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Sécurité énergétique : est-ce le souci actuel de l'Algérie ? (Première partie)

par Reghis Rabah*

Il faut souligner que ces dernier temps, le concept de la sécurité énergétique revient sur le devant de la scène notamment dans le discours des différents responsables.

Le 26 octobre dernier, le ministre de l'énergie invité à la rédaction de la chaine 3, rassure que les réserves actuelles assurent largement notre sécurité énergique jusqu'à l'horizon 2040 (01). Le Président directeur général (PDG) du groupe Sonelgaz, Chaher Boulakhras a affirmé, mercredi 28 octobre 2020 à Blida, que l'Algérie procèdera désormais à la réalisation « progressive » de centrales électriques, jusque là monopolisées par les grandes firmes internationales. Mais comme par hasard, il rappelle que le groupe dont il a la charge, se prépare pour la réalisation de centrales électriques à Biskra et Ménéa en collaboration avec les Sud-Coréens, donc pas seul.      Il précise que « Cette démarche s'inscrit également dans le cadre de la dynamique d'intégration mondiale et de réadaptation des nouvelles technologies avec la garantie de la sécurité énergétique en Algérie, il rappelle par ailleurs cette l'intervention, réussie avec brio, effectuée par les équipes du groupe pour réparer une panne en Libye qui avait honoré le groupe et l'Algérie tout entière » (02).

Cette nouvelle sortie médiatique autour de ce thème de la sécurité énergique réapparue après le premier choc pétrolier de 1973 qui a surpris les pays consommateurs de voir leur approvisionnement en énergie utilisé comme une arme par les pays producteurs. Depuis, la plupart des analyses consacrées à la politique énergétique internationale portent sur les intérêts et le comportement de puissants pays importateurs d'énergie tels que les Etats-Unis, l'Europe, la Chine, le japon, et d'autres pays émergents. Il faut souligner par ailleurs que la sécurité énergétique est depuis une décennie au centre de tous les débats qui a montré un intérêt particulier pour la situer surtout avec l'écologie et l'environnement en perspective de sauver la planète de la pollution.

Cependant, ce concept de sécurité énergétique vu par les pays de l'OPEP (organisation des Pays Exportateurs de Pétrole), est incontestablement différent de celui des pays développés voire émergents. Il est donc utile de se pencher sur cette notion fourre-tout et qui reste spécifique à la chronologie de développement de chacun des pays en fonction de l'histoire de son évolution : politique, économique sociale etc. Alors qu'en est-il pour le cas Algérien ?

L'urgence pour l'Algérie est la rente pour assurer la transition

Même si la démarche économique entreprise après l'indépendance reste historiquement et idéologiquement discutable (03), il existe une unanimité sur le fait que les changements opérés par les différents gouvernements qui se sont succédés sur le modèle de développement ont échoué. Cet échec a extrêmement fragilisé l'économie nationale et la rendue fortement dépendante de facteurs exogènes dont le contrôle échappe complètement aux décideurs. Il s'agit de prix du baril sur lequel on indexe celui du gaz, le cours du dollar, montant de la facture de vente des hydrocarbures et enfin les conditions de pluviométrie qui régule la facture alimentaire. Il est donc tout à fait normal que l'Algérien s'intéresse plus que tout autre à l'évolution du marché gazier pour drainer des devises nécessaires à son développement et s'enquérir de la santé du dollar.  

Depuis plus de deux décennies, les exportations algériennes totalisent à peine 3% de la valeur globale des exportations.         

Ce pourcentage tombe à 1,1% si on en retranche celles réalisées par Sonatrach (hydrocarbures) et Fertial (ammoniac) (04). Quatre entreprises réalisent 83% de ces exportations. Sonatrach exporte pour moins d'un milliard dollars de produits dérivés des hydrocarbures, contre 481 millions de dollars pour Fertial (ammoniac).

Somiphost (phosphates) et Cevital (sucre) sont les deux autres exportateurs importants dont les montants restent relativement marginaux eu égard aux chiffres globaux des exportations. Pour arriver à cette performance médiocre, le consommateur Algérien se prive des belles dattes qu'elle met à`la disposition du marché européen pour une facture ne dépassant pas les 25 millions de dollars, les truffes pour 8 et 3 pour l'échalote.

L'ancien « Grenier de Rome » n'exporte en total que pour 34 millions de produits agricoles pour payer une facture alimentaire de plus de 10 milliards de dollars. Ce qui est très inquiétant c'est que malgré leur poids dans le PIB et les recettes extérieures de l'Algérie, les hydrocarbures n'ont pas d'impact sur le fonctionnement de l'économie. En effet, plus le temps passe, plus ce secteur fortement capitalistique, consomme la rente qu'il procure.

En trente ans selon l'ancien ministre de l'énergie et des mines (05), c'est á dire de la nationalisation jusqu'à l'arrivée de Bouteflika au pouvoir, plus de 800 milliards de dollars ont été pompés dans ce secteur et pour quel résultat ?

Aujourd'hui, les incertitudes sur l'avenir des gisements en cours d'exploitation poussent à investir davantage dans l'exploration, ce qui provoque une situation inédite. Les investissements du secteur de l'énergie devraient dépasser les 100 milliards de dollars à l'horizon 2021, mais leur impact sur l'économie restera marginal. Ce qui crée un véritable malaise, avec cette impression que le monde des hydrocarbures est totalement non seulement déconnecté du reste de l'économie algérienne mais éloigne de plus en plus la possibilité de trouver une alternative à cette rente dans des délais raisonnables.

En plus, ces dernière années deux événements majeurs viennent aggraver cette situation de l'Algérie, au demeurant inconfortable. Le premier est la consommation interne en gaz pour la production de l'électricité et en carburant pour faire face à un parc automobile incontrôlable qui ne cesse de croître pour atteindre des proportions inquiétantes qui a contraint Sonatrach à importer de plus en plus de carburant afin de satisfaire le marché national (06). Le deuxième est cette révolution du gaz de schiste aux Etats-Unis qui a obligé pour la première fois Sonatrach à baisser le prix de son Sahara Blend de prés de 85 cents pour pouvoir le vendre car le pétrole de schiste a atteint les qualité de légèreté et charge en souffre dont bénéficiait le pétrole Algérien sur la Côte Est des Etats -Unis (07). Il faut préciser toutefois que l'Algérie tirait du marché Américain prés de 18 milliards de dollars dont 96% en hydrocarbures (08).

La réalité est qu'aujourd'hui le marché américain lui échappe par ses barrières évidentes. En effet tout porte à`croire que la`position algérienne reste constante et se déconnecte de plus en plus des réalités du marché. En Europe et en dépit de la concurrence, elle peut faire valoir ses atouts de proximité mais sa position demeure l'otage de deux paramètres qui lui sont propres : sa dépendance vis-à-vis des revenus qu'elle tire de exportations des hydrocarbures avec lesquelles elle importe pour près de 80% des besoins de la population et des entreprises.

Ensuite elle reste aussi tributaire de sa dépendance de la consommation interne par les volumes de pétrole et de gaz qu'elle devra lui réserver. Sur le court terme, plus elle maîtrise ces deux paramètres, plus à l'aise elle mettra en œuvre son programme long terme qu'on examinera plus loin. (A suivre les leçons à tirer du passé)

*Consultant, économiste pétrolier

Renvois

1)- https://www.youtube.com/watch?v=S13d2hcch_U &feature= share&fbclid=IwAR2GJdS6KkEI-z3hyZyaIJLfBhaYLU42KWqYrGCI9d-BMEcqIuKSvsXg-3g 2)-http://www.aps.dz/economie/112020-l-algerie-procedera-a-la-realisation-progressive-de-centrales-electriques 3)- lire les détails dans notre contribution parue au quotidien El Watan du 15 septembre 2012

4)- Association Algérienne des Exportation, rapport 2012 5)- le MEM au forum d'El Moudjahid du mois de février 2013 6)- voir le bilan de Sonatrach de 2011 disponible sur leur site 7)- Information publiée le 30 mai 2013 par l'agence Bloomberg 8)- Déclaration du Président du conseil d'affaire américain à la chaîne le jeudi 30 mai 2013