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La facturation de complaisance
dans les entreprises prend la forme de fausses factures ou de factures
fictives. Ces pratiques ont une incidence en droit fiscal, car jusqu'à une date
récente l'administration fiscale ne disposait d'aucune procédure intermédiaire
entre le droit de communication et le droit de visite.
La comptabilité est un élément pour révéler les infractions, mais elle s'avère souvent insuffisante pour déceler des opérations frauduleuses à partir de montages reposant sur de faux justificatifs. Au plan pénal, la facturation de complaisance permet la mise en place de montages frauduleux, susceptibles de constituer des infractions d'abus de biens sociaux, faux et usage de faux, corruption. Quand la fausse facture qui est un instrument est retranscrite dans les comptes, elle est de nature à fausser la comptabilité en la privant de toute image fidèle. Cela pose en fin le problème de la lutte contre la criminalité financière à dimension nationale et internationale. Au niveau des importations la surfacturation pose une difficulté particulière car il n'est jamais aisé de dire à partir de quel montant un prix facturé est excessif. On pratique la comparaison avec le prix du marché. Les fabrications et usages de fausses factures sont des éléments constitutifs de délits plus complexes. Ainsi, la fausse facture peut être un élément constitutif d'escroquerie, d'abus de confiance ou d'abus de biens sociaux. La facturation de complaisance au regard du droit fiscal La Direction générale des impôts est fréquemment à l'origine de la constatation de factures de complaisance dans le cadre de la mise en œuvre de pouvoirs d'investigation. En effet, la mise en œuvre par l'administration fiscale de ses pouvoirs d'investigation dans les locaux professionnels et dans les locaux d'habitation des contribuables constitue un domaine sensible des relations entre le fisc et ses administrés. Le droit de visite et de saisie et le droit d'enquête permettent la recherche et la constatation de factures de complaisance. L'administration fiscale est désormais en droit demander à l'autorité judiciaire l'autorisation d'effectuer une visite domiciliaire afin de rechercher la preuve d'agissements frauduleux. Ceci s'inscrit dans un vaste mouvement de réforme législative organisant les perquisitions administratives. Le droit d'enquête, plus communément appelé contrôle de facturation, est une procédure d'enquête administrative inopinée, destinée à rechercher les manquements aux règles et obligations de facturation auxquelles sont tenus les assujettis à la TVA et, par voie de conséquences, la recherche de fausses factures et de factures fictives. Ces procédures permettant notamment la recherche et la constatation de factures de complaisance, s'inscrivent dans une phase d'investigation et non de contrôle. Cette distinction entre les pouvoirs de contrôle et d'investigation est fondamentale. En résumé, il existe un pouvoir de contrôle contrepartie du système déclaratif et d'autre part un pouvoir d'investigation dans lequel s'inscrivent le droit de visite et de saisie et le droit d'enquête. Il y a «le droit d'entrer», «de pénétrer», «de visiter», «d'avoir accès». Une perquisition est une intrusion physique pour obtenir une chose dans le but d'apporter la preuve lors d'un procès pénal. II existe donc, d'une part un pouvoir de contrôle et, d'autre part, un pouvoir d'investigation dans lequel s'inscrivent le droit de visite et de saisie ainsi que le droit d'enquête. Les effets juridiques découlant de l'imbrication de ces différents pouvoirs revêt une importance majeure. Ainsi, le régime des visites domiciliaires a été progressivement précisé par les juridictions pour aboutir aujourd'hui à des solutions qui paraissent enfin établies dans le domaine de l'autorisation judiciaire. La jurisprudence a dégagé les conditions de forme et de fond qu'il faut respecter pour que cette autorisation soit donnée dans des conditions régulières. II semble que, concernant le contrôle de l'exécution des enquêtes effectuées dans le cadre de la mise en œuvre du droit de visite et de saisie et du droit d'enquête, il reste des questions non résolues telles que le secret professionnel de l'avocat et le contrôle des opérations matérielles. Le code général des impôts précise les obligations de tout assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en matière de facturation. Le principe retenu est simple : tout redevable qui effectue des opérations entraînant l'exigibilité de la TVA doit délivrer une facture datée et numérotée ou un document en tenant lieu. Chaque facture doit obligatoirement comporter la dénomination, la quantité, le taux de TVA, un prix hors taxe, le montant de TVA et un prix toutes taxes comprises. L'absence de production d'une facture peut se traduire par un montant qui sera généralement réglé en espèces. La facturation de complaisance génère des flux financiers, des sommes en espèces, qui permettent d'alimenter d'autres types de fraudes : à la TVA, à l'impôt sur les sociétés, aux cotisations sociales, à l'impôt sur le revenu, dont le coût final est supporté par le Trésor public. La facturation de complaisance peut être poursuivie sur le fondement des dispositions du code pénal, au titre du délit général de fraude fiscale, l'engagement des poursuites est lié à une plainte préalable de I'administration. La facturation de complaisance au regard du droit pénal Les factures de complaisance sont constitutives de faux en écriture et peuvent constituer des éléments d'infractions plus complexes tels que l'escroquerie ou les actes de corruption, d'abus de biens sociaux, de banqueroute par détournement d'actif. Enfin, quand la fausse facture passe en comptabilité, elle génère une présentation de comptes infidèle dans la mesure où les états financiers ne sont pas de nature à refléter une image fidèle du patrimoine de la société. Les fausses factures constitutives du délit de faux en écritures Les factures fictives constituent des faux car, dans la mesure où il n'existe pas de cause ou qu'une fausse cause, c'est le document dans son intégralité qui est faux, l'altération matérielle du document par ajout d'éléments est constitutive du faux matériel alors que retranscrire des informations sur la facture n'ayant aucune réalité est un faux intellectuel, lesquels sont réprimés par le code pénal. Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 50.000,00 à 100.000,00 DA d'amende. Les factures fictives sont établies pour permettre le transit des pots-de-vin, de la corruption politique ou les détournements de subvention ou de biens sociaux. Les fausses factures constitutives du délit d'escroquerie En effet, I'escroquerie consiste à user de manœuvres frauduleuses en vue d'obtenir la remise, par la victime, du bien malhonnêtement convoité. Par exemple, un club sportif se fera allouer des subventions bien supérieures à celles qui sont nécessaires à l'activité du sport pratique et les récupérera par des contrats fictifs ou des prestations excessives. Les fausses factures constitutives du délit d'abus de biens sociaux La fausse facture sert également dans les montages complexes où l'abus de biens sociaux peut être incriminé. L'hypothèse la plus intéressante est celle où les fonds détournés étaient destinés à la commission d'une infraction mais dans le but de favoriser la société. C'est le cas où le paiement de factures fictives vise à dégager des liquidités qui permettront de rémunérer un tiers pour des faits de corruption ou de trafic d'influence au bénéfice de la société. Les fausses factures constitutives du délit de banqueroute L'infraction de banqueroute par détournement d'actif sanctionne le dirigeant d'une entreprise en redressement ou liquidation judiciaires, qui aura «détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur». L'incrimination vise directement le cas du dirigeant qui détourne une partie des fonds sociaux sans que soit exigé un acte contraire à l'intérêt social, ni même un intérêt personnel direct ou indirect du dirigeant. Dans le délit de banqueroute également la facture fictive peut jouer un rôle majeur. En revanche, cette infraction de banqueroute est plus restrictive que l'abus de biens sociaux en ce qu'elle exige un détournement, c'est-à-dire «un acte positif de disposition» ; si un simple usage abusif au profit d'une personne déterminée ne saurait suffire, l'acte de disposition résultera sans aucun doute de fonds utilisés à travers une facturation de complaisance. Le délit de banqueroute permettra, dans certains cas, de sanctionner des comportements qui, a priori, tombent sous le coup du délit d'abus de biens sociaux comme le fait pour un dirigeant de régler par la société des dépenses personnelles. Une différence importante entre les deux délits est qu'il est nécessaire pour que le délit de banqueroute soit constitué que la société soit en état de cessation des paiements. La place de cet élément dans la constitution du délit de banqueroute renvoie à la question de la date de la facturation de complaisance. Les fausses factures et le délit de présentation de comptes «infidèles» Enfin, la fausse facture, quand elle est imputée en comptabilité, est de nature à altérer les comptes en les privant de toute image fidèle, dans la mesure où il n'existe plus aucune correspondance entre les opérations patrimoniales et leur retranscription dans les comptes sociaux. La fausse facture est donc de nature à générer une publication ou présentation de comptes annuels ne donnant pas une image fidèle. *Expert-comptable et commissaire aux comptes, membre de l'académie des sciences et techniques financières et comptables, Paris. |