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Suite et fin
3 LE PROXY DU POUVOIR DE MARCHE DE LA FIRME Le modèle explicatif de la variance du Q de Tobin de Hall (1993) capture le pouvoir de marché de la firme par le taux de croissance annuel de ses ventes, après avoir contrôlé les investissements et le cash-flow de celle-ci. Hall justifie ce choix en indiquant que la part de la variance du Q de Tobin non expliquée par la variance de la profitabilité s'explique par le pouvoir de marché détenu par certaines firmes. Dès lors, le taux de croissance des ventes est candidat pour capter une part de cette variance résiduelle. 4 LE CASH-FLOW LIBRE Le cash-flow libre, calculé par la méthode économique ou financière, permet de mesurer la totalité des flux produits par l'entreprise. 5 LE TAUX D'ENDETTEMENT Il est calculé comme le quotient des dettes de long terme inscrites au bilan de l'entreprise pour l'année en cours divisées par la valeur nette des actifs corporels portée au bilan de la firme. 6 LES INVESTISSEMENTS EN ACTIFS IMMOBILISES Ils sont approximés par les dépenses d'investissement de l'entreprise pour l'année en cours, c'est-à-dire par le montant des fonds utilisés pour acquérir ou mettre à jour les actifs corporels autres que ceux associés à des rachats de firmes. Afin d'éliminer l'effet de la taille des firmes, les investissements en actifs immobilisés sont divisés par la valeur nette des actifs corporels portée au bilan de la même année. 7 LE Q DE TOBIN SECTORIEL Le secteur d'activité d'une firme impacte de manière significative l'espérance des résultats de celle-ci. Par conséquent, le Q de Tobin du secteur représente une variable de contrôle importante pour les modèles utilisant le Q de Tobin de la firme comme variable dépendante. Chacun des Q de Tobin sectoriels est calculé comme la moyenne pondérée par le montant des actifs des Q de Tobin des firmes qui en relèvent. LE PROFIT ECONOMIQUE La mesure de la performance d'une entreprise doit être distinguée de la finalité de celle-ci. Le profit économique se distingue clairement du profit comptable tel que calculé selon le modèle traditionnel. L'équation fondamentale de départ est la suivante : profit économique = rendement du capital investi-coût du capital investi. Il est clair que toutes les entreprises à un instant donné ne peuvent pas être en situation de profit économique. Par contre, une entreprise qui n'est pas, à certains moments de son histoire en situation de profit économique, sera inévitablement condamnée à disparaître. Partant d'un constat qui est qu'une entreprise ne peut survivre durablement que lorsque le rendement des capitaux est supérieur au coût de ceux- ci, il apparaît deux séries de difficultés : - celles qui sont liées à la mesure du rendement des capitaux ; - celles qui sont liées à la mesure du coût des capitaux. Le modèle comptable traditionnel ne facilite pas le traitement de ces deux problèmes. En effet, l'entreprise peut avoir un cycle d'activité suffisamment proche de sa période d'observation, c'est- à- dire que les capitaux qu'elle investit peuvent se transformer en liquidité avec un délai court. Dans ce cas, on comprend aisément que le modèle comptable reflète assez précisément le profit économique de l'entreprise avec une limite importante : la convention comptable actuelle considère que les capitaux propres sont une ressource gratuite pour l'entreprise. Ceci est évidemment une déformation de la réalité économique. Les capitaux propres ont nécessairement un coût qui dépend du niveau de risques pris par l'entreprise. Il n'y a donc profit qu'après que les fonds propres aient été rémunérés conformément aux risques assumés par les actionnaires. L'analyse des facteurs de risque est donc au cœur de la mesure du profit économique. De la même façon, les marchés de capitaux allouent ceux- ci en fonction des rendements observés. Dès que ceux- ci dépassent leur coût, les capitaux affluent vers le secteur concerné et accroissent la pression concurrentielle. Aucune barrière à l'entrée n'étant parfaitement insurmontable, le profit économique est donc transitoire et va tendre vers zéro jusqu'à la création d'un nouvel avantage concurrentiel. LA MESURE DU RENDEMENT DES CAPITAUX INVESTIS Tous les praticiens sont familiers avec la notion de calcul du rendement d'un investissement par la méthode des cash-flows actualisés. Cette méthode devient plus difficile à utiliser que lorsque l'on traite non plus un seul projet d'investissement, mais l'ensemble de l'entreprise vu comme une somme d'investissements sans cesse renouvelés. Nous sommes alors confrontés à trois types de problèmes : - le décalage entre les flux de trésorerie et la mesure comptable des performances ; - la longueur du cycle d'investissements qui n'est pas nécessairement synchronisé avec la période d'observation ; - le traitement comptable des dépenses correspondantes à l'innovation (R & D) ou à la création d'image (publicité, marketing). Si l'on reprend ces difficultés en séquence, la première se résout assez simplement et l'outil mis au point par la pratique est le tableau de financement. Celui- ci a pour objet de mesurer les emplois et ressources de fonds de l'entreprise sans distinguer le traitement comptable qui sera choisi pour les différentes opérations. Il laisse néanmoins entières les deux autres difficultés : la longueur du cycle d'investissements et la durée de vie économique des actifs employés. Cette difficulté a un impact sur les deux éléments du calcul : - sur le numérateur car les flux de liquidités dégagés supposent que l'on utilise un tableau de financement sur plusieurs exercices afin de lisser les investissements ; - sur le dénominateur car le montant du capital investi ne peut être défini que par l'observation des durées de vie économique des actifs employés. Or, les actifs employés peuvent être estimés à leur coût historique (valeur comptable brute), à leur valeur nette comptable ou à une valeur de remplacement (la meilleure conceptuellement et aussi la plus difficile à obtenir). Le choix d'une estimation (au détriment des deux autres) a de façon évidente un impact déterminant sur le rendement mesuré. Les difficultés liées au rendement du capital portent tout d'abord sur la notion de cash- flow libre. Celui- ci correspond aux liquidités disponibles après financement des investissements et variation du besoin en fonds de roulement (BFR). Lorsqu'une entreprise est entrée dans une période de stabilité où les investissements annuels sont pratiquement constants, le cash-flow libre se détermine aisément. Mais il en va autrement dans les entreprises en forte croissance ou dans les secteurs où l'unité d'investissement est importante et où alternent des périodes à faible investissement avec des phases de décaissement massif. La seule solution qui permettra de lisser ce phénomène est bien évidemment d'allonger la période d'observation. Sur une année, le cash- flow libre est rarement représentatif, le cumul sur plusieurs exercices permet d'éliminer ce problème. Bien entendu, on se situe là dans l'observation du passé. Les professionnels de l'évaluation savent que celui- ci ne préjuge en rien de l'avenir. Deux approches peuvent alors être employées : - l'approche économique : cash-flow libre=excédent brut d'exploitation cumulé (+/-) variation du BFR (+/-) acquisition et cession d'actifs (+/-) charges et produits exceptionnels -impôts sur les sociétés. Cette approche a le mérite d'identifier les sources d'emplois et de ressources de capitaux et par conséquent les leviers d'action ; - l'approche financière (qui donne le même résultat de manière plus globale) : cash-flow libre= variation de l'endettement net (dettes financières +/- disponibilités) + frais financiers de la période + dividendes versés (+/-) autres variations des capitaux propres. On voit bien que l'on se situe loin de la définition fréquente du cash-flow puisqu'il s'agit ici de mesurer la totalité des flux produits par l'entreprise. Que ceux- ci aient été conservés par l'entreprise ou bien versés aux préteurs de fonds sous forme de frais financiers ou bien encore versés en dividendes aux actionnaires n'est pas un élément significatif. Ce qui importe ici est de mesurer la richesse créée par l'entreprise. Pour résumer ce qui précède, le processus de calcul du profit économique qui consiste à calculer le rendement du capital investi comporte deux écueils : l'évaluation économique des actifs employés par l'entreprise et la mesure des flux de liquidités. La mesure d'une performance n'a d'intérêt que si elle prépare à l'action. Améliorer le rendement du capital investi suppose tout d'abord de rappeler l'autre équation fondamentale : marge / C.I.= (marge / C.A.) x (C.A. / C.I.) Marge = cash-flow libre C.I. = capital investi (en valeur économique) C.A. = chiffre d'affaires Ce qui revient à dire que le taux de rotation du capital est aussi important que la marge sur chiffre d'affaires. Cette évidence a longtemps été oubliée dans le système de pilotage des entreprises. C'est certainement ici que se situe l'impact pratique le plus significatif de la création de valeur sur la gestion des entreprises. La gestion par la valeur (value based management pour les Anglo-Saxons) revient à introduire à tous les niveaux de l'entreprise l'idée que la performance se mesure non par la marge sur chiffre d'affaires, mais par la marge sur capital employé. Réduire celui-ci peut s'obtenir par de nombreux moyens : externaliser les activités les plus capitalistiques, allonger la durée d'emploi des actifs ou réduire le cycle d'exploitation. LA MESURE DU COUT DES CAPITAUX INVESTIS La deuxième grande difficulté liée à la mesure du profit économique provient du calcul du coût des capitaux. Le modèle comptable traditionnel évacue ce problème en considérant que les fonds propres ont un coût nul. Cette convention n'est pas soutenable économiquement. Il faut donc à ce stade estimer le coût des fonds propres, puis calculer le coût moyen des ressources employées par l'entreprise (à la fois dettes financières et fonds propres). Le coût des fonds propres dépend notamment du niveau d'endettement. Or, la dette n'est pas en elle- même créatrice de valeur si son objet est de financer des actifs à faible rendement. Le calcul du coût moyen pondéré du capital (le WACC des Anglo-Saxons) est en apparence tout à fait élémentaire. Exemple : soit une entreprise dont la structure de bilan est la suivante : fonds propres = 100 et dettes financières = 40. Supposons que les fonds propres ont un coût de 15% et la dette un coût net de 4%. Le calcul sur les valeurs comptables donne un résultat simple : coût moyen pondéré du capital = 100 / 140 x 15% + 40 / 140 x 4% = 11.8%. Ce résultat en apparence indiscutable est malheureusement inexact. En effet, la pondération devrait être effectuée en utilisant non pas les valeurs comptables, mais les valeurs de marché. Si les actions de l'entreprise évoquée valent par exemple 150, nous aurons un CMPC de : 150 / 190 x 15% + 40 / 190 x 4% = 12.7%. Ceci n'est pas gênant pour une entreprise cotée où la valeur des actions est fixée quotidiennement par le marché. Il en va autrement dans les sociétés non cotées où l'analyste doit d'abord procéder à une évaluation des titres avant de calculer le CMPC. La question que pose souvent le dirigeant d'entreprise lorsqu'on lui indique le coût effectif des capitaux engagés est de savoir quels sont les leviers d'action. Le paradoxe est que l'abaissement du CMPC d'une entreprise n'est pas le résultat de décisions financières, mais de choix stratégiques. En effet, réduire le coût du capital revient à réduire le niveau de risque. Pour une entreprise, celui-ci se mesure par la variabilité de ses résultats. L'écart type du rendement est donc un bon indicateur du risque d'entreprise. Or, les facteurs qui influent sur la variabilité du résultat sont principalement au nombre de quatre à savoir : 1) la part des coûts fixes dans la structure de coûts (plus celle-ci est élevée, plus une variation de C.A. se verra amplifiée dans la variation des résultats) ; 2) le côté cyclique ou régulier de la demande ; 3) la répartition du portefeuille «produits-marchés» (répartition du risque) ; 4) le niveau de différenciation de l'offre. Ainsi, plus la firme propose au marché un produit différent de ses concurrents avec une réelle valeur- client (*), plus elle accroît son pouvoir de marché. Dans ce cas, elle moins dépendante de l'action de ses concurrents. On retrouve ici le concept de l'entrepreneur schumpetérien et le rôle de l'innovation. On voit bien que tous les facteurs évoqués ci-dessus n'ont rien de strictement financier et portent sur des choix stratégiques. Réduire le niveau d'intégration d'une entreprise abaisse plus certainement le coût du capital que toute technique sophistiquée d'endettement. De même, localiser les actifs et les dettes dans des entités non consolidées n'est qu'un artifice que la réalité économique dévoile tôt ou tard. Créer de la valeur ne s'obtient que par des choix stratégiques (eux ? mêmes dictés par des innovations) et non par des techniques financières ! (*) La valeur- client représente la valeur actualisée des profits attendus d'une clientèle pendant toute sa durée de vie. Conclusion Il est vivement à souhaiter qu'une prise de conscience rapide et collective engage nôtre économie dans un réel processus réel de développement (intégrant des logiques industrielles, financières et humaines) et induise des comportements politico- économiques (au niveau macro) et/ou des comportements managériaux (au niveau micro) pour transformer ce processus en dynamique de croissance. L'innovation est le principe fondamental du modèle économique des industries . Par la rente de monopole qui lui est consacrée durant la durée de protection du brevet, l'innovation génère le profit nécessaire à l'amortissement des coûts de R&D et à l'investissement vers de nouvelles innovations, entretenant un cercle vertueux générateur de croissance économique et de progrès. L'ère de « l'innovation ouverte» suppose l'interdisciplinarité et nécessite de nouveaux schémas d'organisation collaboratifs plus fluides et plus ouverts que seuls les pôles de compétitivité en tant qu'écosystèmes peuvent offrir. La gestion du portefeuille de produits innovants est devenue un enjeu clé. Ainsi doivent se comprendre les grands mouvements de fusions-acquisitions qui recomposent à nouveau le monde de l'industrie. L'enjeu majeur n'est pas tant la tentation hégémonique d'un marché que la quête vitale d'un pipeline d'innovations capable de générer un flux continu de rentabilité. * (consultant en management) Principales références : Jean-François Pansard et Romain Duprat sur la mesure de la création de valeur. |