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Lors du colloque national sur l’Emir Abdelkader que Ghazaouet avait abrité en ce début octobre 2010, je ne pus intervenir car n’étant pas programmé officiellement. Mon but était de rappeler qu’en participant avec la délégation de Tlemcen au colloque d’Alger de juin 1998, présidé par M. Driss Eldjazaïri et animé par M. Cheikh Bouamrane, j’avais présenté un avant-projet de centre d’information et de documentation digne de la stature de ce héros transnational. Par la suite, la Fondation Emir Abdelkader réussit à créer à Mascara une bibliothèque classique» qui s’enrichit progressivement par l’acquisition d’un fonds d’archives, de manuscrits, d’ouvrages, revues et autres types de publications ainsi que des multimédias. Mais cette médiathèque est-elle à même d’étancher la soif de savoir de toutes les générations de chercheurs et en tous lieux, «serait-ce en Chine ?». L’un d’eux, le professeur Abdelmoumen Hussaïni, venu de Ouargla avait recensé, rien que pour les travaux académiques sur l’Emir à travers le monde, 600 thèses. Il est certain que ce nombre est une estimation en deçà de la réalité.
Sur invitation de la Fédération arabe pour les bibliothèques et l’information dont j’étais membre fondateur, j’avais participé à son 9ème congrès à Damas en octobre 1998, soit une année après ma mise à la retraite de la direction de la bibliothèque universitaire. En tant que délégué du Centre de recherche et d’information scientifique et technique - CERIST, son directeur M. Moussa Benhammadi, actuellement ministre, me gratifia d’un billet d’avion. En présence des représentants de notre ambassade et de la petite-fille de l’Emir, la princesse Badi’a Eldjazaïri, éminente femme de lettres, j’avais présenté ma communication inspirée de l’avant-projet du colloque d’Alger et intitulée : «Utilisation de l’internet pour la mise en place d’une bibliothèque numérique sur l’Emir Abdelkader». Etant donné que, parmi les 465 informatistes (spécialistes en archivistique, bibliothéconomie et documentation), certains méconnaissaient les multiples facettes de cette personnalité, j’avais introduit mon propos sur l’immense estime qu’avait l’Emir pour le livre à tel point qu’après la destruction de sa Smala en mai 1843, il ne fut pas aussi attristé par la perte de 3.000 prisonniers et des milliers de têtes d’ovins que par l’incendie par les soldats français de sa bibliothèque qui contenait 5.000 manuscrits très rares et luxueusement reliés. Le futur président de la Revue africaine, M. Berbugger avait pu en sauver quelques exemplaires. J’avais signalé également que pour le centenaire de la mort de l’Emir en 1983, le centre de recherche en sciences sociales et humaines d’Oran avait réalisé un catalogue d’un millier d’ouvrages le concernant, déposés dans les bibliothèques nationales d’Alger et de Paris. Cet effort de recherche bibliographique était loin de cerner la réalité documentaire à cette époque. En ce début de la seconde décennie du 21e siècle, les TIC (Technologie de l’information et de la communication) sont à notre disposition pour l’utilisation méthodique des réseaux d’ordinateurs afin d’accéder en temps réel à tous les centres de documentation. La Fondation disposant de subventions étatiques et de sponsoring, s’attellera donc à mettre en place un staff de spécialistes pluridisciplinaires en TIC pour l’avènement d’une bibliothèque universelle de l’Emir Abdelkader ; elle lancera un appel national et international à toutes les structures documentaires et médiathèques susceptibles de détenir une ou des publications sur l’Emir en utilisant tous les canaux des représentations diplomatiques, des organismes culturels, des ONG, etc. Cette recherche bibliographique qui se poursuivra indéfiniment, permettra d’établir une base de données à l’aide des normes ISO pour localiser les documents et produire divers index en utilisant des logiciels de traduction automatique ou de translittération réciproque en caractères arabes ou latins. La seconde étape consistera à demander, dans un cadre conventionnel des échanges interbibliothèques, les textes et illustrations publiés ainsi que les tapuscrits en original ou en copie, sinon par téléchargement. Signalons à ce sujet qu’étant donné l’évolution exponentielle de la documentation graphique et audiovisuelle, celle-ci est systématiquement scannée et stockée dans les multimédias. A titre d’exemple la plus grande bibliothèque du monde, celle du Congrès à Washington, a créé une bibliothèque parallèle dite virtuelle mise à la disposition des chercheurs et du grand public de la planète. Cette réalisation futuriste est donc à la portée de la Fondation pour l’implantation d’un serveur central dont la localisation qu’elle soit à Mascara ou ailleurs n’a pas d’importance puisque la consultation ou le téléchargement se font à distance. A l’époque, j’avais proposé, avec l’accord du CERIST que le siège central de ce serveur soit abrité dans le centre de documentation que j’avais créé en 1996 au Mechouar de Tlemcen, ville si chère à l’Emir et où un espace de 700 m² est actuellement sous-utilisé depuis la démocratisation de l’internet ; il se trouve dans le même bâtiment de la Direction de la culture : c’est une heureuse coïncidence quand on sait que M. Hakim Miloud, un lettré et poète bilingue, avait été délégué par le wali pour présider le colloque de Ghazaouet en compagnie de la représentante de la Fondation, Mme Nouria Rostane. Enfin, le dernier atout pour le choix de ce siège à Tlemcen, c’est qu’il existe un grand nombre de chercheurs motivés par tous les aspects de l’Emir (écrivain et poète, combattant, mystique, etc.) sous l’égide scientifique et logistique de l’Université Aboubakr Belkaïd. Ce Centre aura à contacter en priorité, au niveau national, maghrébin et africain, toutes les médiathèques en vue de détecter et de localiser la bibliographie relative à l’Emir, jusqu’au fin fond des bibliothèques privées parfois si riches. On lancera, en parallèle, un réseau de recherche pour le Moyen-Orient et l’Asie à partir de Damas que l’Emir avait adoptée pour y passer la fin de sa vie ; la direction de la Bibliothèque nationale et celle du Centre national d’information (NICE) m’avait donné leur accord de principe. Pour couvrir le continent américain, les volontaires parmi nos cerveaux expatriés ne rechigneront pas pour animer un site Emir Abdelkader à partir de la cité Elkader, la sœur jumelle de Mascara : c’est toute une symbolique ! Enfin, Paris qu’avait visitée maintes fois l’Emir, sera le site privilégié du réseau européen que l’écrivain Yasmina Khadra aura l’honneur d’animer au Centre culturel algérien en souvenir de son séjour au Mechouar, comme pensionnaire. La Fondation aura pour tâche urgente d’approuver avec les autorités, la désignation d’un chef de projet assisté de spécialistes en vue de concrétiser cette réalisation en 2011, l’année de Tlemcen, capitale de la culture islamique. En conclusion, cette bibliothèque universelle, unique en son genre car élaborée avec toutes les nations, en hommage à l’œuvre de l’Emir Abdelkader Al Djazaïri ne sera qu’une légitime reconnaissance, à travers l’espace et le temps, pour le créateur d’un Etat moderne et le fondateur du «droit de l’humanité». *Historien, conservateur en chef de BU. |