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Le métier du treuilliste, face au danger de la manutention portuaire

par Hini Abdelhamid

Dans le domaine maritime et portuaire, il existe un métier peu commun en nom et en nature que beaucoup d'entre nous ignore son existence et par conséquent, on ignore son importance dans le commerce international qui caractérise le progrès d'un pays ou d'une région en termes d'activités sociales et industrielles. Il s'agit du métier du Treuilliste, qui est l'opérateur du treuil et de la grue de levage dans le chargement et déchargement des navires de marchandise qu'on peut toujours voir accostés le long des quais dans n'importe quel port de commerce en Algérie.

Le treuilliste est simplement l'opérateur de grue de pont d'un navire comme n'importe quel conducteur de grue ordinaire et qui n'est pas nommé grutier. Les nommés grutiers dans les ports de commerce désigne particulièrement les opérateurs de grues fixes ou mobiles établies sur les quais pour le même travail de chargement et déchargement des navires. Dans ce sens, les treuillistes sont eux-mêmes des grutiers du port selon le besoin d'utiliser les grues de quai ou les grues de pont d'un navire, bien que dans plusieurs ports Algériens, les conducteurs affectés aux treuils des navires et nommés treuilliste ne sont pas les mêmes conducteurs affectés à la conduite des grues portuaires dans cette activité.

En général, la conduite des grues est un métier à risque dans l'ensemble des activités de levage, cependant, la conduite des treuils et grues de pont d'un navire est beaucoup plus complexe qu'on le pense chez les professionnels des ports de commerce ; d'abord, en se situant au centre de l'activité portuaire et dans une position d'interface physique entre le navire et le port d'accueil. Naturellement, la fonction des treuillistes est essentielle dans le transit des milliers de tonnes de marchandise par mer, sous le regard de plusieurs parties intéressées à l'activité de commerce international et du transport maritime en particulier.

Le travail des treuillistes consiste donc à manipuler tous types de marchandise qu'on peut transporter par mer, dans des conditions extrêmement compromises par un ensemble de règles et de règlements internationaux, ainsi que par les difficultés propres aux métiers de la mer en étant toujours aux commandes des treuils et grues de pont d'un navire ; le plus souvent imprévisible en matière de structure et de sécurité. Dans ces conditions, il existe en fait toute une équipe autour du treuilliste dans le cadre d'une organisation de travail plus ou moins adaptée à l'interface physique entre le navire et le quai de chargement et déchargement. Parmi les coéquipiers des treuillistes, on nomme le poste de l'homme de chaine plus connus chez nous par le poste de « Snasli », qui a pour rôle de guider le treuilliste dans les mouvements de la grue et telle qu'appropriés au hissage des colis et palettes à partir des cales du navire vers le quai de débarquement et vice versa. Ensuite, il y a le reste de l'équipe telle que composée essentiellement par des agents élingueurs disposés en cale et sur le quai pour les taches respectives de fixation et de détache des colis sous les yeux d'un chef d'équipe bien aguerri dans ce type d'opération portuaire.

Bien entendu, le service de chargement et déchargement des navires dans l'enceinte portuaire peut être assimilé à un outil de production et une étape déterminante dans le transit des marchandises à travers les ports de commerce. D'ailleurs, la notion de productivité ou de performance dans le domaine portuaire est fortement liée à l'efficacité des opérations de manutention et d'acconage, dans les limites des moyens logistiques en place. C'est ainsi que la majorité des ports algériens emploient plusieurs équipes de jour comme de nuit pour rentabiliser les moyens et pour manipuler le maximum de tonnage quelque soit le type de colis ou de marchandise en transit dans les ports de commerce.

Face au trafic global des marchandises réalisé par l'ensemble des entreprises portuaires algériennes, une bonne partie restera exclusive à l'œuvre des treuillistes avec leurs coéquipiers, qui se placent en permanence dans une zone reconnue très dangereuse.

Outre l'aspect dangereux des opérations de manutention notamment en zone portuaire, les treuillistes sont souvent perchés aux commandes d'un treuil ou d'une grue d'un navire étranger, dont le pavillon ou pays d'immatriculation n'est même pas cité dans la carte géographique mondiale. Ceci, pour signaler que des navires déficients en matière de sécurité peuvent toujours accoster le long des quais algériens et que par nécessité d'opérer ces marchandises, des treuillistes et agents élingueurs sont tenus de s'exposer au dangers liés à cette catégorie de navire, notons que la question de déficience aux normes de sécurité peuvent aussi concerner les moyens logistiques établis sur les quais des ports algériens.

A défaut d'une étude formelle sur les cas d'accidents survenus dans l'enceinte des ports algériens, et dans les zones de manutention en particulier ; des témoignages ont été recueillis auprès des treuillistes et coéquipiers qui révèlent d'une situation très grave au nivaux des ports algériens, par le fait que des accidents mortels ont été signalés au cours de l'année 2024 et tels que survenus pendant les opérations commerciales des navires. Pareil pour les années précédentes, pour affirmer avec optimisme qu'il y aurait au moins un accident mortel par an, pour l'ensemble des ports de commerce en Algérie avec une récurrence plus ou moins importante pour chacun de ces ports ; à titre d'exemple, en 2012 on comptabilisa six (06) accidents mortels dans un seul port de commerce en Algérie dont la majorité relèvent des opérations de chargement et déchargement des navires. Selon la pyramide de Bird sur l'analyse des accidents de travail, on peut facilement déduire que beaucoup plus d'accidents moins graves surviennent régulièrement dans ces zones d'activités, si ce n'est pas au quotidien.

Parmi les risques soulevés dans ce cas de figure ; on notera les chutes de hauteur et les écrasements et défonces occasionnés respectivement par la chute et le balancement des charges pendant les opérations de chargement et déchargement des navires, selon que l'événement mortel est survenu à bord du navire ou sur le sol d'un quai. La fin tragique d'un de nos treuillistes reste à jamais gravée dans la mémoire de ses coéquipiers, lorsque celui-ci s'appuya simplement sur la rampe d'une grue de pont d'un navire étranger, lorsque la rampe toute rouillée s'affaissa sous son corps et fit une chute mortelle sur le pont de ce navire. Bien d'autres risques méritent d'être signalés comme spécifiques aux navires, comme les échelles d'écoutilles, le désarrimage des colis à bord, les sols glissants, et toute dégradation liée au mauvais entretien des navires.

En marge d'une nécessité de se pencher sérieusement sur l'étude de ce phénomène dans le sens de mettre fin à ces drames, les autorités portuaires auront tout à gagner en bannissant les navires sous normes en matière de sécurité et défaillants, par évidence, en matière des performances liées aux opérations commerciales. Le défi de se conformer aux exigences internationales en matière de santé et sécurité dans les ports de commerce, selon les directives pratiques du Bureau International du Travail (2016) relève d'une sérieuse coordination entre les différentes parties prenantes dans le secteur du transport maritime, notamment les pouvoirs publics en charge de ce secteur.