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Des plaintes en remplissant un seau troué

par Abdou BENABBOU

Les dernières déclarations du premier argentier du pays à propos de la perte sèche en dix ans des milliers de milliards fourgués dans la réévaluation des projets ne devraient pas surprendre. L'étalage de cette très lourde inconséquence est dû, on le sait, d'abord à un sérieux manque de savoir-faire à tous les niveaux de l'ensemble des activités nationales. La criarde incapacité n'est pas seulement manifeste dans la projection et la mise en place des activités censées apporter du mieux pour la population et hisser le pays à un niveau acceptable, mais elle est présente dans tous les domaines de la vie des Algériens. Aucune activité n'est épargnée par l'absence de connaissances parce que la monumentale tare est généralisée et le plus incommodant est que chacun se satisfait de cette pesante gaucherie, allant jusqu'à afficher l'incongrue prétention du travail bien fait. Une partie des Algériens est ainsi, comme si l'esprit de suffisance avait un caractère génétique.

L'ignominie des mêmes routes et des mêmes trottoirs refaits une multitude de fois en de brèves successions de temps est un des exemples frappants d'un gaspillage délibéré qui frise une inconscience criarde sinon une débilité confirmée. Le drame est que la véritable gabegie n'est pas toujours signe de corruption ou de bureaucratie. Le mauvais façonnage d'une petite ou grande œuvre n'est souvent dû d'abord qu'à l'incompétence d'acteurs bougrement mal initiés pour accomplir leurs tâches.

Malheureusement, tous les secteurs d'activité sont touchés par cette malédiction presque naturelle, allant jusqu'à s'incruster dans les petits métiers pour dépouiller avec déraison et gaucherie les portefeuilles des quidams. La damnation née d'un amateurisme assassin s'étendant au fil des jours et des ans en arrive aujourd'hui à tuer des familles entières en usant d'un appareil de chauffage mal installé. Ce n'est là qu'un exemple parmi des milliers.

Les dernières plaintes du ministre des Finances n'ont pas eu la faveur de mettre en exergue les profondes causes de la dilapidation des milliards perdus. A se contenter de dresser une listes des sommes évaporées, on se limite peut-être à remplir un seau troué.