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Le financement du développement a besoin d'un esprit d'entreprise

par Leslie Maasdorp1 Et Hans Peter Lankes2

LONDRES - La quatrième Conférence internationale des Nations unies sur le financement du développement, qui se tiendra à Séville en Espagne du 30 juin au 3 juillet, abordera un sujet vivement débattu : comment les institutions de financement du développement (IFD) peuvent mobiliser davantage d'investissements privés socialement bénéfiques dans les pays où elles opèrent.

Nombreux sont ceux qui ont pointé du doigt le manque de «projets bancables» comme étant le principal obstacle à la mobilisation des capitaux du secteur privé. Ils n'ont pas tort : dans le cadre du modèle commercial traditionnel axé sur la demande, les IFD ne peuvent investir que dans des entreprises qui souhaitent lever des capitaux et qui répondent à certains critères financiers et d'impact.

Un nouveau rapport du think tank ODI Global montre toutefois que certaines IFD adoptent une approche plus proactive lorsqu'elles ne trouvent pas, auprès d'entreprises à la recherche de capitaux, de réponse à leur besoin de développement. Elles lancent alors leurs propres entreprises commerciales. Au début de l'année, par exemple, British International Investment (dont l'un d'entre nous est le CEO) a vendu Ayana Renewable Power, une société énergétique indienne fondée par BII en 2018, pour un montant de 2,3 milliards de dollars. En moins de dix ans, Ayana a ajouté, ou était sur le point d'ajouter, une capacité d'énergie renouvelable de 4,1 gigawatts à un pays qui en a désespérément besoin. La création d'une nouvelle entreprise à partir de zéro, comme Ayana, se situe à l'une des extrémités du spectre des approches plus entrepreneuriales identifiées par le rapport. Ce dernier comprend également la création de nouveaux intermédiaires et la formation de coentreprises avec des entreprises existantes pour les orienter davantage dans une direction plus orientée vers le développement.

Alors que certains observateurs déplorent que le financement mixte ne se soit pas développé aussi rapidement que prévu, d'autres craignent qu'il n'ait sacrifié l'impact sur le développement pour mobiliser des capitaux privés. L'impact et l'échelle ne sont cependant pas opposés. Les investissements considérables nécessaires pour décarboner les économies à revenu intermédiaire sont certainement efficaces. Les 12 entreprises présentées dans le rapport d'ODI Global ont ainsi déjà atteint une échelle significative, déployant plus de 4 milliards de dollars de capitaux issus des IFD et levant 3 milliards de dollars auprès d'investisseurs privés.

Cela dit, le parrainage de nouvelles entreprises commerciales est davantage une question d'impact que de mobilisation d'un maximum de capitaux privés avec un minimum d'argent public, en partie parce qu'il est plus risqué que le modèle standard des IFD. L'absence d'entreprises dans un segment de marché implique que les rendements proposés sont relativement peu attrayants. Ces investissements peuvent toutefois n'exiger qu'un délai plus long. Dans ce cas, les IFD et autres institutions de développement ont souvent la patience d'attendre qu'une entreprise fasse ses preuves. Les entreprises étudiées par ODI Global sont sur la voie de la rentabilité, mais il faut admettre que la route est longue et étroite pour certaines d'entre elles (Ayana a attiré des co-investisseurs privés exceptionnellement rapidement). Les IFD ne devraient donc emprunter cette voie que lorsqu'elles identifient un besoin de développement urgent non satisfait et qu'elles ont épuisé les autres possibilités.

La possibilité d'atteindre des objectifs de développement par le biais d'entreprises parrainées par les IFD ne reçoit pas suffisamment d'attention - en particulier de la part des actionnaires gouvernementaux, dont le soutien est essentiel pour développer les nouveaux mandats et outils que de tels efforts nécessiteraient. Il est révélateur que les organisations responsables des projets mentionnés dans le rapport d'ODI Global - BII et Norfund (l'IFD norvégienne) - soient exceptionnellement flexibles et puissent supporter des horizons de prise de risque à long terme. BII a également la capacité de prendre une participation majoritaire dans les entreprises, alors que la plupart des IFD ne peuvent prendre qu'une participation minoritaire.

Certes, les dirigeants des IFD sont souvent mal à l'aise avec cette idée, arguant qu'ils savent comment choisir les équipes de gestion à soutenir, et non comment gérer des entreprises. Mais ils ne doivent pas se sous-estimer. Les IFD emploient des professionnels de l'investissement capables d'identifier une opportunité de marché et d'évaluer un plan d'affaires. Après avoir décidé de créer une nouvelle entreprise, elles peuvent recruter des talents aux compétences complémentaires, comme l'ont fait BII et Norfund.

Malgré les préoccupations internes concernant le personnel, les contraintes organisationnelles qui empêchent les IFD de devenir entrepreneuriales constituent le problème le plus urgent. Les actionnaires doivent modifier les règles de fonctionnement des IFD et des banques de développement pour leur permettre de créer des sociétés. Ils doivent également développer des solutions, similaires au guichet du secteur privé de la Banque mondiale, qui augmentent leur capacité à prendre des risques. Mais même si elles ne le font pas, les IFD peuvent surmonter ces obstacles en trouvant des moyens créatifs de partager les risques et les responsabilités liés à la création d'opportunités d'investissement, plutôt que de se contenter d'y répondre. Elles auraient certainement le soutien des fondations et d'autres investisseurs d'impact qui souhaitent utiliser des financements catalytiques et tolérants au risque pour promouvoir le bien social.

L'un des meilleurs moyens pour les IFD de faire progresser les aspirations des pays en matière de développement est de créer des opportunités d'investissement dans des secteurs critiques qui ont été, et continueront probablement d'être, peu attrayants pour les investisseurs privés. Aller au-delà du modèle traditionnel axé sur la demande augmenterait considérablement leur potentiel d'impact, en particulier à la suite des réductions massives de l'aide étrangère par de nombreux gouvernements. Ces gouvernements, en particulier, devraient faire tout ce qui est en leur pouvoir pour soutenir ce changement.



1- directeur général de British International Investment

2- directeur général d'ODI Global