Report ou
maintien de la date présidentielle, l'essentiel est ailleurs. Il est dans cette
volonté de culpabiliser l'Algérien anonyme, rendu responsable de tous les maux
de cette République en sous-location. Les images de ces mères éplorées,
attendant des nouvelles de leurs fils, harraga,
assises sur le rivage, ont été instrumentalisées pour provoquer un pathétique
sentiment de rejet de cette vague migratoire clandestine. L'Etat, incapable de
trouver des solutions aux boat-people, inapte à offrir des opportunités de
rechange ou à proposer des choix acceptables à cette jeunesse naufragée, sort
les vieux clichés de la guerre psychologique pour se dédouaner. Nul n'ignore
que le premier à souffrir de ces voyages périlleux est la famille du candidat à
l'exil si ce n'est lui en personne. Et dans la conception sociale, la famille
c'est avant tout la mère, d'où cette offensive médiatique lancée contre l'idée
même de la harga. Décryptage : regarder l'état où
vous mettez votre mère lorsque vous traversez la Méditerranée. La mère étant
également l'image subliminale de la patrie qui souffre dans sa chair. Dans sa
pure logique brejnévienne, le pouvoir déplace le débat après l'avoir ignoré
puis habillé de la tenue du prisonnier et n'hésite
plus à jouer la carte du chantage aux sentiments dans une guerre perdue
d'avance si la tactique d'approche ne change pas. Il est indéniablement plus
aisé de se défausser sur les absents, les culpabilisant, les rendant
responsables de la détresse sentimentale où vivent les leurs, s'ingéniant à
ériger des concepts cache-misères pour tromper l'opinion publique. Les
Algériens ne sont pas plus dupes qu'un autre peuple et ce n'est pas avec les
prévisions apocalyptiques que le pouvoir en place arrivera à justifier un
présent sur courant alternatif où l'interrupteur est propriété de l'Etat. La
théorie du complot est également inscrite dans les explications officielles à
fournir, en option, pour essayer de comprendre l'étendue de ce mal qui pousse
les Algériens à littéralement se jeter dans l'eau
avec femme et enfants. La main étrangère est celle qui rame, qui met le moteur
du semi-rigide en marche, et qui s'associe avec les réseaux des passeurs pour
donner une mauvaise image du rivage d'origine où les clivages sociaux sont
tellement présents qu'il existe même deux collèges de harraga.
Le second collège est celui des faits divers, des noyés et des disparus, celui
des arrestations, des sauvetages en mer et des expulsions. Le premier est VIP,
dans des bateaux de plaisance, des yachts où il faut compter jusqu'à 40
millions par tête de gondole. Si pour les uns, l'image de la mère est à
exhiber, pour les autres, c'est peut-être un chéquier qu'il faut peut-être
montrer.