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Après une réunion
à blanc le jeudi 6 décembre sans parvenir à un accord, l'arrivée de la Russie
le lendemain devait sauver la face du cartel par un accord que de nombreux
analystes disent ne suffira pas pour éponger le surplus de l'offre sur le
marché. La baisse de production de 1,2 million de barils par jour pourrait
toutefois « ne pas être suffisante pour éliminer la surabondance de pétrole sur
le marché », a remarqué Stephen Brennock, analyste
chez PVM.
«Une réduction de 1,5 mbj était nécessaire pour éviter une surproduction au premier semestre 2019. En conséquence, les prix devraient plutôt rester orientés à la baisse dans les mois à venir malgré la réaction spasmodique d'aujourd'hui sur le marché, a-t-il prévenu. Plusieurs facteurs peuvent cependant facilement faire pencher les prix dans un sens ou dans l'autre, selon Andrew Lebow. L'expert fait certainement allusion à la position de Trump après cet accord, lui qui les a avertis la veille de maintenir la production à un niveau élevé, afin que les automobilistes américains puissent continuer de rouler pour pas cher. Cette décision qui semble vivement encouragée par Vladimir Poutine dont on ne connait pas avec exactitude la part de la Russie dans la réduction, pourrait être une réponse « d'agacement » envers Trump à sa position vis-à-vis du président russe une semaine avant lors du sommet des G20. Résultat : les prix de l'or noir ont gagné seulement jusqu'à 5à 6% pour le Brent et à peine 5% pour le WTIWTI Le West Texas Intermediate (WTI), aussi appelé Texas Light Sweet, qui est une variation de pétrole brut cher à Trump, faisant office de standard dans la fixation du cours du brut et comme matière première pour les contrats à terme du pétrole auprès du Nymex (New York Mercantile Exchange), la bourse spécialisée dans l'énergie quand sont confirmées les premières informations que les représentants de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et de leurs partenaires, menés par la Russie, avaient fini par trouver un difficile compromis. Il s'agit des prix pour livraison pour janvier 2019. Le mardi à l'heure où nous écrivons vers 10 h, le Brent a plongé au dessous de la barre des 60 dollars soit 59,87 dollars et le WTI 50,95 dollars en attendant l'affichage des stocks américains aujourd'hui qui s'annoncent gonflés. Habituellement, un tel coup d'éponge aurait emballé le marché surtout dans cette période hivernale. Cette annonce qui a été faite non pas par le l'Arabie Saoudite comme de coutume mais par ministre irakien du Pétrole Thamer Abbas al-Ghadhban à l'issue de la réunion « Nous allons réduire de 1,2 million de barils par jour au total » la production, a-t-il déclaré à la presse. Il a précisé que cette réduction serait portée à hauteur de 800 000 barils quotidiens par les quatorze pays de l'OPEP et de 400 000 par ses dix partenaires dont la Russie. Cette baisse sera calculée à partir des niveaux de production d'octobre et fera l'objet d'un examen d'étape en avril, a précisé un porte-parole de la réunion, Tafal al-Nasr. Cette réduction, correspondant à un peu plus de 1 % de la production mondiale, est destinée à enrayer la chute des cours, qui ont dévissé de 30 % en deux mois dans un contexte de surproduction chronique. 1-Tous les regards sont pointés sur Twitter En fait, c'est ce que va dire Trump au réveil. Ce dernier ne cache pas, depuis plusieurs mois, son désaccord avec les Saoudiens sur la question du prix du baril. Une position d'autant plus confortable pour le président américain que la production pétrolière des Etats-Unis ne cesse d'augmenter. A tel point qu'ils ont, pour la première fois, exporté plus de pétrole brut et raffiné qu'ils n'en ont importé la semaine du 30 novembre, selon les données de l'Agence américaine d'information sur l'énergie (EIA). Même si ces chiffres portent sur une très courte période, ils constituent une nouvelle preuve de la montée en puissance du pétrole de schiste américain sur le marché mondial. L'Arabie saoudite, alliée traditionnelle des Etats-Unis, peine à trouver le point d'équilibre entre son désir de maintenir un prix élevé du pétrole pour financer ses réformes intérieures et sa guerre meurtrière au Yémen, et les exigences du président américain, qui met la pression sur le prince Mohammed Ben Salman pour le pousser à faire baisser les cours afin de satisfaire les conducteurs américains. S'il a tardé cette fois- ci de Twitter son commentaire, c'est certainement à cause des événements qui se passent en France avec les gilets jaunes. Tout porte à croire qu'il attise le feu en encourageant un prix à la pompe explosif. Il a critiqué une nouvelle fois l'accord de Paris sur le climat, estimant que le mouvement des Gilets jaunes en France était la preuve que cet accord «ne marche pas». Il a affirmé, sans preuves, que des manifestants scandaient « Nous voulons Trump ». Et d'enchainer que les gens ne veulent pas payer de grosses sommes d'argent, beaucoup aux pays sous-développés (qui sont gouvernés de manière discutable), avec l'objectif, peut-être, de protéger l'environnement», a poursuivi Donald Trump, coutumier des Tweets matinaux. «Ils chantent ?Nous voulons Trump'. J'adore la France», a conclu le locataire de la Maison Blanche. Ce n'est pas la première fois que Donald Trump donne son opinion sur ce mouvement. Il avait déjà ironisé mardi sur les concessions faites par Emmanuel Macron aux Gilets jaunes, estimant que l'accord de Paris était voué à l'échec. Donald Trump avait également retweeté mardi le message de Charlie Kirk, un commentateur conservateur, selon lequel la France est secouée par des émeutes «en raison de taxes sur l'essence». Il est donc fort probable qu'en savourant ainsi la casse en France, il lâche un peu l'Arabie Saoudite jusqu'à la mise en œuvre de cet accord à partir du 1er janvier. 2- L'Arabie Saoudite est fortement gênée Le royaume qui traine depuis l'assassinat du journaliste Khashoggi et cette guerre menée au Yémen peine sinon difficilement de concilier son large programme des réformes que le jeune prince compte lancer dans l'échéance 2030 et respecter son pacte avec Donald Trump qui exige un baril de brut qui permet aux Américains de rouler moins cher. Sa réhabilitation pour ces affaires reste fragile en dépit de son périple jusqu'à Buenos Aires pour le G20 et sa tournée en Afrique du Nord pour trouver d'abord un soutien et des médiateurs pour trouver une issue à cette guerre qui pèse sur l'économie nationale. La raison est que chaque année, près de 10 % des dépenses publiques sont effectivement consacrées à des fins d'enrichissement personnel. En décembre 2017, MBS avait déclaré au New York Times « qu'il n'était pas possible que nous restions dans le G20 et que nous continuions à nous développer avec ce niveau de corruption. »Une telle déclaration est une intention louable qui aurait pourtant davantage d'impact si le prince héritier s'astreignait à la diète qu'il impose aux notables saoudiens. Car tandis que, d'une main, il conduisait la purge dans son pays, de l'autre, MBS se portait acquéreur de l'une des demeures les plus chères au monde, évaluée à quelque 300 millions de dollars. Une transaction qu'il avait tenu à garder secrète en la dissimulant sous une poignée de sociétés-écrans, basées en France et au Luxembourg, qui appartiennent en réalité à l'Eight Investment Company, une société saoudienne détenue par la famille royale. Un écart de conduite que certains, en Arabie saoudite, ont trouvé choquant, d'autant plus que la population est astreinte depuis quelques années à une cure d'austérité comme elle n'en a jamais connue. Et découvre cette année les joies de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), entre autres taxations nouvellement créées par le pouvoir pour résorber le déficit du royaume. Un paradoxe qui n'inquiète décidément pas le prince héritier qui, après s'être offert un manoir français l'année dernière, a récidivé en s'adjugeant cette fois-ci la toile la plus chère du monde, le Salvator Mundi de Léonard de Vinci, pour 450 millions de dollars. De quoi laisser penser que la doctrine du règne à venir de Mohamed ben Salman pourrait être « faites ce que je dis, mais pas ce que je fais » ? Ce qui est sûr, c'est que le prince héritier enchaîne les contradictions depuis qu'il est aux manettes à Riyad, souhaitant apparaître ouvert et moderne, mais recourant aux bonnes vieilles pratiques éculées du pouvoir. Alors que, d'un côté, MBS souhaite libéraliser des mœurs saoudiennes très rigoristes ? concernant notamment les droits des femmes ? et ouvrir la société au monde, de l'autre, il détricote ces avancées en versant dans l'excès de pouvoir. Sur la scène internationale, également, sa politique est teintée de paradoxes. Comme celui de vouloir à tout prix s'allier avec les États-Unis, jusqu'à soutenir les décisions les plus controversées de son président au Proche orient. Comme au Yémen, où l'Arabie saoudite bombarde depuis deux ans indistinctement groupes armés et populations civiles ? Riyad, d'ailleurs, est sous le coup d'une enquête de l'ONU pour violation des droits humains. La liste des paradoxes auxquels est en proie le prince héritier est longue, et celle-ci ne semble pas près de s'arrêter. C'est certainement pour toutes ces raisons que le 7 décembre dernier à Vienne, leur ministre de l'énergie s'est montré moralisateur envers les pays consommateurs. Il s'est en effet défendu de vouloir accabler les consommateurs, appelant les Etats à « y aller doucement » avec leur fiscalité sur les hydrocarbures. « Beaucoup de consommateurs souffrent du coût élevé de l'énergie » a reconnu le ministre saoudien de l'Energie, Khaled al-Faleh, à l'issue d'une réunion de l'OPEP et de ses alliés dont la Russie à Vienne. Pour lui, Ryad n'avait pas pour objectif de faire flamber les cours et était prêt à ouvrir les vannes si une catastrophe affectait la production mondiale. «Nous ne resterons pas inactifs et ne laisserons pas le monde sans approvisionnement», a-t-il rassuré. 3- Le royaume a préféré s'endetter que d'œuvrer pour un prix du baril juste. L'Arabie Saoudite, maillon essentiel de la politique régionale, a emprunté 17,5 milliards de dollars auprès d'investisseurs internationaux, faisant son entrée pour la première fois, mercredi 19 octobre 2016, sur la scène des marchés financiers mondiaux. Cette levée a pour but de compenser la baisse des cours du pétrole et de combler le déficit budgétaire, estimé à prés de 90 milliards de dollars milliards de dollars cette année, détaille The Wall Street Journal. Cela constitue une somme sans précédent pour un pays en développement, indique cette même source. En avril de la même année, ce pays avait dû emprunter 10 milliards de dollars auprès d'un consortium de banques, pour la première fois depuis plus de dix ans. Il prévoit également de vendre 5 % de son géant du pétrole, l'entreprise publique Aramco. Il se trouve, désormais que ces nouvelles ne passent pas inaperçues dans l'opinion saoudienne. En effet, le jour même de l'émission de cet emprunt, la chaîne d'information MBC a organisé une grande émission politique, invitant le ministre des Finances, le ministre du Service civil et le vice-ministre de l'Économie, pour expliquer la gravité de la situation économique. La phrase choc qu'ils en auront retenue : L'Arabie Saoudite risque d'être en faillite d'ici à trois ans : soit fin 2019. Pourquoi cet aveu intervient-il maintenant ? S'interroge le quotidien panarabe Rai Al-Youm. Est-ce pour justifier la politique d'austérité qui attend les Saoudiens, avec baisse des subventions, hausse de divers tarifs et coupes dans les salaires ? Sans compter la crainte d'une récession provoquée par le non-paiement des sommes dues aux entreprises du BTP ou l'annulation de grands contrats d'infrastructures. Cette émission participe d'une dramatisation qui, selon le journal, est un tournant par rapport à la politique du passé, qui consistait, au contraire, à nier les problèmes et à cacher la poussière sous le tapis. L'Arabie Saoudite est en train de s'enliser, juge pour sa part la chercheuse saoudienne en exil Madawi Al-Racheed dans le magazine britannique Prospect. Selon elle, le pays est tellement sous pression qu'il aura peut-être du mal à s'en sortir. Le régime trouvera-t-il une réponse plus constructive aux problèmes que les flagellations, décapitations et lapidations qui ont fait sa notoriété ? Et de conclure : Le monde ne peut se désintéresser de l'Arabie Saoudite. Ce pays est lié à nos problèmes les plus pressants : la place de l'Iran sur la scène internationale, la guerre civile en Syrie et au Yémen, l'avenir de l'énergie. Il est essentiel de réussir sa transition vers une société plus ouverte. Or, il n'est pas certain que le régime saoudien en sera capable. Moralité : Combien même, le prix du baril se situerait d'ici avril 2019 dans une fourchette 70 -80 dollars, ce qui est sauf événement géostratégique exceptionnel très peu probable, les pays producteurs comme l'Algérie et le Venezuela ne trouveront pas leur salut. Pourquoi ? Il faut au stade actuel 92 dollars pour le budget algérien et plus de 120 dollars pour celui vénézuélien pour espérer rétrécir leurs déficits. Ce sont des niveaux qui demandent un grand coup d'éponge de l'offre que personne n'est disposé pour le moment de le faire. Tout porte à croire que l'Algérie s'est contentée du poste de vice présidence de l'OPEP en attendant mieux... *Consultant, Economiste Pétrolier |
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