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Le président des
Etats Unis, Donald Trump, s'est rendu en Irak pour
une visite surprise de quelques heures, à la rencontre de soldats américains,
et a profité de ce premier déplacement en zone de conflit depuis son élection
il y a deux ans pour justifier sa décision de retirer les troupes américaines
de Syrie.
«Les États-Unis ne peuvent pas continuer à être le gendarme du monde. C'est injuste quand le fardeau est entièrement sur nous», a-t-il déclaré sur la base aérienne d'Al-Assad, à environ 160 kilomètres à l'ouest de Bagdad, où il a atterri en compagnie notamment de son épouse Melania. Il devait initialement rencontrer le Premier ministre irakien Adel Abdel Mahdi, mais une divergence de points de vue quant à l'organisation de la rencontre a conduit à la remplacer par une conversation téléphonique, au cours de laquelle les deux hommes ont notamment évoqué le dossier syrien. D'après Sarah Sanders, la directrice de la CIA, pour des raisons de sécurité, les autorités irakiennes n'ont été prévenues que deux heures avant l'heure programmée par les Américains pour la rencontre. Or,Mahdi était trop loin pour y participer. Ce dernier, «a invité le président américain à se rendre à Bagdad» et «Trump a également demandé au Premier ministre de venir à Washington», ce que ce dernier a accepté, a fait savoir la Maison-Blanche.La porte-parole de l'exécutif américain a annoncé dans la soirée que le secrétaire d'État Mike Pompeo devait se rendre à Bagdad le 11 janvier. Répondant aux journalistes pendant sa visite, Donald Tromp a assuré qu'il ne prévoyait «pas du tout» de retirer les troupes américaines d'Irak, voyant «au contraire» la possibilité d'utiliser ce pays «comme une base si nous devions intervenir en Syrie».Il a entrepris cette visite une semaine après avoir annoncé que les États-Unis avaient écrasé Daech en Syrie et que la lutte contre ce groupe terroriste avait été la seule raison de la présence des soldats américains dans le pays. La Maison-Blanche a plus tard diffusé une déclaration annonçant que les États-Unis avaient commencé à retirer leurs troupes de Syrie.Le 25 décembre, la coalition internationale sous commandement des États-Unis a toutefois déclaré dans un communiqué qu'elle continuerait son opération contre Daech sur le sol syrien. Celle-ci mène des opérations en Irak et en Syrie depuis 2014. Les autorités syriennes ne lui ont toutefois jamais donné l'autorisation de se livrer à ces activités. Sous cette forte pression de l'administration militaire, le président devait plus tard faire un rétropédalage sur cette question acceptant un calendrier de rapatriement. Il n'est pas le premier président américain qui a fait ce vœu de Noel qui est de voir les Etats Unis s'éloigner progressivement des affaires dans le monde où ils sont impliqués dans chaque conflit. George Bush l'a fait dans son temps, Barak Obama n'en a pas fait exception pour autant. Toute la question est de savoir relever la nuance dans les propos des uns et des autres. Pour Trump justement, il précise que « les Etats Unis ne peut plus » et non « ne veut plus » comme l'ont dit ses prédécesseurs. Cela voudra dire dominer le monde « oui » mais intervenir pour dépenser l'argent du contribuable américain « non ». C'est une offensive pour préparer l'opinion publique américaine pour les prochaines élections dans deux ans. 1- Après le Shutdown pour son mûr mexicain, Trump annonce un 2019 chaud La première raison qui laisse penser que le président américain va se montrer encore plus offensif durant l'année à venir concerne son entourage. Jim Mattis, ministre de la Défense démissionnaire, est le dernier départ en date au sein d'une administration qui a vu plus de 40 hauts cadres quitter ou être forcés à quitter le navire Trump.C'est ce qui amène de nombreux spécialistes à considérer que le milliardaire n'est plus entouré « d'adultes », des voix modérées capables de nuancer ses décisions. A la Maison-Blanche, l'influence du « faucon » John Bolton, connu pour ses positions radicales en matière de diplomatie, a d'une certaine manière « débridé » Donald Trump. A la grande surprise des alliés traditionnels des Américains, l'annonce récente du retrait en Syrie en est l'illustration : les Etats-Unis font de moins en moins de cas du multilatéralisme et cela pourrait se ressentir lors des grands sommets internationaux de 2019.Donald Trump a montré aussi qu'il n'hésite pas à forcer le passage pour tenter de faire appliquer son programme de campagne. Dernier exemple en date : le «shutdown» du gouvernement fédéral, démarré à trois jours de Noël après un blocage budgétaire sur le financement du mur à la frontière mexicaine.La situation pourrait se débloquer rapidement, en janvier : Nancy Pelosi, probable future présidente de la Chambre des représentants désormais acquise aux démocrates, a promis de « légiférer de manière à rouvrir le gouvernement », sans allouer les 5 milliards demandés par le président pour la construction du mur. Face à une opposition plus musclée en 2019, Donald Trump devrait durcir ses positions, un an avant la prochaine échéance électorale et alors que les Démocrates menacent toujours d'engager une procédure d'impeachment visant sa destitution. Parce que la future présidentielle est déjà dans le viseur. Les Midterms dans le rétroviseur, les deux grands partis se tournent maintenant vers le grand rendez-vous de 2020. Caucus, Super Tuesday et autres passages obligés de la présidentielle sont encore loin, mais les formations politiques vont commencer à se mettre en ordre de marche.Du côté des Démocrates, les premiers débats dans le cadre des primaires vont démarrer en juin avec un grand nombre attendu de candidats. Autant d'occasions pour Donald Trump de critiquer lourdement ses adversaires politiques, avec qui les rapports n'ont jamais été cordiaux. L'année qui vient s'annonce moins rayonnante sur le plan de l'économie, aux Etats-Unis et dans le monde entier Les instituts de prévision anticipent aujourd'hui un taux de croissance de 2,3% pour 2019, contre plus de 3% pour 2018.Pour expliquer ce ralentissement, le président américain pourrait de nouveau décider de se dédouaner et de charger d'autres responsables, comme il l'a récemment fait avec la Réserve fédérale, accusée d'avoir « augmenté les taux d'intérêt trop rapidement ». Et face à un Congrès qui lui sera plus hostile, avec une Chambre des représentants de couleur bleue dès le mois de janvier, le milliardaire a deux coupables désignés à portée de tweet, si les chiffres de l'emploi, aujourd'hui bons, se ternissent. 2019 rime aussi avec la fin de l'enquête menée par l'équipe du procureur Robert Mueller sur l'influence russe dans la campagne présidentielle de 2016. Au cours de l'année passée, Donald Trump a déjà nourri un feu constant de critiques à l'endroit du magistrat, qui a poursuivi 24 nouveaux accusés en 2018.Selon plusieurs sources citées par des médias américains, l'enquête pourrait être remise au ministère de la Justice dès la mi-février. Pour l'heure, aucun des acteurs de ces investigations n'a confirmé ni infirmé la collusion de Donald Trump ou de ses conseillers avec la Russie en 2016. Ses attaques pourraient redoubler en 2019, avec un étau judiciaire potentiellement resserré à partir du printemps. 2- Moins d'interventions militaires mais plus de protectionnisme dans le monde Le protectionnisme et une politique extraterritoriale agressive permettent aux Etats-Unis de Trump de dominer le reste du monde. Et le président américain vient de renforcer les mesures pour mieux contrôler les investissements étrangers aux Etats-Unis. L'Europe plaide pour la mise en place de plateformes financières spécifiques et pour un rôle accru de l'euro afin de contrer les sanctions extraterritoriales américaines. Les Etats-Unis, l'hyperpuissance à qui rien ne résiste ou presque. Avec Donald Trump, Washington assume aujourd'hui complètement ce rôle de gendarme du monde qu'elle ne peut plus assurer politiquement mais le voudrait certainement économiquement. L'actuel président américain ne fait pourtant qu'utiliser un arsenal judiciaire mis en place depuis longtemps par ses prédécesseurs comme les lois Helms-Burton et d'Amato adoptées en 1996. Elles pénalisaient les transactions commerciales réalisées respectivement avec Cuba, la Libye et l'Iran. Les précédents présidents américains n'ont jamais hésité eux non plus à se servir de cet arsenal. En conséquence, entre 2009 et 2018, les banques européennes ont par exemple versé environ 17 milliards de dollars de pénalités infligées pour violations des sanctions internationales américaines et/ou de la législation anti-blanchiment aux administrations américaines, dont 8,97 milliards pour BNP Paribas. Ces sanctions entraînent « aussi, inévitablement, des interrogations sur un possible ciblage des entreprises européennes et sur la loyauté de certaines pratiques des administrations américaines », avaient d'ailleurs estimé en février 2018 les auteurs d'un rapport sur l'extraterritorialité de la législation américaine. Pour autant, Donald Trump va sans aucun complexe un cran plus loin. Le retrait unilatéral des États-Unis le 8 mai dernier de l'accord nucléaire avec l'Iran conclu en 2015 et la remise en application concomitante des sanctions américaines, ont fragilisé, voire annihilé la mise en œuvre d'un accord politique pourtant jugé capital dans la lutte contre la prolifération nucléaire et pour la stabilité régionale. Cette décision entraîne un retrait massif des entreprises européennes des échanges avec l'Iran par crainte des sanctions extraterritoriales des États-Unis. Washington a également amplifié les sanctions contre la Russie de Poutine et a en outre lancé une guerre commerciale contre la Chine. C'est beaucoup. A tel point que les États-Unis pratiquent sans complexe une politique juridique extérieure. Car au-delà des sanctions économiques et financières que les Etats-Unis infligent aux entreprises non américaines, Washington met en péril la qualité des relations transatlantiques et affecte surtout l'autonomie des décisions économiques des autres pays et leur souveraineté diplomatique. D'ailleurs on voit naître des alliances assez inimaginables il y a peu de temps encore : l'Union européenne s'allie à la Chine et la Russie pour contrer les Etats-Unis sur le dossier iranien. En France, le Sénat plaide pour la mise en place de plateformes financières spécifiques et pour un rôle accru de l'euro afin de contrer les sanctions extraterritoriales américaines. Ainsi, une plateforme comme celle dont l'Union européenne vient d'annoncer la création avec l'Iran permettra ainsi à ce pays de continuer à exporter du pétrole et à acheter des biens à l'étranger sans échanges financiers. Ce n'est pas une banque mais un dispositif sur lequel on enregistrerait des plus et des moins. Quand l'Iran vendrait du pétrole en Chine ou en Inde, des plus viendraient s'aligner sur cette plateforme au prorata des ventes. 3-Quels sont les instruments de cette domination ? La domination des Etats-Unis sur le reste du monde tient à ce que certaines lois américaines s'appliquent à des personnes physiques ou morales de pays tiers en raison de liens parfois ténus avec les Etats-Unis : un paiement en dollars par exemple. C'est l'arme imparable des Etats-Unis pour sanctionner les personnes et les entreprises non américaines. Les lois s'appliquent notamment à toutes les sociétés présentes sur les marchés financiers réglementés américains. Ces lois concernent essentiellement trois domaines : les sanctions internationales imposées, y compris de façon unilatérale, par les Etats-Unis ; la corruption d'agents publics à l'étranger ; et, enfin, l'application de la fiscalité personnelle américaine aux citoyens américains non résidents. Pour Donald Trump, l'application d'une politique extraterritoriale agressive est semble-t-il sa doctrine. 3-1 Les sanctions économiques Hier, Cuba, la Libye, le Soudan, aujourd'hui, l'Iran à nouveau, la Russie. Les États-Unis mettent en œuvre des sanctions économiques et embargos au cas par cas. Ainsi, le Congrès américain a voté la loi CAATSA (Counter America's Adversaries Through Sanctions Act ) ou en français « Contrer les ennemis des Etats-Unis par le biais des sanctions »pour sanctionner la Russie. Cette loi impose des sanctions économiques contre toute entité ou pays, qui conclut des contrats d'armement avec des entreprises russes. Les Etats-Unis ont également rétabli en mai un embargo contre l'Iran et demandent au reste du monde de le respecter sous peine d'imposer des pénalités financières aux entreprises américaines et étrangères qui y contreviendraient. Donald Trump a appelé fin septembre tous les pays de la planète à isoler le régime iranien, dénonçant la « dictature corrompue » au pouvoir selon lui à Téhéran. Et gare à ceux qui voudraient passer entre les mailles du filet. L'Office of Foreign Assets Control (OFAC), service du Trésor qui veille à l'application des sanctions internationales américaines dans le domaine financier, emploie environ 200 personnes et dispose d'un budget de plus de 30 millions de dollars. L'OFAC surveille notamment les transactions financières mondiales pour détecter les mouvements suspects. Toutes les transactions faites par les circuits officiels sont enregistrées et donc contrôlables dès lors que l'on dispose de moyens de traitement de masse. C'est bien sûr le cas des Etats-Unis. Ainsi, BNP Paribas s'est vu infliger en 2014 une amende stratosphérique de près de 9 milliards pour violation des sanctions internationales américaines. Dans cette affaire, le ministère de la Justice américain (Department of Justice) a mis en avant la dimension de sécurité nationale, qui est l'une des justifications traditionnelles de l'extraterritorialité. Début septembre, la Société générale a évalué à près de 1,2 milliard d'euros les amendes qu'elle devra payer après avoir effectué des transactions en dollars impliquant des pays sous le coup de sanctions américaines, notamment l'Iran. Actuellement, Danske Bank, la plus grande banque danoise, a annoncé début octobre faire l'objet d'une enquête des autorités américaines. Sa filiale estonienne, qui est au centre du scandale, a vu transiter entre 2007 et 2015 quelque 200 milliards d'euros à travers les comptes de 15.000 clients étrangers non-résidents en Estonie. Les transactions ont été faites en dollars et en euros. Une part importante de ces fonds a été jugée suspecte, ce qui pourrait porter la somme d'argent sale à plusieurs dizaines de milliards d'euros, provenant essentiellement de Russie. 3-2 La lutte anti-corruption Pas question de badiner avec la corruption. Les Etats-Unis veillent. Ainsi, la législation américaine réprime la corruption d'agents publics à l'étranger. Cette lutte est incarnée par le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) de 1977. Et les Etats-Unis y ont mis les moyens. Ils ont à ce titre été parmi les principaux promoteurs de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales adoptée dans le cadre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 1997. En outre, la lutte contre la corruption est clairement assumée comme la seconde priorité du FBI, juste après le contre - terrorisme. Le non-respect de cette législation a d'ailleurs entraîné de très lourdes pénalités pour des entreprises européennes. C'est le cas d'Alstom qui a dû payer une amende de 772 millions de dollars en 2014 pour violation de la législation américaine anti-corruption. Siemens, qui a racheté l'activité transport d'Alstom, a également été rattrapé en 2008 par la justice américaine (800 millions) tout comme Total (398 millions), Alcatel (137 millions) et bien d'autres... Airbus est d'ailleurs dans le collimateur de la justice américaine, qui surveille les enquêtes du Serious Fraud Office britannique et du parquet national français lancées contre le constructeur européen. 3-3 Les sanctions commerciales C'est l'un des risques majeurs pour les échanges commerciaux mondiaux, la recrudescence des mesures protectionnistes. En 2017, 20% de ces mesures ont émané des Etats Unis, ce qui augmente considérablement leur impact sur l'économie mondiale, précisait AON dans sa 21éme édition de la cartographie internationale des risques politiques, terrorisme et violences politiques. L'impact des décisions de Donald Trump est significatif notamment dans la métallurgie et l'aéronautique et pourrait engendrer des mesures de rétorsion, principalement de la part de la Chine, avait estimé en avril dernier Jean-Baptiste Ory, responsable du Pôle Risques Politiques d'Aon France. Il n'avait pas tort. Après l'imposition cet été de taxes punitives réciproques de 25% sur 50 milliards de marchandises, Donald Trump a imposé début septembre des tarifs douaniers punitifs sur des biens chinois représentant 250 milliards de dollars d'importations annuelles. Il menace également de frapper pour 267 milliards de dollars d'importations supplémentaires, soit la quasi-totalité des exportations de la Chine vers les États-Unis. Pékin avait promis de répliquer avec l'imposition de droits de douane de 5 ou 10% sur des produits américains d'une valeur de 60 milliards de dollars d'importations annuelles. Il existe d'autres armes qui ne sont pas de moindres importances mais ont été ces dernières années peu utilisées mais continuent d'être une menace sérieuse :The Committee on Foreign Investment in the United States (CFIUS), L'ITAR International Traffic in Arms Regulations. le Cloud Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act et tout un arsenal d'artifice. *Consultant et économiste pétrolier |
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