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Je diviserai mon exposé en
deux parties : 1) les mutations énergétiques en Méditerranée, 2) les six axes
de la transition énergétique en Algérie.
Concernant les mutations énergétiques en Méditerranée, les dynamiques économiques modifient les rapports de force à l'échelle mondiale et affectent également les recompositions politiques à l'intérieur des États comme à l'échelle des espaces régionaux. L'énergie, particulièrement, est au cœur de la souveraineté des États et de leurs politiques de sécurité. La transition énergétique peut être définie comme le passage d'une civilisation humaine construite sur une énergie essentiellement fossile, polluante, abondante et peu chère, à une civilisation où l'énergie est renouvelable, rare, chère et moins polluante ; il s'agit de replacer à terme des énergies de stock (pétrole, charbon, gaz, uranium) par les énergies de flux (éolien, solaire, etc.). Nous devons nous orienter vers un mix énergétique nouveau car si l'humanité (notamment l'Inde et la Chine) généralisait le mode de consommation énergétique des pays riches, il nous faudrait les ressources de 4 ou 5 planètes ; d'où l'urgence de mettre en œuvre, à l'échelle mondiale, un nouveau modèle de consommation privilégiant l'aspect sécurité. Cela pose aussi un problème sociétal : combien coûte cette transition, combien rapporte-t-elle et quels en seront les bénéficiaires ? L'énergie apparaît aujourd'hui comme un puissant facteur de coopération et d'intégration entre les deux rives de la Méditerranée. Le climat et l'énergie peuvent donc fournir le lien structurant qui permettra non seulement de concrétiser l'orgueil culturel méditerranéen dans la conception et la réalisation d'une suite de projets concrets, mais aussi de préparer l'élaboration d'un concept stratégique euro-méditerranéen et euro-africain. Les interconnexions électriques en Méditerranée me semblent pouvoir être un facteur de co-développement et il s'agit d'imaginer plusieurs modes de financement. En effet, le déficit structurel européen et la forte hausse de la demande de la rive sud de la Méditerranée impliqueront à l'avenir de construire les éléments d'un partenariat qui dépasse le modèle classique fournisseur-client. La Méditerranée est très importante comme couloir de transit et comme carrefour pour les marchés mondiaux de l'énergie. Il faut souligner que les pays de la Méditerranée sont tous confrontés au problème de la sécurité énergétique. Il devient donc impératif de renforcer leur coopération dans le domaine de l'énergie, facteur stratégique de l'activité économique pouvant représenter un lien très fort entre le Nord et le Sud. On peut résumer ainsi les six axes de la transition énergétique de l'Algérie (2017/2025) : 1) Pour le gouvernement algérien, le premier axe consiste à améliorer l'efficacité énergétique afin d'économiser, en s'appuyant sur les nouvelles techniques, la consommation d'énergie tant au niveau des ménages que du secteur économique. Ceci renvoie à la politique des subventions actuellement généralisées, source de gaspillage, qui doit être ciblée pour les produits énergétiques. Actuellement, au niveau du Premier ministre, en relation avec le ministre des Finances, s'engage une réflexion pour créer une Chambre nationale de compensation afin de cibler les subventions destinées aux couches les plus défavorisées et aux secteurs qu'on voudrait encourager d'une manière transitoire. Ceci suppose la mise en place (actuellement en cours) d'un système d'information en temps réel performant. 2) L'Algérie a décidé d'investir en amont pour de nouvelles découvertes car elle recèle encore d'importantes potentialités. Mais pour la rentabilité de ces gisements tout dépendra du facteur prix au niveau international et du coût d'exploitation. Pour ma part, j'ai précisé, dans plusieurs rapports destinés au gouvernement algérien, que le retour à des cours supérieurs à 100 $ le baril était totalement exclu. Donc la rentabilité devra s'inscrire, pour les grands gisements, entre 40 et 55 $ et pour les gisements marginaux, entre 60 et 70 $. 3) Le troisième axe est le développement des énergies renouvelables. Des simulations réalisées actuellement au niveau du gouvernement illustrent la très forte augmentation de la consommation intérieure, largement liée aux subventions. Si on reste au niveau des prix subventionnés actuels (à peine plus de 10 % du prix international), la consommation intérieure en 2030 sera l'équivalent des exportations actuelles. Il est manifestement impossible de continuer à cette allure. Lors d'un récent Conseil des ministres, le président de la République a donné des instructions très fermes ; il a fait du développement des énergies renouvelables une priorité nationale. Ceci explique l'avis d'appel d'offres annoncé au niveau du Cabinet de la présidence de la République ; il va être financé par le ministère de l'Energie et mérite toute notre attention. L'Algérie, avec plus de 3 000 heures d'ensoleillement par an, a tout ce qu'il faut pour développer l'utilisation de l'énergie solaire dans le cadre d'un partenariat gagnant / gagnant. La ligne qui a été fixée est de développer un partenariat privé national / privé international avec, bien entendu, Sonelgaz ; à cet effet, plusieurs décrets ont été publiés au niveau du CREG (l'agence de régulation qui dépend du ministère de l'Energie) pour accompagner la mise en œuvre du programme algérien de développement des énergies renouvelables dans le cadre de la mise en place d'un Fonds national de maîtrise de l'énergie (FNME). L'évolution du prix du marché sera évidemment déterminante pour pouvoir investir et assurer la rentabilité des investissements. 4) L'Algérie a décidé de construire sa première centrale nucléaire au-delà de 2025 à des fins pacifiques, pour faire face à une demande d'électricité galopante. Actuellement, des pourparlers sont en cours, mais à relativement long terme compte tenu des problèmes liés à l'exploitation des gisements d'uranium. 5) Le cinquième axe est l'option du pétrole / gaz de schiste, l'Algérie en étant le 3ème réservoir mondial selon des études internationales. J'ai eu l'honneur de diriger ce dossier en m'appuyant sur l'avis de 27 experts, dont certains amis français que je tiens à remercier ici, et de le remettre au Premier ministre en janvier 2015. Nous avons fortement préconisé d'éviter une position a priori tranchée pour ou contre car il convient de sensibiliser la population et de mener un large débat national. On ne saurait minimiser les risques de pollution des nappes phréatiques dans le Sud. Mais l'examen de la situation avec les experts, notamment algériens, laisse espérer que des nouvelles techniques apparaîtront dans un délai d'environ cinq ans, permettant d'économiser l'eau et de réduire considérablement l'injection de produits chimiques à partir de la fracturation hydraulique. 6) L'Algérie a décidé d'appliquer les résolutions de la COP 21 et de la COP 22 (récemment tenue à Marrakech) concernant le réchauffement climatique ; le ministre de l'Energie nous a donné toutes les garanties à cet égard. En conclusion, comme je l'ai l'affirmé à l'occasion de différentes conférences internationales et récemment dans une longue interview à l'American Herald Tribune, le co-développement et les co-localisations, qui ne sauraient se limiter à l'économique sans inclure la diversité culturelle, peuvent être le champ de mise en œuvre de toutes les idées innovantes au niveau du bassin méditerranéen, pour en faire un lac de paix et de prospérité partagées. Dans l'intérêt tant des Européens que de toutes les populations sud-méditerranéennes, les frontières du marché commun de demain, les frontières de Schengen de demain, les frontières de la protection sociale de demain, les frontières des exigences environnementales de demain, doivent être au sud du Maroc, de la Tunisie et de l'Algérie, et à l'Est du Liban, de la Syrie, de la Jordanie et de la Turquie, pour assurer une paix sociale durable au Moyen-Orient où les populations juives et arabes ont une histoire millénaire de cohabitation pacifique. *Professeur des Universités, expert international |
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