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Le soubassement de cette nouvelle
conception s'adosse sur l'hypothèse que les organisations fonctionnent souvent
par rapport à l'influence de mécanismes de défense collectifs sans que les
individus en aient conscience ; les critères déterminant les comportements ne
sont pas forcément rationnels, ils sont des fois en rapport avec des angoisses
et des craintes que la conscience individuelle des différents partenaires ne
soupçonne même pas l'existence.
En adoptant cette approche, les promoteurs de l'importance de la dimension «irrationnelle» dans le management espèrent annihiler les inhibitions au niveau des acteurs et de l'organisation afin de promouvoir un moi performant capable de permettre aux différents intervenants de faire face aux exigences de la concurrence qui conditionne la vie des entreprises. Les thèmes que la reconnaissance de l'impact de l'inconscient dans la structuration des comportements des différents partenaires dans l'entreprise a mis en évidence sont nombreux, on peut citer sans prétendre à l'exhaustivité : la gestion du stress, la part de l'imaginaire dans l'entreprise (les mythes et les rituels d'entreprise), les processus d'identification, les phénomènes de sublimation, de clivage, d'idéalisation, de désaveu, d'hostilité, d'agressivité, de pouvoir? Cette conception est certes à considérer dans son propre cadre, il est illusoire de vouloir reprendre tout l'appareil conceptuel de la psychanalyse et l'appliquer à l'entreprise ; le management ne saurait être réduit à contenir la psychanalyse; la compréhension du comportement organisationnel et l'explication de sa portée ne peut s'envisager qu'en intégrant les enjeux de différentes formes. Parallèlement aux différents phénomènes cités ci-dessus en rapport avec l'inconscient qui structurent le comportement organisationnel, il y a lieu de préciser le rôle accordé à la notion de culture d'entreprise dans le management moderne. Peut-on concevoir une culture sans ses fondements inconscients ? La prise en compte de la dimension inconsciente permet d'aller en profondeur, de circonscrire le comportement. Mais avancer cette conviction mérite de préciser que le comportement n'est pas uniquement déterminé par un passé refoulé, par un inconscient enfoui qu'on se contente de ressortir à la lumière. Tout comportement se doit d'être situé dans les différentes dimensions qui le structurent suivant des configurations contingentes que la GRH en tant que science dédiée à l'étude et l'analyse du facteur le plus important de l'entreprise s'en préoccupe. En effet, la GRH, dans sa quête permanente de recherche de l'équilibre tant interne de l'entreprise qu'avec son environnement, se fixe comme objectif de prendre en charge la problématique de l'ordre et du désordre en instaurant le premier comme préalable à toute activité et en annihilant le second par l'usage de procédés de lubrification de la machine sociale. La pertinence de la GRH en tant que fonction essentielle et stratégique dans l'entreprise consiste à réduire l'incertitude susceptible d'affecter les différents actes de gestion concernant les personnes en tant qu'acteurs dont la contribution conditionne le sort de l'entreprise. Cette conviction qui supporte la GRH suppose certaines conditions aussi bien au niveau de la philosophie d'approche à adopter, ou en terme plus clair, la façon de concevoir et de percevoir la réalité, que dans la formalisation des procédures, outils et présentation de solutions. Au-delà des différentes approches dont a bénéficié la GRH, elle se doit de s'inscrire dans une logique de management stratégique, c'est-à-dire elle doit s'inscrire dans le long terme, aseptisée de la démarche tactique conjoncturelle en puisant l'énergie et les trajectoires de référentiels bien déterminés et ancrés dans la réalité de l'entreprise. Théoriquement, le rôle des structures chargés de la gestion des ressources humaines est de contribuer à formaliser des pratiques, à identifier, expliquer et adapter le système de valeurs existant, à délimiter et définir les repères des actions à entreprendre en prenant en considération aussi bien les aspects conscients qu'inconscients. Pour faire dans le direct, l'activité de la GRH doit traduire sans fard ni ambages les défis de l'authenticité, de l'observation de la responsabilité et l'affrontement de la complexité. Le processus de structuration de la fonction personnel et sa mutation en structure chargée spécifiquement de la gestion des ressources humaines avec des attributs stratégiques de professionnalisation et parfois même en s'inscrivant dans l'externalité par rapport à l'entreprise dans une démarche de consulting s'est opéré conjointement à la fois sur la base théorique d'une succession de courants formant la science de l'organisation, sur un socle de droit social en perpétuel interaction avec un contexte politique, économique et social en incessants mouvements. La revue en survol des préceptes de nombre de théories en la matière met en évidence l'importance de prendre en considération la notion de la culture et par conséquent la part de l'inconscient qu'elle comporte. Dans ce contexte, M. Thévenet définit la culture d'entreprise comme étant : «Un ciment qui relie l'ensemble des composantes de l'entreprise, c'est une explication fondamentale de ce qui s'y déroule, c'est le produit d'une histoire et pas seulement d'un instantané, c'est un patrimoine de savoir-faire, façon d'agir et de penser, visions communes, c'est un mode de description de l'organisation». Cette définition a le mérite, pour ce qui nous concerne, de faire référence à la dimension subjective et par conséquent à l'inconscient qui le structure, elle nous amène à la notion de la culture organisationnelle qui est inhérente à l'organisation dans ce qu'elle a de spécifique ; elle permet la double articulation de la cohésion interne à la socialisation dans son sens le plus général possible. Reconnaître que la représentation est sociale nous conduit donc à ne considérer d'explications possibles et plausibles que dans un contexte d'interactions dans un corps social structuré par rapport à sa culture avec sa part d'inconscient omniprésent. Il est des fois suggéré, à l'instar de ce qui est avancé par H. Simon (1961), que la «rationalité limitée» peut être déterminante dans l'explication des comportements des gestionnaires alors que la réalité est bien plus compliquée pour pouvoir la circonscrire par un déterminisme réducteur et simpliste. La part de l'inconscient est à prendre en considération, à incorporer dans la création du sens. Il devient clair que la description ne peut être que superficielle, en aucun cas totale et minutieuse, des pans entiers de la réalité seront occultés ; réduire le management à l'apport du seul détenteur de la rationalité limitée conduirait à ignorer les impacts, rôles et contributions de tous les autres aspects de la vie psychologique. Cette prise de conscience et reconnaissance indéfectible de l'importance de tous les aspects des vies des membres de l'organisation avec leurs vécus pose avec acuité la pertinence de l'étude de la représentation et ses exigences qui se manifestent par un certain nombre d'attributs parfois antinomiques mais articulés que nous pourrons résumer dans le cadre de cet article comme étant la stabilité, l'objectivité, la capacité d'être modélisable et surtout transmissible et fédératrice ainsi que la plasticité, l'évanescence et l'improvisation. Cette articulation à plusieurs niveaux exige que la présente conception se doive d'explorer la réalité sociale dans ses différents aspects et manifestations à partir de l'exploration psychologique et psychanalytique afin de relever les caractères pertinents de nature à déterminer d'une façon ou d'une autre les représentations influençant les comportements des différents acteurs de la relation professionnelle, car il est connu que les informations à la base de tout comportement sont intégrés dans des cadres mentaux sous forme de représentations qui sont mises en forme suivant des images mentales, des catégories, des schémas, et souvent suivant des stéréotypes avec ce qu'ils comportent de dimension ancrée dans l'inconscient. Ce constat de l'importance de la représentation et de la complexité de ses différents attributs et leurs caractères parfois exclusifs d'apparence mais organiquement complémentaires implique la mise en exergue de l'importance de la part de l'inconscient dans le comportement organisationnel et pose les jalons d'une approche théorique cohérente, libérée des paradigmes simplistes basés sur l'existence d'un déterminisme de l'extérieur ou, au contraire, réduisant la représentation à son seul aspect mental, intrinsèque et psychologique conscient comme seule explication. Ainsi, la question de la détermination des comportements en management moderne nous amène à faire allusion sans trop s'y attarder aux recherches de terrain effectuées par Flament et Abric ( 1988), Mounoud (1997/2001) et Arent (2001) qui ont conclu que les représentations des uns et des autres sont à la fois façonnées par les éléments contextuels de l'environnement, de la société, et en même temps elles déterminent, ou du moins contribuent à déterminer la configuration de cet environnement, de cette société; une sorte de circularité à l'infini qui pose clairement les difficultés des managers, des théoriciens et chercheurs en la matière à mettre en place des procédures d'actions et des outils d'évaluation normalisés, susceptibles de dépasser les entraves et difficultés du caractère spiral de cette relation ; ce qui nous permet de répondre à notre questionnement original : l'individu en situation de travail est-il vraiment son propre acteur ou simple reflet de son organisation, qui n'est que le réceptacle des aspects psychotiques et névrotiques de ses membres ? Outre cette impossibilité de se doter d'une uniformité de références et d'outils, il est également important de souligner l'incapacité des représentations à prédire les comportements quand bien même elles en constituent d'une façon ou d'une autre la matrice de base et le contexte préfigurant comme l'ont souligné les travaux de Colas (1999/2001) et de Kletz (1997/2001). Ce qui nous amène encore une fois à questionner la part de l'inconscient dans l'explication du comportement organisationnel. Pour conclure sans pour autant clore le débat, il est d'importance de souligner que s'il est indéniable que l'homme n'a pu atteindre la plénitude de son humanité qu'on conjuguant ses efforts, qu'en apprenant à mettre en commun les efforts épars et à canaliser l'énergie dans le cadre d'un travail concerté et préalablement défini. Cette caractéristique, dont l'universalité fonde le propre de l'homme, a à travers les âges subi des influences des milieux dans ce qu'ils ont de spécificités reconnues, généralement appelées «culture»; cette influence confère à cette capacité de sommation des efforts un aspect fluctuant, instable, dont la manifestation concrète oscille selon le temps et l'espace. Des pans entiers d'une culture qui, quoiqu'en s'imbriquant en formant un même puzzle, sont foncièrement différents et parfois carrément opposés. Cette assertion apparemment débarrassée de toute considération de nature à susciter un quelconque débat d'école dont l'intérêt ne se limitera pas qu'à enfoncer des portes ouvertes, nous amène par contre à diriger notre préoccupation vers la démonstration en termes psychologiques et parfois anthropologiques des différents éléments de la corrélation entre notre façon de travailler, d'être responsable ou subordonné dans une organisation donnée, et la façon de concevoir, d'appréhender l'organisation en terme de juxtaposition de postes de travail agencés dans une logistique tant matérielle que définitions de rôles et fonctions à exécuter. La problématique majeure de cet article, sommairement exposée renvoie donc à poser en termes expurgés des pesanteurs du détail, la recherche du pourquoi et du comment des comportements des responsables et des travailleurs au sein des organisations. Le recours aux données de la psychologie et éventuellement de la psychanalyse est d'un secours indéniable pour pouvoir démêler les dédales et méandres du pourquoi et à celles de l'anthropologie pour donner au volet du «comment» tout l'intérêt qui lui revient. Il est clair que ce cloisonnement est purement d'ordre didactique et que l'usage de toutes les données du savoir, susceptibles d'éclairer le sujet, est non seulement recommandé mais bel et bien une réalité qu'il faut souligner. Face à cet enchevêtrement de facteurs, une question s'impose : les dirigeants des organisations sont-ils outillés pour y faire face ? Il est évident que la réponse n'est d'aucune utilité car poser la question de la sorte est pur égarement. L'essentiel n'est pas d'être un expert en management et spécialiste de la GRH mais dans un premier temps de se rendre compte de la complexité de la situation et la nécessité de ne pas se considérer en tant que gardien de l'ordre mais bien en tant que coach dont la mission est de permettre l'émergence des compétences et leurs mutualisations. * Professeur |