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L'encouragement à « aller jusqu'au bout » que lui a prodigué
publiquement et de manière ostensible l'homme fort du pays, le général de corps
d'armée Ahmed Gaïd Salah, lors de leur échange au
cours de la réception offerte par le chef de l'Etat intérimaire à l'occasion du
69ème anniversaire du 1er Novembre 54 n'est probablement pas étranger au
changement de ton du ministre de la Justice à l'endroit des magistrats qui font
grève en protestation du mouvement qu'il a opéré dans leur corps et dont ils
contestent autant l'opportunité que la régularité.
Au début du conflit, Zeghmati a fait montre qu'il était disposé au dialogue avec les contestataires et leur porte-parole le Syndicat national de la magistrature pour apporter une solution acceptable au cas de certains magistrats touchés par le mouvement. Il n'a cessé de prôner qu'il a porte ouverte et d'appeler les magistrats à le rencontrer. Depuis son échange avec Gaïd Salah, il a incontestablement durci le ton à leur égard et paraît déterminé à aller à l'épreuve de force avec eux. Les magistrats d'Oran en grève ont eu les premiers l'avant-goût de sa détermination. Contre toute attente, ils ont été en effet contraints « manu militari » d'évacuer le tribunal de la ville. Le spectacle humiliant de magistrats bousculés et poussés sans ménagement par un groupement d'intervention de la gendarmerie agissant sûrement sur instruction du ministère de la Justice fait le buzz sur les réseaux sociaux. Zeghmati a fait plus fort encore en décrétant illégale la grève des magistrats et en laissant dire l'un des cadres de son ministère que l'action de ces derniers n'est pas de la contestation mais de la « désobéissance civile ». Après cela, il ne pouvait en résulter que le durcissement de ton chez les magistrats grévistes et leur syndicat qui a riposté en proclamant son refus de tout dialogue et arrangement avec le ministre dont il exige au préalable la « démission ». C'est dire que le conflit qui paralyse l'appareil judiciaire est désormais dans l'impasse totale. Se pose alors la question de savoir quel est ce « jusqu'au bout » auquel Zeghmati a décidé d'aller. Va-t-il embastiller les mandatés syndicaux des magistrats et limoger en masse ces derniers ? Tout est possible de la part d'un pouvoir cerné par la contestation mais qui reste inflexible dans sa volonté de la réduire par la force et l'arbitraire. Mais ce que faisant il apporte de l'eau au moulin de ses opposants qui constatant que les marches « silmiya » et autres actions de contestation limitées ne le dissuadent pas d'emprunter cette voie prônent aux citoyens d'aller à cette « désobéissance civile » qu'il redoute tant et qu'il sera dans l'incapacité d'en maîtriser les effets paralysants. Il serait pour tout dire extraordinaire que si la « désobéissance civile » en vient à se produire, cette situation devrait beaucoup à l'effet catalyseur de la grève des magistrats dont le corps est pourtant par essence réfractaire à une telle action. En tout cas, Zeghmati a fini par procurer aux magistrats en grève la sympathie de l'opinion publique, un temps et à juste titre dubitative et même peu encline à applaudir leur fronde en raison de la sulfureuse réputation dont leur corps jouit en son sein. |