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LONDRES
- Alors que les préparatifs en vue de la Conférence de Glasgow de 2021 sur les
changements climatiques (COP26) se précisent, les efforts pour prévenir une
future catastrophe sont au centre des préoccupations. Mais des événements
climatiques catastrophiques se produisent déjà en temps réel et touchent la vie
de millions de personnes figurant parmi les plus pauvres et les plus
vulnérables du monde. Que pourra leur apporter la COP26 ?
Plantez une épingle dans une carte des urgences humanitaires mondiales, et vous atterrirez très probablement sur une crise qui a été causée ou aggravée par des sécheresses, des inondations et des tempêtes. En 2019, les phénomènes météorologiques extrêmes ont plongé plus de 34 millions de personnes dans les affres de la faim et de l'insécurité alimentaire. Dans les 55 pays qui connaissent des crises d'insécurité alimentaire, 75 millions d'enfants de moins de cinq ans souffrent de sous-alimentation chronique et sont confrontés à des risques plus élevés de diarrhée, de pneumonie et d'autres maladies mortelles qui accompagnent les sécheresses et les inondations. Save the Children répond à ces urgences. Dans la Corne de l'Afrique, nos programmes de nutrition viennent en aide aux enfants des familles d'agriculteurs dévastées par les sécheresses successives, les inondations et par la pire invasion de criquets enregistrée depuis une génération. Dans la région du Sahel, nous travaillons avec des communautés frappées par la sécheresse et déracinées par des conflits liés à l'eau qui prennent des proportions de plus en plus mortelles. Mais les efforts humanitaires sont dépassés par l'ampleur de la crise - et le pire est à venir. La COP26 est l'une des dernières occasions de mettre en place les mesures nécessaires pour maintenir les augmentations de température dans la fourchette comprise entre 1,5 et 2 degrés Celsius, fixée en 2015 par l'accord de Paris sur le climat. Or, même un réchauffement limité à 1,5 °C aurait des conséquences désastreuses sur la pauvreté et la malnutrition dans les pays les plus pauvres. Les données scientifiques sur le climat indiquent de manière non équivoque que les précipitations deviendront moins prévisibles, que les sécheresses deviendront extrêmes, plus fréquentes et plus longues, et que les tempêtes seront plus destructrices. Parallèlement, l'Association météorologique mondiale prévoit un déclin à long terme de la productivité alimentaire en Afrique, la région la plus touchée par l'insécurité alimentaire. Les pays riches investissent déjà massivement dans leur adaptation aux menaces liées au changement climatique. En cas de catastrophe, leurs citoyens peuvent s'appuyer sur des mesures de protection du revenu élaborées, des réseaux de santé bien financés et des polices d'assurance qui couvrent les pertes et les dommages aux biens. Les mesures de protection contre les inondations sont renforcées dans toute l'Europe, et l'actuel Farm Bill américain prévoit un programme d'assurance fédéral de 39 milliards de dollars afin de protéger les producteurs fortement subventionnés contre les pertes de récoltes. Comparez cela à la situation à laquelle sont confrontés les agriculteurs africains. Lorsque des phénomènes météorologiques extrêmes détruisent les récoltes, déciment les élevages et font grimper les prix des denrées alimentaires, les familles y font face en réduisant leurs repas et leurs dépenses de santé et d'éducation. Faute d'assurance et d'épargne, les ménages les plus pauvres sont contraints de vendre leurs moyens de production, y compris le bétail, ce qui leur barre effectivement la route vers la relance. Les pertes de bétail pendant la sécheresse de 2016 en Somalie ont coûté aux agriculteurs du pays environ - 2 milliards de dollars - une perte extraordinaire pour certaines des personnes les plus démunies du monde. La réponse de première ligne privilégiée par la communauté internationale en cas de catastrophe climatique consiste à fournir une aide humanitaire. Cette aide sauve des vies, mais le système actuel en fait toujours trop peu, trop tard. L'année dernière, les donateurs n'ont fourni que la moitié du financement demandé par les Nations unies - un écart record. Une grande partie de l'aide est également arrivée bien après que les familles les plus vulnérables aient déjà été contraintes de réduire leur consommation alimentaire, de retirer leurs enfants de l'école et de vendre leurs biens. Il existe une meilleure façon de soutenir les populations les plus vulnérables du monde. Il y a trois ans, j'ai rencontré des agricultrices pastorales à Wajir, une région aride du nord du Kenya, au lendemain d'une sécheresse dévastatrice. Elles sont parvenues à éviter de réduire les repas des enfants ou de vendre leur bétail grâce à l'argent qu'elles recevaient du programme kenyan de protection contre la faim. Dès que la sécheresse a sévi, des paiements anticipés ont été automatiquement activés (sur la base des données pluviométriques). Les filets de sécurité bien conçus réussissent là où l'aide humanitaire échoue souvent, car ils rattrapent les personnes vulnérables dès qu'elles commencent à perdre pied, au lieu d'attendre qu'elles touchent le sol ; ils constituent ainsi un tremplin pour la relance. Au Sahel, dans la Corne de l'Afrique et dans d'autres régions, on constate que de petits transferts en espèces améliorent la nutrition, augmentent les investissements et stimulent la production agricole, en particulier lorsqu'ils sont destinés aux femmes. Et ces programmes peuvent répondre rapidement à une crise. Pendant la sécheresse de 2017, le filet de sécurité de l'Éthiopie a été déployé de manière à couvrir trois millions de personnes supplémentaires. Une intervention immédiate est la clé d'un rétablissement rapide. Chaque dollar investi dans le redressement au cours des premières semaines d'une sécheresse dans la Corne de l'Afrique peut permettre aux agriculteurs pauvres d'éviter des pertes de revenus et d'actifs jusqu'à concurrence de 50 dollars dans les quatre mois qui suivent. Lorsqu'ils sont associés à des systèmes de détection rapide, les mesures de protection peuvent également servir de structure pour la prévention des crises. Au Bangladesh, les ménages vulnérables ont reçu des subventions avant même que ne surviennent les inondations prévues, ce qui leur a permis de se reloger ailleurs. Outre le fait qu'il a permis de sauver des vies et de protéger des biens, ce programme a rejoint deux fois plus de personnes qu'une précédente intervention humanitaire, et ce, pour un coût deux fois moins élevé. Des programmes de protection du revenu ciblés constitueraient un moyen efficace et équitable pour renforcer la résilience face aux changements climatiques. Malheureusement, ils sont actuellement les plus fragiles dans les régions où ils sont le plus urgemment requis. Moins d'une personne sur cinq dans les pays à faible revenu est actuellement couverte ; et en Afrique, les mesures de protection du revenu sont systématiquement sous-financées, fragmentées et dotées de moyens insuffisants pour relever le défi essentiel que représente la lutte contre la pauvreté et la malnutrition des enfants. Lors de la COP26, les dirigeants mondiaux devraient confier à la Banque mondiale et aux Nations unies la tâche d'élaborer une stratégie visant à venir en aide aux 155 millions de personnes confrontées à des crises d'insécurité alimentaire, et à mettre en priorité les enfants dans la conception de mesures de protection du revenu. L'augmentation des financements sera essentielle, notamment en raison des contraintes budgétaires post-pandémie auxquelles de nombreux pays en développement sont désormais confrontés. Le G7 a déjà accepté un accord de principe pour autoriser une nouvelle allocation de l'actif de réserve du Fonds monétaire international, les droits de tirage spéciaux (DTS). La réaffectation de ces fonds aux pays les plus pauvres contribuerait grandement à créer la marge de manœuvre financière nécessaire pour investir dans des mesures de protection du revenu. Il en va de même pour l'allègement supplémentaire de la dette et les 25 milliards de dollars de nouveaux fonds proposés par l'Association internationale de développement de la Banque mondiale. En tant qu'hôte de la COP26, le gouvernement britannique devrait concentrer ses efforts d'adaptation au climat sur la galvanisation du soutien aux mesures de protection du revenu. Revenir sur sa récente décision de réduire d'un tiers le budget de l'aide étrangère du Royaume-Uni serait un bon point de départ. Réduire le soutien aux programmes de nutrition et aux interventions humanitaires liées au climat dans des régions comme le Sahel et la Corne de l'Afrique représente un manque de vision de la part des dirigeants et un recul gênant du multilatéralisme. Les mesures de protection du revenu ne sont pas l'antidote aux injustices climatiques. Mais, combinés à une mesure décisive pour atteindre des émissions nettes nulles d'ici le milieu du siècle, elles pourraient limiter les dommages subis par les personnes qui portent le moins de responsabilités dans la crise climatique. Nous devons saisir cette occasion dans le cadre de la COP26. Traduit de l'anglais par Pierre Castegnier *Directeur général de Save the Children UK |
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