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Le pour et le contre

par El Yazid Dib

Ce pour et ce contre font partie maintenant des annales de l'histoire récente d'une Algérie qui s'apprête à négocier un nouveau virage.

Le pays vient d'être doté officiellement d'une nouvelle constitution, pas d'une nouvelle république. Les supputations et les décantations de tout bord vont s'estomper et se figer à ce volet et prendront d'autres chemins toujours à la recherche d'issues espérées par tout un chacun. Le chantier est ouvert. La politique telle que conçue dès le 12 décembre 2019 va parachever l'ensemble de son processus. Ça ne se fera pas sans accrocs. La persistance d'un côté et la résistance de l'autre vont alimenter tout l'événementiel.

Ainsi le problème d'un oui ou d'un non n'est plus une difficulté puisque il est dépassé par l'évolution des moteurs électorale. Bien avant la réponse à la question référendaire une autre question s'imposait au sein même d'un paysage politique pris pour nouveau car à peine sorti d'une mécanique infernale où seule la continuité assure le renouveau.

La forme ? Le consensus rédactionnel ? Le débat contradictoire ? Puis le fond qui va se faire coincer tout aussi vicieusement dans la forme. Beaucoup n'ont pas refusé le contenu substantiel beaucoup plus qu'ils ne l'ont fait pour la manière, la démarche, l'exclusivité. Une œuvre sensée se faire valoir nationale s'est sertie dans un cercle de commission proche aux désirs du moment. Si le pays n'est pas une entreprise, sa constitution ne doit pas être un statut de société.

L'échec est aux uns, la frustration est aux autres. Quant à la victoire, elle est encore à gagner. Un référendum des plus hypothétiques, des plus fébriles à fait, ce dimanche vibrer des sensibilités en laissant dans ses petits coins toutes les autres. Une légère sensation de triomphe est cependant à inscrire dans les temps à venir. Plus jamais ces scores brejnéviens, ces hilarités publiques qui rendaient stupides chiffres et analyses.

Le taux dans ces conditions référendaires importe peu. Il n'exprime pas plus ce que dégage la rue chaque jour comme ressentis, impressions ou inquiétudes. En l'absence de barre d'acceptation en termes de légitimité de toute opération électorale, rien n'est en mesure d'expliquer un résultat. L'on ne sait à quel seuil de voix un vote est valide. La majorité était un indice incomparable mais avec la démocratie du nombre, l'équation avait pris une tournure où ceux qui y participent dessinent l'avenir de tout le reste. Chacun dira, selon ses convictions sa propre vérité. Il justifiera qui une défaite qui un succès. C'est dire que l'échec est toujours pour l'autre. Le pouvoir organisateur ne peut consentir un jet d'éponge ou se vouer à une sombre réalité qu'il refuse de voir. Son essentiel, il le trouvera dans la majorité des voix exprimées. Positiver ça a l'air de déstresser parfois la logique arithmétique. Somme toute; il sait qu'il part avec une constitution dont la légitimité est criardement entachée, inachevée.

Ce sont ceux qui ont les premiers à avoir couru pour une campagne déséquilibrée qui endossent ce revers.

Les associations fantômes et fantoches, les nouveaux embarqués, les recyclés des mandats révolus, c'est a eux qu'échoit ce revers. L'on a vu des gens «illettrés» vanter la séparation des pouvoirs, d'autres investis dans la défense des consommateurs, disserter sur le parallélisme des formes ou la hiérarchie des textes. C'est dire que la constitution n'est plus expliquée par le droit, elle l'est par la parlotte politicienne. Que fait une association de la femme rurale dans l'organisation d'une conférence portant sur l'impact de la nouvelle constitution et la résolution des crises cycliques dans le nouveau monde ? Plus osés, plus audacieux que les plus zélés et plus changeant qu'un caméléon, il en existe bien dans les recoins de chez nous.

67% des 23%, tout est insignifiant comme gloire. 33% de ces 23% peuvent être une unité de compte non négligeable. Certains signifient la mollesse du nombre à la finalité du oui majoritaire.

Les deux bulletins, en fait ne traduisent pas l'avis des citoyens, mais des électeurs encartés. Les autres, ceux qui n'ont rien dit ou se sont abstenus auront le temps de digérer ce qui leur semblait véridique. Le peuple ne pas voté. La multiplication du ctoyen qui s'est refusé de remettre sa voix est un constat approuvé par le chiffre officiel. Son silence est donc une forte locution sans bruit, sans tintamarre, juste dans la quantité et dans la tête des politiques. Le grand réservé c'est celui qui ne vote pas ou le fait quelquefois sans pour autant donner sa voix à quiconque, ni à un oui ni à un non. C'est celui qui décide de se taire un jour face au vacarme que causent les autres durant des années. Il est partout et nulle part. Il subsiste dans la foule, dans la route, comme un poteau qui respire et transpire. Visage à géographie commune, il forme des yeux, un gosier et une luette.

Il attend, il espère. Rien n'est joué quand il s'agit du devenir d'un peuple. Le temps aussi sait prolonger l'attente positive. Que d'élections furent sans nul satisfecit populaire. 20 années, 4 mandats et tout est parti en l'espace d'un jour. Le 22 février est apte à tout moment ou à ressurgir ou à se faire en une autre date. Le pays doit gagner toutes ses batailles et non pas celles qui s'engagent en intramuros. L'Algérie est un pays eternel et pas une propriété à durée viagère ou quinquennale.

Oui, la participation a été des plus faibles parmi celles enregistrées jusqu'à maintenant. A qui la faute ? La thématique constitutionnelle ? D'emblée, elle reste imputable à ces promoteurs d'un projet qui aurait dû murir ailleurs que dans leurs sérails. Ces promoteurs d'entre partis, associations, société qualifiée impoliment de civile, de ministres novices et mauvais communicateurs, malgré l'arsenal médiatique les ayant accompagnés n'ont pu réussir à faire adhérer la grande partie des électeurs. Voilà sur qui et quoi comptait le pouvoir. Ces instruments ont excellé dans leur campagne qui n'apparaissait qu'en une propagande tellement la sincérité des propos et comportements tenus n'étaient pas bien assise sur leurs visages d'esbroufe. Ils jouaient un rôle, bien entrainés à le faire à force de l'avoir longuement exercé. Applaudir sans foi, entériner sans émoi. Ce sont eux qui ont dans une large proportion fait fuir les voix des urnes. Alors si le pouvoir continue à bâtir des perspectives d'avenir avec ces gens là, le pays n'en fera que pâtir. Un FLN, RND, des députés et sénateurs cadenassés, des exhumés d'anciens comités de soutien tristement célèbres viennent de faire leur preuve négative.

Tous ceux qui ont fait campagne pour un oui, sont responsables de la déferlante du rien et du non. Autrement dit, le peuple n'a pas boudé, peut-être la constitution mais a rejeté carrément et publiquement ceux qui lui en faisaient la promotion. Une des plus mauvaises promotions. Un ami a qui j'ai demandé, sur un ton de dérision s'il fallait aller voter ou non et quoi voter. C'est trop là mon frère me rétorquait-il ! Il y a deux énormes questions. Pour y aller ou non ; regarde un peu qui sont ceux qui appellent d'y aller et fais-en toi une idée de leur authenticité, leur vaillance, leur parcours, leur popularité et idem pour la seconde question, vois ceux qui appellent au non. Tenait-il à me répondre sur le même ton de dérision. J'ai senti que le ver est partout. Il vaut mieux ne pas s'en approcher trop.

Toute cette situation avec le peu d'engouement, l'insouciance totale de la chose publique, la négation de toute représentativité, le déni de légitimation tend à s'installer pour se justifier extrêmement dans la méfiance nationale qui se renforce de plus en plus. Rien n'arrive à faire joindre la confiance du citoyen en ses institutions. La plus expressives de cette crise réside dans cette autorité nationale de surveillance des élections. Aucun soupçon de confiance ne lui est accordé. La cause ? Ses textes constitutifs, ses prérogatives ou tout simplement ses représentants ? Oui, quand à sa simple frimousse l'on ne peut inspirer cette tranquillité qui manque tant dans le verbe ou cette franchise qui s'absente toujours dans le propos; l'on ne peut que de garder certaines distances. Dire avoir enfin une «constitution hallal» et oublier qu'elle est organisée sous l'emprise d'une autre, par ricochet «haram» c'est manquer de respect à la légalité, à sa posture. C'est dire d'une façon un peu insolite que la crise n'est ni d'institutions ni de littérature politique mais bel et bien de choix, de tri, de nominations voire de cooptation de ces hommes qui ne jouissent d'aucun crédit citoyen. Puiser dans le vivier juvénile, dans la réserve inédite de la république, dans les tiroirs de l'Etat vous trouveriez certainement des trésors en attente d'éclosion. Plus d'anciens aigris, de recyclés suffisants, de marchandises avariées, de retour de carrière, de récupération anthropologique.