l'athéisme, l'écrivain y faisait néanmoins une curieuse distinction
entre Dieu et Allah «dont le nom ne veut plus rien dire puisqu'il sert à
justifier l'horreur et la barbarie». Mais en Occident, aujourd'hui (et dans ses
«appendices» géographiques et intellectuels éparpillés à travers le monde), ce
n'est pas seulement Allah mais Dieu en général qui est voué aux gémonies et, en
tant que «héros positif», qui n'intéresse presque plus personne au sein de
l'intelligentsia et qui n'inspire plus l'œuvre d'aucun grand écrivain (à
l'instar, par exemple, d'un Georges Bernanos ou un Paul Claudel, en France au
siècle dernier). Pour des raisons liées (en gros) à la place de plus en plus
grande qu'y a acquise, surtout depuis la seconde moitié du XXe siècle, la
notion de liberté individuelle, l'Occident majoritaire a décrété «la mort de
Dieu» et ce «décès» est vérifié régulièrement depuis, dans les œuvres produites
par ses écrivains et ses maîtres-penseurs. En Occident, «l'homme qui réfléchit»
(dans une large proportion) s'est, de nos jours, émancipé de l'idée de Dieu et
le vacarme qu'il produit (dans les livres mais aussi à la télévision et dans
les journaux) y a rendu presque inaudible la Parole divine.
La réussite de «l'Occident sans Dieu» fascine, par ailleurs, une bonne partie de l'intelligentsia des pays musulmans où la passion de Dieu a été dévoyée par le fanatisme, la violence, les conséquences de l'indigence spirituelle et intellectuelle, où on soupçonne de moins en moins le visage de Dieu dans la simple mais combien difficile fraternité quotidienne, dans l'intelligence et la beauté gagnées au jour le jour. «On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments», soutenait le prix Nobel de littérature André Gide. Le territoire des mots autres que prophétiques est, par excellence, le lieu du doute et de la transgression. De ce point de vue, Dieu ne sera jamais un bon sujet pour un écrivain, sinon en tant que bouc émissaire. Rappelons, tout de même, qu'après avoir «écrit» (si on peut dire) quelques Livres, le Seigneur des mondes a décidé de se taire. Et Dieu sait que ce silence est troublant et qu'il n'arrête pas de hanter, d'une manière ou d'une autre, le discours des hommes ! |
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