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En temps de crise
économique, les décisions, positions et réactions des agents économiques
s'emballent et deviennent souvent irrationnelles. En effet, la crise économique
est une situation exceptionnelle où les organes et les fonctions ordinaires et
normales des agents économiques sont perturbés. Parmi les éléments qui
réagissent immédiatement aux premiers signes de la crise, la finance figure au
premier rang. Globalement, et malgré l'existence d'exceptions politiques, la
réaction des marchés financiers et des détenteurs de capitaux vis-à-vis d'un
pays permet de mesurer la température de toute son économie. Mais le schéma
logique et chronologique du déroulement des interprétations des signaux est le
même :
- Assèchement des liquidités dans le secteur bancaire, - Augmentation des taux d'intérêt et raréfaction des crédits à l'économie, - Recours massif par les agents économiques au Cash et pressions sur la monnaie fiduciaire, - Volatilité sur les taux de change et dévaluations perpétuelles de la monnaie nationale, - Instabilité et volatilité des prix, ainsi qu'une inflation galopante, - Déficits budgétaires incontrôlables et déséquilibre de la balance des paiements, - Remise en cause des plans économiques et des investissements d'infrastructures, ainsi que des investissements de développement social, - Recours à des bailleurs de fonds extérieurs et à des conditions déstabilisantes pour les pays fragiles, - Imposition et exigences par les marchés financiers de politiques extra économiques et remise en cause des choix stratégiques fondamentaux de développement économique, - Ralentissement des progrès sociaux, baisse des indices de développement humain et des capacités de redressement économique globales qui aboutit inévitablement à une accélération exceptionnelle du cercle vicieux de crise multiformes. Ce cercle infernal est un véritable piège, très efficace, mais bien maîtrisé par certaines nations et certaines entités internationales. Pour certains pays, en effet, c'est l'occasion de faire ses emplettes et de remplir son caddie d'investissements internationaux, de constitution de stocks stratégiques de matières premières et de négociation des compromis politiques et économiques à moindres coûts et une opportunité pour maximiser les rendements des ressources dont ils disposent ainsi que des ressources qu'ils peuvent se permettre d'imprimer sans contrepartie économique. Pour d'autres pays, c'est l'occasion de se remettre en cause, de remettre en cause ses propres choix stratégiques, économiques et pour interroger son attitude politique passée et future. C'est, en effet, lors de ces moments des difficultés exceptionnelles, de visibilité très réduite et de grandes incertitudes que le meilleur des nations et des pays humbles et résilients ressurgit. C'est malheureusement, également lors de ces pressions et crises majeures que les pires réactions et positions les plus mauvaises font leur émergence pour les peuples et gouvernements dominés par l'excès de zèle et les convictions suffisantes et déplacées. La crise sanitaire de la Covid-19, tout comme la crise de 1929, celle de 1997 ou celle de 2008, est l'un de ces moments historiques et complexes qui invitent à la réflexion et à la méditation des choix faits par le passé et ceux qui doivent être faits pour l'avenir d'un pays ou d'une nation. L'Algérie est triplement interpellée ces deux dernières années pour réfléchir, regarder en face et revoir tout son modèle de développement économique : la baisse structurelle des cours des hydrocarbures avec des perspectives durablement pessimistes de la mi-2015, le Hirak populaire exceptionnellement et définitivement conscient des enjeux et dangers qui guettent le pays depuis le début de l'année 2019, et enfin la crise sanitaire de 2020/2021. Je note ici trois éléments positifs et encourageants sur le plan économique que les pouvoirs publics tentent de mettre en avant. Ils sont en réalité complémentaires et leurs impacts se supportent mutuellement et se complètent sur le plan systémique : - Choix de la numérisation (mise à jour essentielle des outils de gouvernance économique et du service public) - Choix de l'internationalisation (mise à jour essentielle de la vision faite du monde et des relations économiques internationales du pays) - Choix de l'inclusion financière (mise à jour essentielle des mécanismes de financement de l'économie et de rationalisation des ressources) Le premier choix permet, in fine, de prendre des décisions sur la base de données et d'informations fiables et proches de la réalité du terrain, ainsi que la neutralisation des distorsions et des déformations créées par un épouvantail administratif trop archaïque. J'y reviendrai dans une autre contribution, dans la mesure du possible. La planification a toujours souffert en Algérie de la qualité des informations et des statistiques collectées, interprétées et utilisées pour faire des choix et prendre des décisions majeures. La quantité et qualité des ressources humaines, techniques et financières allouées au plan de développement économique nationale n'ont jamais été à la hauteur des enjeux ni proportionnelles aux aspirations et ambitions visées. Les changements espérés à travers ce choix peuvent transformer le pays en quelques décennies, voire en une décennie au vu de la jeunesse de la société algérienne et de la taille de la talentueuse diaspora algérienne versée dans le domaine de la digitalisation de par le monde. Pour ne pas rester sur de simples constats amers, je me permets de faire quelques propositions qui me paraissent structurantes : - Concilier la fiscalité ordinaire et l'économie parallèle pour les faire converger progressivement en changeant les outils déclaration et de paiement, de recoupement et vérification, de contrôle et de sanction des assujettis. Les amnisties fiscales intelligentes pour les agents économiques qui adoptent les nouveaux outils numériques, ainsi que les avantages fiscaux et parafiscaux accordés aux agents qui acceptent d'investir dans les outils digitaux et les moyens technologiques transparents peuvent encourager et motiver les plus récalcitrants à y aller. - Concilier les citoyens algériens avec les règles économiques officielles pour installer une certaine sérénité et une protection suffisamment solide des agents économiques contre les abus administratifs et leurs erreurs ou fautes dissuasives. Il est nécessaire de mettre en place des mécanismes et outils numériques qui garantissent une transparence totale des actions des uns et des autres. Les plateformes collaboratives et les workflows ouverts avec des habilitations proportionnelles au degré de sensibilité et des risques des intervenants peuvent constituer l'outil idéal afin d'y parvenir rapidement et à moindres coûts. - Concilier les autorités de régulation et les pouvoirs publics avec leur rôle régalien, intelligent, transparent et surtout discret pour aller vers une liberté optimale d'entreprendre. Disposer d'outils numériques adéquats pour accompagner les flux économiques, financiers et monétaires entrants et sortants du pays permettra une meilleure gouvernance et une anticipation plus efficace de tendances socioéconomique du pays, ainsi qu'une orientation plus efficace des ressources publiques et collectives. Sortir complètement de la sphère économique ne signifie pas abandonner le pays et le mettre entre les mains de rapaces sans foi ni loi. C'est tout le contraire qui doit s'opérer. Sortir complètement de la sphère économique pour pouvoir la réguler de façon objective et l'influencer massivement afin de l'orienter vers le sens choisi. - Concilier l'économie algérienne avec l'économie mondiale dont elle fut déconnectée depuis bien longtemps, car trop noyée dans les puits de pétrole et étouffée par les émanations gazières diverses. L'exportation des services numériques et les exportations de l'expertise des ressources humaines algériennes constituent un immense et intarissable gisement que l'Algérie a toujours mal exploitée, voire même totalement inhibées, ce qui a causé des fuites massives et regrettables des cerveaux qui auraient pu s'épanouir au niveau local. Seule une connexion sereine de l'économie nationale à l'économie mondiale pourra mettre à contribution ce potentiel extraordinaire. Cette connexion se matérialise par : la liberté du mouvement, la liberté des flux économiques, la liberté des flux financiers, la fiscalité adaptée à l'export et aides et soutien directs et indirects aux exportateurs. Ceci nous renvoie donc au deuxième choix que les pouvoirs publics tentent d'assumer, celui de l'internationalisation économique. Le deuxième choix permet, enfin, de connecter l'Algérie à l'économie mondiale et de faire profiter ses agents économiques les plus performants, les plus attentifs et les mieux outillés des opportunités de cette convergence numérique mondiale dans le but d'accélérer et de soutenir les efforts d'amélioration des exportations hors hydrocarbures, en particulier les exportations de services. Ce volet fera également l'objet d'une autre analyse totalement dédiée lors d'une prochaine contribution. Mais en attendant, j'aimerais profiter de cette occasion pour faire également des propositions qui me paraissent importantes et qui peuvent impacter les efforts d'internationalisation de l'économie algérienne de façon conséquente : - Investir massivement mais intelligemment dans des infrastructures technologiques modernes et suffisamment fiables pour l'aboutissement des objectifs du premier choix ci-dessus détaillé. Il s'agit notamment de faire des efforts sur les infrastructures des télécommunications, les infrastructures de stockage et d'hébergement domestique et enfin sur des infrastructures de cyber sécurité à même de permettre au pays de continuer à tourner et de résister en cas d'un télécom-blackout ou d'une attaque informatique totale et globale. - Stabiliser les règles économiques de façon institutionnelle et selon les normes et standards internationaux afin de garantir aux opérateurs internationaux qui feraient confiance à l'expertise et aux prestations algériennes une protection équivalente à ce qu'ils peuvent obtenir dans les pays et les régions les plus favorables (d'ailleurs c'est l'une des clauses fondamentales de l'OMC à laquelle l'Algérie n'a toujours pas adhéré !!). L'instabilité juridique est l'un des paramètres structurants de l'internationalisation économique. - Trouver rapidement une solution pragmatique, efficace et à moindres coûts aux doubles standards, aux doubles normes et aux doubles agrégats économiques qui faussent tous les calculs et neutralisent tous les efforts correctifs et de réformes déployés. Il s'agit notamment du différentiel du taux de change et du différentiel des prix du foncier-immobilier qui alimentent l'économie sous-terraine, ainsi que les différentiels des prix domestiques et internationaux. - Revoir de fonds en comble la stratégie des transferts sociaux et des subventions publiques afin de neutraliser les mécanismes de détournements et de perversion économiques qui gravitent autour des milliards consacrés à ses efforts sociaux. Les outils technologiques permettent présentement une personnalisation des aides et des subventions dédiées aux transferts sociaux. Il faut simplement en faire usage. Pour diverses raisons et différentes motivations, je consacre donc cette deuxième partie de ma modeste analyse au troisième élément stratégique que les autorités essayent de déployer bongré malgré, à savoir l'inclusion financière : - La réussite de la mise en place et l'atteinte des objectifs escomptés par les deux premiers éléments, ci-dessus évoqués, dépendront majoritairement des ressources financières qui seront mobilisées au cours des prochaines années. - La mobilisation des ressources financières ne signifie pas uniquement recettes d'exportation des hydrocarbures, subventions publiques, planche à billets ou dette extérieure. - La réussite de l'inclusion financière permet une meilleure canalisation des ressources excédentaires vers des besoins réels dans un environnement sain et serein. Assainir l'environnement des entorses et des trappes à perte de temps et d'argent via le déploiement d'outils technologiques efficaces va d'une part motiver les agents économiques sérieux et capable de réussir à investir, et d'autre part obliger les parasites économiques soit à disparaître soit à se reconvertir pour pouvoir continuer à exister. - La réussite de l'inclusion financière permettra de participer directement et indirectement à circonscrire de nombreuses problématiques complexes qui minent l'économie nationale. En effet, les ressources financières qui seront mobilisées seront diversifiées et remplaceront progressivement cette utilisation exclusive des ressources publiques dans tous les domaines, y compris dans les secteurs qui sont supposés relever du domaine privé ou international. - La réussite de l'inclusion financière positionnera inévitablement le pays dans une dynamique de développement irréversible, car le pays dispose déjà des principaux facteurs nécessaires à cette dynamique (une démographie favorable, une géographie favorable et - jusqu'à présent, malgré l'usure à laquelle il fait face dans l'ensemble des frontières extérieures - d'un système de défense efficace). La démographie et la géographie favorables, doublée d'une certaine stabilité sécuritaire permettent d'espérer que des femmes et des hommes intelligents puissent concocter un modèle de développement soutenu et réaliser des investissements objectivement dimensionnés afin de coller le plus possible aux données collectées via les nouveaux outils technologiques déployés sachant que les citoyens algériens ont toujours eu une bonne attitude prévoyante. - Enfin, la réussite de l'inclusion financière permettra une meilleure gestion des éléments subjectifs, discrets, mais surtout très nocifs pour le décollage économique tant attendu. Il s'agit en particulier de cette mauvaise gestion de nos ressources financières compromises par des fléaux qui sont dissimulés et qui prospèrent dans les rouages de l'exclusion financière. En fait, je constate que les pouvoirs publics, sous la pression populaire, avec la contribution de nombreux intellectuels et de médias nationaux, ainsi que la participation discrète, mais fondamentale de la diaspora algérienne à l'étranger, commencent à prendre les bonnes décisions et à agir dans le bon sens. Les autorités ont fini par comprendre qu'à force de vouloir tout contrôler, elles perdent le contrôle des aspects essentiels et vitaux de la gouvernance du pays. Parmi les décisions accueillies favorablement et avec beaucoup de soulagement par les citoyens algériens, il y a cette volonté affichée et assumée de : - Revoir de fond en comble la fiscalité dans sa globalité pour élargir la base fiscale en réduisant les taux d'imposition. Aller vers une exonération totale de petites transactions des citoyens et le remboursement des taxes y afférentes sur présentation de facture et de tickets de paiement par les moyens de paiement d'inclusion financière. - Revoir de fond en comble la réglementation des contrôles des changes particulièrement pour les exportations hors hydrocarbures et hors matières premières. Aller vers une liberté totale des exportateurs sur les recettes de leurs exportations de produits et services qui ne bénéficient pas de subventions publiques directes ou indirectes. - Revoir de fonds en comble le fonctionnement des administrations et des collectivités locales pour aller vers une généralisation de l'esprit du service public et le bannissement effectif et réel de la bureaucratie par la limitation de l'intervention de l'administration au seul acte de régulation et de contrôle. - Revoir de fonds en comble le fonctionnement du marché bancaire, monétaire et financier pour aller vers une meilleure allocation des ressources financières par la dynamisation des institutions de régulation, le désengagement de l'État et la libéralisation des initiatives. Par ailleurs, ce qui rend cette volonté affichée sincère et ce volontarisme crédible, ce sont tous les progrès réalisés et annoncés dans le domaine de la construction de l'écosystème de la Finance Islamique malgré les réserves et craintes de nombreuses nébuleuses politiques nationales et étrangères de voir ces efforts interprétés comme un glissement vers une idéologie obscurantiste, qui a par le passé fait beaucoup de mal, non seulement à notre pays, mais à toute la nation musulmane. En effet, après des années d'hésitation, de tâtonnement et de débats intenses, mais discrets, malgré une certaine tolérance héritée des années 90, les autorités algériennes ont décidé de prendre le taureau par les cornes et ont préféré encadrer tout un marché qui fonctionnait avec des règles déontologiques trop risquées, non seulement pour la sécurité du pays, mais également pour la sécurité des citoyens algériens et des agents qui y opèrent. Il convient de noter ici que l'Algérie est l'un des pays les plus en retard dans le domaine de la finance islamique malgré ses capacités et son attractivité de la dernière décennie : - Les évolutions récentes que la finance islamique a connues sur le plan régional, continental et mondial ont encouragé les autorités à s'y intéresser dans une perspective de retour du pays aux marchés financiers internationaux. La taille des actifs de cette forme de finance devient visible et ne laisse personne insensible en particulier son compartiment titres d'investissement institutionnel appelés les sukuks. - La finance islamique s'est relativement bien structurée et affiche dorénavant des indicateurs, paramètres et structures normatifs convergents avec les normes des marchés financiers internationaux. Elle s'est constituée des passerelles et échanges tout à fait utiles et conformes à sa propre morale avec les différentes niches des finances spécifiques et particulières : finance verte, finance équitable, finance pacifiste et finance socialement responsable. Les efforts de structuration et de construction ont abouti à des échanges viables avec le comité de Bale pour les règles prudentielles qui la régissent et à des constructions d'indices boursiers particuliers acceptés par les plus grandes bourses mondiales. - La finance islamique de par sa nature sociale favorise l'émergence d'un marché solide de micro finance, nécessaire au développement des micro-entreprises, des auto-entreprises et des activités visant le développement locale et en tant que facteur essentiel d'inclusion financière globale. Les systèmes de gestion et d'exploitation des Waqfs, les bénéficiaires et destinataires des fonds de Zakat et les fonds orientés aux activités caritatives issues des sanctions infligées aux clients de mauvaise foi sont des instruments qui ont fait leur preuve dans de nombreux pays où la finance islamique est le fer de lance du développement de la micro-finance. - Les chiffres encourageants affichés par les fonds de Zakat en un laps de temps relativement court, qui constituent en quelque sorte la partie visible d'un iceberg des fonds brassés loin des milieux considérés comme usuraires. Ces fonds gérés sous la tutelle du Ministère des Affaires Religieuses sont l'un des éléments qui ont convaincu les autorités à s'intéresser réellement à la finance islamique. - Il y a également la résilience affichée par les opérateurs de la finance islamique en temps de crises qui a joué un rôle important dans son développement relativement rapide et son adoption par de nombreux pays y compris dans les pays non musulmans tels que l'Angleterre, les USA, la Suisse et l'Allemagne. Les liens étroits entretenus par cette finance avec des actifs sous-jacents relativement épargnés par la spéculation et le Shadow-banking ne l'a pas fortement exposé aux différentes crises financières des derniers quarts de siècle. - Enfin, le dernier élément qui a poussé à l'adoption de l'ensemble des outils et des instruments de la finance islamique est l'engouement et le succès fulgurant des émissions de sukuks islamiques, publiques et privés, des dix dernières années à travers le monde. Or, l'Algérie a besoin d'explorer toutes les voies et de parer à toutes les éventualités relatives aux financements extérieurs, particulièrement ceux qui n'impacteraient pas sensiblement et significativement ses capacités d'endettement extérieur. Il se trouve que les sukuks islamiques constituent l'un des meilleurs outils de financement direct et indirect des investissements publics et privés dont l'impact sur les bilans et les balances des paiements et pratiquement neutre. Attention aux illusions !!! Les efforts ou les intentions de réforme affichés par les autorités sont certes louables et visent probablement à sortir des anciens paradigmes de gouvernance et de gestion économique du pays, de combattre les anciennes pratiques et attitudes, ainsi que de prévoir des passages et des accès pragmatiques et inclusifs aux citoyens algériens et étrangers, aux consommateurs algériens et étrangers, aux opérateurs économiques algériens et étrangers, ainsi qu'aux assujettis algériens d'être traités équitablement sur le plan financier. Mais s'agit-il vraiment d'une stratégie cohérente et d'un pan de travail viable et objectivement élaboré ? La finance islamique peut-elle seule et dans les conditions actuelles qui sont les nôtres garantir l'atteinte des objectifs ci-dessus évoqués ? Quels sont les freins majeurs et illusions dangereuses qui peuvent saper les solutions sélectionnées et neutraliser les stratégies adoptées ? À la première question, je répondrais que la digitalisation lancée, l'internationalisation voulue et l'inclusion financière recherchée vont se heurter à des facteurs qui doivent être pris en charge sérieusement et rapidement au risque de voir, encore une mutation des parasites anciens, prendre possession des différents circuits de réforme et d'en faire un usage néfaste. Il s'agit de prendre en considération les éléments suivants : - Le système juridique régissant la sphère économique et son fonctionnement afin de trouver des solutions à sa stabilisation sur le moyen terme et le libérer définitivement des humeurs et des volontés individuelles. L'homme providentiel n'est plus à la mode et c'est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit d'un homme de droit. À l'ère de l'intelligence artificielle, des IoT/IdO (y compris dans le corps humain !!!) et des processeurs quantiques, le cerveau d'un homme, providentiel puisse-il être, n'est plus capable de rassembler tous les fils conducteurs et tous les facteurs influents. Laisser entre les mains d'un individu, quels que soient ses compétences et le degré de son intégrité les règles économiques, de plus en plus globalisées et interdépendantes, relèvent tout simplement de la pure folie. - Le système fiscal du pays doit changer impérativement d'objectifs économiques, de mode et d'outils de fonctionnement, de méthodes de suivi et d'évaluation, de règles de recouvrement et de sanction afin de le rapprocher d'une part des attentes des assujettis qui le trouve répressif et dissuasif, et de l'autre part, des pratiques et des normes internationales en la matière. La gestion des spécificités ne doit plus constituer une règle, mais elle doit être exceptionnelle, insignifiante et négligeable en termes de poids et d'impacts sur l'économie et sur le système fiscal lui-même. La numérisation qui ne prend pas en compte ce facteur est vouée à l'échec. L'internationalisation qui occulterait cette réalité ne peut convaincre les marchés internationaux du business de changer d'opinion. L'inclusion financière qui entraînerait des fiscalisations conséquentes et des pertes d'opportunités pour les récalcitrants ne pourra être atteinte ni par la finance islamique ni par une quelconque autre forme de finance. - La gestion des changes et les règles applicables aux flux économiques, commerciaux et financiers entre le pays et l'étranger doivent être étudiées sérieusement par les véritables économistes et spécialistes des relations économiques internationales pour comprendre le fonctionnement réel de l'économie nationale loin des théories farfelues et des traitements de chocs préconisés par certains super-penseurs ou super-responsables économiques. En effet, le différentiel du taux de change permet à certains et obligent d'autres opérateurs économiques à trouver des parades et à se prêter à des acrobaties complexes et sophistiquées, dangereuses et risquées, plus rentables que les activités économiques, commerciales et financières auxquelles ils s'adonnent officiellement. Cette réalité qui voudrait que chaque devise achetée sur le marché officiel puisse être cédée sur le marché parallèle avec une marge comprise entre 30 et 50 % sans aucun effort ne laisse personne indifférent !!! - Les outils numériques à adopter via cette stratégie de digitalisation, les aménagements réglementaires et opérationnels à prévoir lors du déploiement de cette volonté d'internationalisation et enfin les efforts d'inclusion financière fournis, doivent cibler également et en priorité ce différentiel de taux de change qui neutralise toutes les formules et rend inutiles tous les traitements économiques que le pays adopte. - Le mutisme et l'inertie des différents responsables économiques du pays à l'égard de l'usage massif du cash, avec toutes les tares ci-dessus, ont aggravé les choses. Le cash comme seule formule de paiement est le Pyramidon qui diffuse toute la doctrine économique en vigueur dans le pays. Traiter cette question ne passe pas systématiquement par des décisions radicales ni des mesures agressives. Il peut passer par des solutions multiformes combinant digitalisation, défiscalisation, dé-bureaucratisation et encouragement, voire des primes financières à accorder à toutes les formes de paiement « traçables » et bancarisées. - La liberté d'entreprendre est à la base de la réussite des autres actions. L'État-régulateur doit remplacer progressivement l'État-opérateur. Comprendre que les services de l'État sont garants de la bonne allocation de la démographie (ressources humaines, de la géographie (la terre) et de la sécurité (le temps) permet également aux commis de l'État de comprendre qu'un budget public de fonctionnement et d'équipement calculé sur un PIB de mille milliards de dollars est meilleur qu'un budget public prélevé sur un PIB de deux cents milliards de dollars. Comprendre que pour faire progresser ce PIB, les agents publics doivent prendre soin et faire progresser leurs clients, qui sont les sociétés, les entreprises et les opérateurs économiques qui cumulent les valeurs ajoutées composant ledit PIB. J'espère que l'inclusion financière telle qu'imaginée par nos responsables économiques prend en considération le diable qui se cache dans ces nombreux détails. L'esprit coranique qui prévaut dans les actes économiques de l'agent économique, comme ce fut le cas pour Adam, n'est justement pas à l'abri de la tentation des chiffres et des rendements. Alors, aider cet esprit à combattre la corruption du diable revient aussi à anticiper les portes d'entrée par lesquelles celui-ci peut déployer ses artifices. L'exclusion intellectuelle dans le domaine économique pourrait donner une illusion de convergence des idées et limiter les brainstormings à de simples réunions de dogmes, cohérents en apparence mais fortement conflictuels en réalité. Ne dit-on pas que « Ceux qui s'avancent précipitamment reculeront encore plus vite » Tzu Meng (Mencius). * Consultant et chercheur. (1) Honoré De Balazac, auteur et romancier Français, 1799/1850 (2) Tzeu Meng, connu sous le nom de Meng Ke ou Mencius, Philosophe chinois, 380/289 avant J.C |
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