![]() ![]() ![]() ![]() « La France
poursuit courageusement l'effort nécessaire... de manière à ce que l'Algérie,
en fin de compte, ne soit pas perdue, ce qui serait un désastre pour nous et
pour l'Occident. Le monde entier, en proie aux crises et aux mouvements que
l'on sait, assiste à cette lutte qui le trouble et dont cherchent à se mêler
les divers camps opposés. Il est clair que le progrès, l'unité, le prestige du
peuple français sont en cause, et que l'avenir, lui, est bouché tant que le
problème algérien ne sera pas résolu. »
Discours du Président De Gaulle du 29 janvier 1960 «Il faut sauver le soldat Ryan», c'est d'abord le titre d'un film. L'histoire fictive d'un héros américain englué dans les camps de batailles de Normandie avec les troupes américaines durant la deuxième guerre mondiale. Ses trois frères viennent d'y laisser leur vie dans cette même guerre. La maman attend désespérément le retour de ses enfants. On lui annonce la triste nouvelle. L'Etat-Major américain considère que la famille ayant payé un lourd tribut décide de sauver le dernier fils. La troupe chargée de l'extraction fera preuve d'un héroïsme exemplaire pour permettre au dernier des Ryan de rentrer à la maison sain et sauf. Dans le cas présent de notre héros algérien, il s'agit d'un soldat de type particulier, personne dans sa famille n'est tombé au champ d'honneur, il n'a pratiquement jamais connu sa mère ni son père. Ses souvenirs sont très flous, quelques vérités très dérangeantes viennent tarabuster sa conscience déjà mise à rude épreuve. Des vérités qu'il désire tant ne pas exhumer et dont il ne dévoile que quelques bribes que sa mémoire refuse d'évacuer définitivement. Reniant acrimonieusement tout ce qui le relie à son pays, ses origines, sa religion ; le destin finira par être plus clément. La France s'empressera de l'adopter, une spécialité bien française qui remonte à l'époque coloniale. La France estime que sa figurine remplit merveilleusement son rôle. Les multiples traumatismes qu'il a subis dans sa jeunesse seront les mobiles et la ferveur qui lui permettront de continuer le combat. Il faut sauver le soldat Sansal ! C'est le cri de guerre d'une partie de la France qui refuse d'admettre qu'on est dans une période de post-décolonisation. Ce « passé qui ne passe pas », bourré de haine les pousse de manière intermittente à déterrer la hache de guerre. Le casus belli fallacieux n'a pas changé depuis des lustres, une mixture de griefs réchauffés selon les conjonctures : le Pouvoir algérien, l'Islam, le voile, la Liberté d'expression et les Droits fondamentaux. La mascarade politico-médiatique est tellement flagrante qu'on a cessé d'y prêter attention. C'est ce que les organisateurs de ce spectacle (médias, analystes, politologues, intellectuels...) ont toujours fait : nous pousser à focaliser nos délibérations et notre jugement sur une priorité humaine, juridique et morale qu'ils fixent eux-mêmes et veulent imposer à l'Algérie. Des priorités qui leur semblent urgentes, plus urgentes qu'un monde où règnent un chaos et une injustice indescriptibles. Je dirai même, ironie du sort, une question d'intérêt national pour la France, au lieu d'être une question d'atteinte à la souveraineté nationale algérienne, à la Justice et au Droit algériens. Parler de liberté d'expression pour une France où les médias « Chiens de garde » travaillent pour l'agenda et la ligne éditoriale de leurs Maîtres. Parler de liberté d'expression quand Israël et les lobbys juifs ont prouvé au monde entier que celle-ci n'est qu'un bobard auquel la France et l'Occident font semblant d'y croire. Exerçant depuis des décennies des pressions, des intimidations, des menaces et un ostracisme impitoyables contre quiconque oserait dénoncer les turpitudes israéliennes ou menacer le pouvoir omnipotent juif et son impact sur les prises de décisions politiques, économiques, artistiques aux Etats-Unis et en France. On juge notre manière de les juger qu'ils trouvent hors de propos et contestable. Le monde entier crie au génocide palestinien et aussitôt on voit des armes affluer de toutes parts afin de parachever la triste besogne, la solution finale. Totalement indifférents à toutes les voix qui dénoncent et condamnent leurs monstruosités. On parle de crimes contre l'humanité commis durant cette longue et interminable nuit coloniale et on nous renvoie nos rejetons récemment naturalisés pour nous faire un procès au sujet d'une prétendue instrumentalisation infantile de la « Rente mémorielle » 1 Notre ancien chroniqueur semble oublier que toutes les atrocités perpétrées par Israël s'inscrivent dans une logique de fidélité à une Rente mémorielle.2 Une double Rente mémorielle : la première se déclinera à travers plusieurs millénaires, depuis la promesse faite par Dieu au prophète Abraham jusqu'à l'instauration du grand Israël (Eretz Israël), un projet colonial et expansionniste d'une ambition démentielle. La deuxième Rente mémorielle sera la Shoah, certes une grande tragédie, mais aussi un processus machiavélique qui, en culpabilisant l'Occident tout entier, exigera des repentances, des indemnités et une totale impunité 2 quant à toutes les ignominies programmées à être perpétrées ultérieurement. Aujourd'hui, c'est cette rente mémorielle qui permet à Netanyahou et à ses comparses de légitimer et réaliser l'un des plus lâches génocides de l'histoire. Même dans les plus grandes démocraties, il existe des lignes rouges à ne pas dépasser. Le journaliste Jean-Michel Aphatie pensait exercer sa profession en toute liberté dans son pays des droits de l'homme et de la liberté d'expression, il ne s'était pas rendu compte qu'il avait dépassé la ligne rouge depuis bien longtemps, depuis qu'il s'en est pris à certains mythes français liés à gloire de la France et gravés dans les manuels scolaires. L'éditorialiste sera le chantre du déboulonnement de ces totems français de la honte. (Bugeaud et consorts). Ses fréquentes déclarations révisionnistes légitimes et pédagogiques contre des crimes coloniaux que nul ne peut contester ne pouvaient plus être tolérés. « Chaque année, en France, on commémore ce qui s'est passé à Oradour-sur-Glane, c'est-à-dire le massacre de tout un village. Mais on en a fait des centaines, nous, en Algérie. Est-ce qu'on en a conscience ?3 Désavoué, l'éditorialiste agira avec une admirable dignité, il quittera RTL. Il est difficile de nier que toutes ses déclarations ne faisaient que traduire cette farouche volonté d'imposer avec pugnacité un révisionnisme historique colonial dans le discours médiatique et politique français. Pour sauver le soldat Sansal, tout le monde sera mobilisé, réquisitionné, une conscription générale qui nous rappelle la fougue et la ferveur qu'on exigeait des anciens croisés. On usera d'intimidations et menaces à l'égard de l'Algérie, Etat souverain. On a embrigadé le parlement français, le parlement européen, l'Institut du Monde arabe, différentes institutions nationales et internationales. On a pensé au Recteur de la Grande Mosquée de Paris. On a même tenté de mobiliser pour la cause et pour une seule personne une ONU qui s'est avérée pitoyablement incapable de freiner un génocide palestinien qui dure depuis 76 ans. La littérature pamphlétaire et révisionniste monochrome du soldat Sansal, bien que maintes fois encensée et primée en France ainsi que la mobilisation inédite, massive et enragée pour le libérer ne doivent pas imposer aux Algériens un ralliement inconditionnel à la cause du vieillard cancéreux ou les dissuader de porter un jugement réprobateur quant à ses élucubrations toxiques. Leur tapageuse mobilisation théâtrale fourre-tout (médias, politiciens, intellectuels, philosophes...) est manifestement offensante pour la justice algérienne, pour le peuple algérien. Je doute que l'on puisse inscrire les harcèlements délirants du soldat Sansal et son exhibitionnisme télévisé dans la continuité du mouvement littéraire portée par Rachid Mimouni et Tahar Djaout dont il revendique l'appartenance. Personne ne peut nier la dignité et la valeur de cette littérature algérienne engagée qui s'est évertuée depuis l'indépendance, au prix de tant de sacrifices, à dénoncer les dérives d'un pouvoir opaque absolutiste ; mais lorsque certains pantins de cette pseudo-littérature de combat se laissent compromettre et s'avilir au point de mettre de manière exclusive leur talent au service d'une nouvelle « Guerre sans nom », toutes leurs œuvres et leurs discours distillés inlassablement et de manière pernicieuse deviennent assurément suspects . Les innombrables discours du soldat Sansal à travers les plateaux télévisés (débats, interviews, entretiens, conférences...) en France et ailleurs sont plus révélateurs de sa personnalité que sa littérature. Ses fréquentes apparitions télévisées nous révèlent moins l'importance ou la pertinence de ses discours que les desseins inavoués d'une certaine France anti-algérienne et anti-musulmane. C'est extraordinaire cette manière ou ce talent que le soldat Sansal possède, identique à celui d'une grand-mère qui radote en subjuguant un auditoire assommé et peu attentif à la narration décousue. Il me rappelle le comédien français Coluche qui disait : «Les Technocrates, c'est les mecs que, quand tu leur poses une question, une fois qu'ils ont fini de répondre, tu comprends plus la question que tu as posée ». Tel est cet art de la narration magique et envoutante du soldat Sansal. Doté d'une culture générale adéquate, à chaque question qui lui est posée sur un sujet précis, il sort de sa manche une « Matriochka ». Il répond par un long récit truffé de succincts récits divers, imbriqués les uns dans les autres, sans aucun lien les uns avec les autres et ponctué par des etc., etc. Abasourdi lui-même par ses logorrhées décousues, Il lui arrive de dire, en reprenant ses esprits : « C'était quoi la question » ou « On était où déjà ». Piégé par cette sollicitation de la part des médias qui lui procurent gloire et euphorie et qui font de lui un conteur hors pair, il se retrouve comme tout conteur obligé de tenir en haleine son auditoire ou son interlocuteur. Le plus souvent il ne se rend pas compte que sa littérature et ses discours comportent des passages fortement offensants, diffamatoires voire susceptibles de constituer des faits passibles de poursuites judiciaires. On le voit squatter les plateaux télévisés pour disserter avec désinvolture et d'une manière terriblement vague, approximative ou carrément inexacte sur des sujets réservés à des académiciens spécialistes en histoire. L'orientation de ses discours évoluera subrepticement vers des déclarations révisionnistes, fortement polémiques et propres à inciter au ressentiment, à la discorde et à la haine (Frontières avec le Maroc, le nombre de martyrs algériens, la Nation algérienne, la Traite négrière arabe...). Ce qui le motive c'est de trouver dans chaque thématique qui traite de l'élément arabe, musulman ou algérien une opportunité pour persévérer dans sa campagne de dénigrement. Comment un homme qui affiche autant d'assurance quand il s'agit de gloser sur des pans de l'histoire dont il ne détient que quelques généralités se met à bafouiller quand il s'agit de sa propre généalogie. Il ne s'empêchera pas de narrer son passé et ses origines 4 face à un animateur incrédule et interloqué par un récit autobiographique aussi fantasmagorique et honteux. Sa littérature « cassandrienne » rébarbative qui porte en elle les germes d'un essentialisme non dissimulé laisse penser pour la majorité des Algériens que le soldat Sansal et son compère Kamel Daoud font partie de cette machine institutionnelle évoquée par l'intellectuel palestinien Edward.W.Said.5 Notes : 1 _ Kamel Daoud « Le postcolonial m'étouffe » « Le discours de repentance de l'Occident est sclérosant. Il faut se libérer des explications postcoloniales et penser au-delà de la victimisation. » « Le Point » du 19/10/2017 _ Kamel Daoud : «Je suis allergique à la rente du décolonial», France culture, 16 août 2022 2_ Jürgen Graf «L'Holocauste au scanner», 1993. «La fin de la légende de l'Holocauste constituerait pour nos historiens, journalistes et Intellectuels, une débâcle sans précédent et qu'en se battant pour les chambres à gaz, les gens de médias, et les historiens officiels se battent pour leur propre cause.» Arthur Butz, The Hoax of the Twentieth Century (L'Imposture du vingtième siècle), 1976 «L'Holocauste ou la Shoah sont devenus une religion, un commerce, une industrie.» Robert Faurisson sur Europe 1 : interview par Ivan Levaï le 17 décembre 1980 « Un mensonge historique qui a permis une gigantesque escroquerie politico-financière dont les principaux bénéficiaires sont l'État d'Israël et le sionisme international et dont les principales victimes sont le peuple allemand, mais non ses dirigeants, et le peuple palestinien tout entier.» 3_ Déclaration du journaliste, le 25 février sur RTL, au sujet de la conquête de l'Algérie par la France au XIXe siècle. 4_ Boualem Sansal à Luxembourg / Institut Pierre Werner, 05 mars 2012 https://www.youtube.com/watch?v=9jKjmQptmjY 5_ «L'orientalisme comme institution globale qui traite de l'Orient, qui en traite par des déclarations, des prises de position, des descriptions, un enseignement, une administration, un gouvernement : bref, l'orientalisme est un style occidental de domination, de restructuration et d'autorité sur l'Orient». Said.Edward.W, «L'Orientalisme : L'Orient créé par l'Occident», Paris, Seuil, 1980, p. 15. A suivre *Universitaire |
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