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Dans « La mort et son mystère
» (1), livre d'une grande humanité, Camille Flammarion pose le problème de la
signifiance de la mort sur l'existence humaine. La mort est l'événement suprême
de la vie.
On doit comprendre plus que la naissance. Ne pas vouloir l'étudier est une puérilité enfantine. Pour avoir une meilleure vision de sa pensée, écoutons-le. «Atome pensant, emporté sur un atome matériel à travers les immensités de la Voie lactée, l'homme peut se demander s'il est par l'esprit aussi insignifiant que par son corps, si la loi du Progrès ne doit pas l'élever dans une ascension indéfinie, et s'il y a un système du monde moral harmonieusement associé au système du monde physique». (1) Il est évident que si ces mots furent énoncés par le très respecté savant, à cette époque - ce livre, rappelons-le a été édité en 1920 - c'est qu'ils étaient ressentis, au plus profond de son être. Et il le dit : «L'Esprit n'est-il pas supérieur à la matière ? Quelle est notre véritable nature ? Quelle est notre destinée future ? Ne sommes-nous que des flammes éphémères un instant pour s'éteindre à jamais ? Ne reverrons-nous plus ceux que nous avons aimés et qui nous ont précédés dans l'Au-delà ? Les séparations sont-elles éternelles ? Tout meurt en nous ? S'il reste quelque chose, que devient cet élément impondérable, invisible, insaisissable, mais conscient, qui constituerait notre personnalité durable ? Survivra-t-il longtemps ? Survivra-t-il toujours ? Être ou n'être pas ? Telle est la grande, l'éternelle question posée par les philosophes, les penseurs, les chercheurs de tous les temps et de toutes les croyances. La mort est-elle une fin ou une transformation ? [...] Ne sommes-nous pas devant les arcanes du monde invisible différent de celui qui tombe sous nos sens et impénétrable à nos moyens d'investigation positive ? Ne peut-on essayer, chercher, si certains faits, correctement et scrupuleusement observés, sont susceptibles d'être analysés scientifiquement et acceptés comme réels par la critique la plus sévère ? Nous ne voulons plus de phrases, plus de métaphysique. Des faits ! Des faits ! Il s'agit de notre sort, de notre destinée, de notre avenir personnel, de notre existence. Ce n'est pas seulement la froide raison qui questionne ; ce n'est pas seulement l'esprit ; c'est aussi le sentiment ; c'est aussi le cœur.» (1) Ce flot de questions posées par l'auteur a-t-il une réponse ? Que va-t-elle répondre la raison froide qui questionne et raisonne ? La raison que l'on sait en nous et dont nous ne savons rien de son essence. Comme du reste l'esprit en nous dont on ne sait rien ; et seul le sentiment d'être nous l'indique et nous fait sentir les problèmes du monde et de notre être, parfois allant jusqu'à nous faire sentir l'absurdité de notre existence ; dans le sens que nous existons pour qu'ensuite nous disparaissons comme si nous n'avons jamais existé. Au sens de l'humain, ces ques tions n'ont pas de véritables réponses qui peuvent nous dire : «Oui, nous sommes nous ! Et nous précisent sur quel support nous reposons ! Quel est l'essence qui fait notre existence ?». Tout au plus l'humain que nous sommes les appréhende par l'esprit en nous, selon la conscience que l'on a de lui, selon du sens qu'il nous donne de la vie, selon la compréhension que l'on se fait du progrès du monde. C'est précisément cette conscience, ce sentiment que l'humanité est en perpétuelle ascension, que le progrès qui se manifeste en elle la pousse toujours à aller plus loin dans ses investigations les plus vastes, les plus profondes, quel que soit le domaine considéré qui a trait à la vie ; commandées par cet esprit en elle, ces facultés intuitives et abstraites en nous qui viennent presque du néant, dans le sens que notre vide intérieur dûment rempli est ainsi constitué et fait que ce qui relève de nous avance toujours sans même comprendre comment nous eussions fait pour que ce processus de progrès s'opère ; et il s'opère en nous, pour nous et malgré nous. Cependant, si le progrès du monde est infini, l'homme dans cette humanité reste toujours l'homme dans cet étant du monde ; qu'il se dise «être ou n'être pas», il est à la fois cet être-là qui vit et cet être qui ne vit pas, parce que l'homme ne vit pas par ses propres moyens ; il est créé, vit par cet Être extérieur à lui, c'est-à-dire l'Esprit du Monde, le Créateur du monde. Dès lors se pose la question du sens de la vie ? Du sens de la mort ? Et l'homme savant dans Camille Flammarion a entièrement raison de poser ces questions qui interpellent l'humanité entière. L'homme naît, vit, mène une vie constituée de mille événements que le plus souvent il subit à son corps défendant. Il se dit «pourquoi je suis cet être-là ? Qui je suis ?». Et, sans réponse, ce flash de questions disparaît, et pris dans les vicissitudes de l'existence, l'homme continue sa route. Et peu importe sa situation, qu'il réussisse ou non sa vie ; il existe, il est simplement jusqu'au crépuscule de sa vie ; là, il disparaît comme il est venu, ou plutôt comme s'il n'est jamais venu. Ne témoignerons de lui que ceux qui l'ont connu, qui, à leur tour, disparaîtront comme s'ils n'étaient eux aussi jamais venus ; la vie deviendrait alors vide, une illusion d'avoir existé. Dès lors, l'existence est-elle absurdité ? En apparence, oui ! Puisque nous rencontrons inéluctablement la mort. Nous existons pour ensuite ne pas exister. La question qui se pose : «L'absurdité signifie-t-elle inintelligence ?». On peut répondre d'emblée : «Impossible ! L'absurdité ne peut être inintelligence.» L'absurdité en tant que sentiment que nous témoignons est une partie intrinsèque de notre vision humaine de notre être et du monde, donc fait partie de l'existence. Une Terre qui tourne par on ne sait quelle force peut paraître absurde et sans sens. Même s'il demeure que c'est une Force Infinie qui la fait tourner. Comme nous aussi nous existons et que nous avons été créés. Et l'absurdité qui nous vient tire sa logique de notre impossibilité de nous représenter l'Essence du monde. Donc tout nous apparaît absurde parce que nous ne comprenons pas notre finalité et la finalité du monde. De même, lorsque, par exemple, par les beaux matins ensoleillés, on regarde heureux la nature paisible, l'harmonie qui se dégage d'un beau paysage, la verdure, un ciel et un horizon majestueusement éclairés, ou que l'on soit au bord de la mer, au lever du soleil, ou au coucher du soleil, ou dans une ville qui commence doucement à se réveiller..., et partout où nous rencontrions cette félicité de l'existence, pourrait-on dire que ces beaux paysages sont absurdes ? La beauté, l'harmonie du monde, par essence, ne sont pas absurde ; ils ont un sens. De là, on déduit que l'absurde et le sensé sont en nous. C'est précisément cette opposition de deux sentiments en nous qui donnent le sens de notre existence. De même, il en va de la vie et de la mort, elles sont en nous. Donc absurdité de l'existence et son opposé, l'existence sensée et raisonnable, sont à relativiser. Il demeure qu'il y a un principe intelligent qui régit le monde. Comme la vie pour l'homme pensant est une partie intrinsèque de son existence, la mort configurée comme opposée à la vie est aussi une partie intrinsèque de son existence. Pour simplifier le raisonnement, et rendre compréhensible cette approche du sens de la vie et la mort, on peut citer l'expérience de Kastenbaum. «Dans une enquête écrite, en deux parties, il a demandé à 214 étudiants inscrits à un cours traitant de questions liées à la mort d'exprimer de manière concise leurs sentiments au sujet de la vie dans un monde sans vieillissement ni mort. Le travail fut donné avant toute lecture sur le thème du cours. Dans cette première phase, 88% des réponses furent clairement positives. Les commentaires écrits furent de ce type : «Et comment ! Est-ce que ça commence maintenant ?». Ou «J'aime beaucoup cette idée ! Vous me rendez heureux !» On donna alors aux étudiants un travail contenant des instructions précises où ils devaient énumérer a) les «effets qu'un monde sans mort pourrait avoir sur les autres et sur la société en général», et b) «les effets d'un monde sans mort sur la manière dont vous-mêmes vous vivez et faites l'expérience de votre propre vie.» A la suite de ce travail, la question initiale fut de nouveau posée aux étudiants. Les résultats furent significativement inverses avec 82% de réponses négatives et 18% de positives.» (2) Il est évident que les premières préoccupations qu'ont exprimées les étudiants à propos des effets de l'absence de mort sur la société portaient d'abord sur le problème de surpeuplement. La Terre ne serait pas aujourd'hui à 8 milliards d'êtres humains auraient été peut-être le quadruple si la mort a toujours été absente. Et 100 milliards d'êtres humains dans 100 ans. Où irait le monde quand on sait que déjà la Terre est exigüe pour l'humanité. On tente partout d'ériger des frontières infranchissables contre les migrants qui pourtant les franchissent. Partout en Europe, entre les États-Unis et le Mexique ; en Asie, entre la Russie et la Chine, et entre l'Asie et l'Europe. En Afrique du Nord, avec la poussée migratoire des pays du Sahel, les flux migratoires ne vont pas cesser tant qu'il y a des pays riches et des pays pauvres. On comprend dès lors la prise de conscience des étudiants que cette situation de non-mort dans l'humanité perturberait gravement la vie sur terre. Les milliards d'hommes et de femmes âgés et de bébés qui naîtront non seulement mettront en faillite le système économique mondial mais créerons un décalage entre le nombre élevé d'êtres humains âgés qui s'accumuleraient et ne vieillissent pas et ne meurent pas et le nombre d'êtres humains entre ceux en âge de travailler et ceux qui poursuivent des études et des enfants encore non scolarisés ; une situation démographique et économique de l'humanité devenant complexe et à terme la Terre ne suffirait pas pour subvenir à leurs besoins. A suivre... *Chercheur |