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L'élite
politique et intellectuelle là où il est passé se trouve partagée entre ce
qu'il faut penser en privé et ce qu'il faut dire en public par courtoisie
diplomatique. C'est certainement ce qui explique que l'Egypte lui a réservé un
accueil spectaculaire lundi 27/11/2018.
Le maréchal Al-Sissi l'attendait à sa descente d'avion avec tapis rouge et fanfare militaire, et les médias locaux ont diffusé des images d'Egyptiens brandissant des drapeaux saoudiens sur la place Tahrir au Caire lors du passage de son convoi. La Tunisie quant à elle devait chambouler le protocole pour le faire accueillir à sa descente d'avion par le président Beji Caïd Essebsi en personne. Pourtant le jeune prince Mohamed Ben Salmane (MBS), entouré d'une équipe de conseillers américaine, a attendu le feu vert du président Donald Trump pour entamer son périple de réhabilitation dans le monde. Le 21 novembre dernier, le rapport de la CIA lui accordait le bénéfice du doute qui fait dire au président américain dans un de ses Twitt « nous nous saurons sans doute jamais si le prince est au courant ou pas dans son implication dans l'assassinat du journaliste Khashoggi » et d'ajouter cinglant « peut être, peut être pas ».Voilà comment on plie une affaire si gravissime soit-elle ! Le lendemain, un communiqué du cabinet du royaume livre un programme de visite du jeune prince pour 6 pays puis une participation au G20.Une visite prévue auprès de six pays arabes : les Émirats arabes unis, Bahreïn, la Tunisie, l'Égypte, l'Algérie et la Mauritanie, mais pas le Maroc, seul pays du Maghreb ainsi boudé par MBS. Pourquoi? A cause de Qatar? D'autres sources disent que c'est le roi Mohamed VI qui ne veut pas le recevoir ? Si son allié dans sa guerre au Yémen lui a roulé le tapis rouge, il n'est pas le bien venu au pays du Maghreb où les sociétés civiles, syndicats, certains partis politique dont l'islamiste Algérien lui reserves un accueil humiliant. Réagissant à la campagne médiatico -politique ayant visé Mohammed ben Salmane en particulier et le royaume saoudien en général suite à ce crime odieux, le ministère des affaires étrangères Algérien par le biais de son porte parole a souligné que «l'Algérie, qui est liée à l'Arabie Saoudite par des relations étroites de « fraternité », de coopération et qui partage avec elle un destin commun, exprime sa conviction que la « justice » saoudienne saura faire toute la lumière sur ce meurtre». Même si la présidence devait corriger le tir à la veille de sa visite très timidement médiatisée, il se trouve que l'un et l'autre restent politiquement corrects et visiblement dans l'embarras. Il ne retrace pas les réalités des relations diplomatiques entre les deux pays sur au moins les plans évoqués : 1- de la relation fraternelle en question Historiquement, les relations entre Alger et Riyad n'ont jamais été au bon fixe jusqu'à l'arrivée de Bouteflika en 1999. Au temps de Boumediene, les Saoudiens qualifiaient le peuple algérien de peuple athée. Par ce préjugé, ils ont privé la cause algérienne en 1956 de la seule voie qui manquait pour son inscription à l'ordre du jour de l'assemblée de l'ONU. Les années 80, leur offensive pour diminuer les prix du baril du pétrole devait faire un ravage aux pays dont les économies étaient fortement dépendantes des recettes pétrolières. Pour contrecarrer l'apparition des marchés spots (fixation libre du prix au jour le jour) des prix qui dépassent les prix officiels et qui est une conséquence directe du 2e choc pétrolier lié à la révolution iranienne et de la crainte de pénurie de pétrole brut, est instauré en 1985 le principe de la marge fixe par baril vendu aux raffineurs (netback policy), principe pervers qui conduira à l'effondrement des prix; c'est le contre-choc pétrolier de 1986, qui a mis l'Algérie en particulier à genoux. Le prix du baril était descendu en dessous de 10 dollars, au point où Kasdi Merbah, Premier ministre de l'époque, a appelé les autorités saoudites pour les rappeler «qu'elles étaient en train de nous enlever le pain de la bouche». Plus tard, ce qui était connu concernant le financement du terrorisme en Algérie, en Syrie et ailleurs par certains pays du Moyen-Orient fait l'objet de témoignages de plus en plus nombreux et de preuves tout aussi irréfutables. Cette fois, c'est l'ancien directeur des services de renseignements internes français, Bernard Squarini, qui témoigne sur le rôle du Qatar et de l'Arabie Saoudite dans le financement du terrorisme. Selon lui, les groupes djihadistes qui ont prêté allégeance à Al Qaïda sont financés principalement par le prince saoudien Bandar Ben Sultan (secrétaire général du Conseil de sécurité nationale et chef des renseignements généraux d'Arabie Saoudite) qui adopte une politique régionale indépendante de ses frères et ses cousins. Ce chef des renseignements saoudiens est derrière le financement des groupes djihadistes en Afghanistan, en Syrie, au Liban, en Egypte, au nord de l'Afrique. Il a noté en outre dans ce livre que le Qatar, grand partenaire commercial et politique de la France, est impliqué par le financement, voire l'armement des groupes islamistes combattant en Afrique contre l'armée française. Pour camoufler et faire passer le soutien logistique et entraîner les groupes djihadistes. L'Arabie Saoudite a un rôle dans le financement et l'entraînement des groupes extrémistes, particulièrement au nord de l'Afrique, voire en Algérie. Anna Marie Lisa, présidente honoraire du Sénat belge, accuse, quant à elle, ouvertement l'Arabie Saoudite « d'œuvrer à déstabiliser volontairement les frontières sud de l'Algérie à travers, notamment, le financement des salafistes et djihadistes ». « L'Algérie, et par le rapt de ses diplomates à Gao, a payé pour avoir combattu le terrorisme durant les années 1990 », selon elle. «Les auteurs du rapt se sont, en particulier, attaqués au symbole de l'Algérie, en la personne des diplomates enlevés», explique-t-elle. Eric Denussy, directeur du Centre français de recherches sur le terrorisme et ancien officier des services secrets, tire la sonnette d'alarme : « La situation est très grave. L'Algérie est considérée par le Qatar et l'Arabie Saoudite et par l'alliance entre les USA et les Frères musulmans, comme le domino qui n'est pas tombé et qui doit tomber, coûte que coûte ». Il accuse l'Otan d'avoir reconfiguré le terrorisme dans la région du Sahel, avec l'intervention militaire engagée dans ce pays. 2014, le royaume a mené une guerre des prix, pour dit ?on récupérer ces parts de marchés conquises par les producteurs américains de schiste en inondant le marché de brut sans penser aux dommages collatéraux qu'il a laissé dans les économies fortement dépendantes des recettes pétrolières comme le Venezuela et l'Algérie dont on connait la situation difficile dans laquelle il se trouvent actuellement. 2-Une ingérence dans les positions politiques de l'Algérie Cette ingérence continue au nom de l'approche salafiste de la religion a contraint pour la première fois dans l'histoire des relations de l'Algérie avec ce royaume de refuser l'accès à un prédicateur de toute évidence gênant. Pour que la diplomatie se mêle d'une affaire banale de rentrée et de sortie d'un territoire, c'est la preuve par 9 de l'influence des Chouyoukhs dans la conduite de la stratégie politique de ce pays. N'arrivant pas à digérer le refus du gouvernement algérien de classer comme organisation terroriste le mouvement de résistance libanais contre le sionisme, le Hezbollah en l'occurrence, le royaume wahhabite lance son «offensive médiatique» contre l'Algérie. La chaine intégriste SAFA devait donner la parole à un prédicateur virulent qui a publiquement déverser son venin pour déclarer à qui veut l'entendre que l'Algérie est un pays «traitre» pour, bien entendu, n'avoir pas accepté de mettre en application la feuille de route sioniste dans la région et dans le reste du monde musulman. «Le gouvernement algérien a trahi la révolution syrienne et les musulmans». Il est avec les autorités syriennes qu'il soutient et appuie. «Il est aussi avec les sionistes contre l'islam et les musulmans» selon ce prédicateur. Lors des événements de Ghardaïa, il s'est ingéré dans un conflit algéro-algérien pour appeler via sa chaine satellite IQRA carrément à l'extermination de la communauté Ibadites de la région. Sa diplomatie tente de présenter l'Algérie comme bénéficiant des relations privilégiées avec le royaume alors qu'il a mis son économie à genoux et à deux reprises.. La passivité de la diplomatie Algérienne a laissé la porte ouverte à des interrogations de toutes sortes : Ce pays dispose t'il de dossiers sérieux sur des hommes politiques qui investissent dans les pays du Conseil de Coopération du Golfe dont le royaume est le leader ? Cache-t-il des choses que le pouvoir ne veut pas qu'elles soient divulguées ? En tout cas, pourquoi ce silence face à cette ingérence par un jeu paradoxal des uns et des autres ? Il faut peut-être souligner que les wahhabites ne ratent pas l'occasion pour ramasser les bons points des principales puissances. Depuis l'amorce de la crise économique mondiale, le recyclage des pétrodollars de l'Arabie Saoudite vers le trésor américain, ajouté aux contrats juteux avec la France dans le domaine de l'armement et l'aviation civile l'ont emportés sur les droits de l'homme. Aujourd'hui, les Etats-Unis et la France qui se vantent de promouvoir les droits de l'homme dans le monde et se montrent en donneurs de leçons, se sont vivement plantés en soutenant justement un pays qui les transgressent au vu et au su du monde entier. En effet, la polémique avait suscitée une rage qui a fait exploser les réseaux sociaux le 4 mars de l'année 2016 lorsque François Hollande avait remis ce titre à celui qui figure comme étant l'un des plus grands bafouilleurs des droits de l'homme dans le monde, la légion d'honneur au prince héritier et ministre de l'intérieur de l'Arabie saoudite «au titre de personnalité étrangère», en l'occurrence Mohammed Ben Nayef. Tout de suite une célébrité française programmée de la recevoir devait refuser de se présenter pour exprimer sa colère. Cette actrice réputée franche n'a pas mâché ces mots en fustigeant cette décoration. Il se trouve désormais qu'elle n'était pas la seule une autre la carrément rendue comme le célèbre anthropologue Alain Nicolas. C'est presque la goute qui a fait déborder le vase après la nomination de ce pays le 21 septembre 2015 à la tête de la commission consultative des droits de l'homme onusienne, institution qui reste sous les feux de virulentes critiques. Comme l'a confirmé l'ONG UN Watch, l'ambassadeur de Riyad auprès des Nations unies, Faiçal Trad, présidera ce groupe. Au sein du Conseil des droits de l'homme, le «groupe consultatif» est chargé de sélectionner les rapporteurs en charge de thématiques précises comme les camps de travail en Corée du Nord ou les violences faites aux femmes ainsi que d'autres sujets liés au droit de l'homme et que justement ce pays ne respecte pas en premier lieu. Ces travaux serviront ensuite de base au Conseil des droits de l'homme pour émettre des recommandations.. 3-de la justice dont l'Algérie fait confiance La monarchie saoudienne est l'une des plus dures au monde. Il n'y a ni constitution ni code pénal dans ce pays mais uniquement l'application du Coran et de la jurisprudence islamique (interprétation, sunna, hadith et Essira etc.). Dans l'application de cet arsenal juridique, les avocats ne plaident pas mais s'attaquent les uns aux autres à coup de fatwas. Une police composée de chouyoukhs surveillent le comportement des citoyens dans leur vie quotidienne et dénonce leur moindre déviation de la ligne religieuse sunnite. Sur le plan de l'application de la Charia, de nombreux analystes et observateurs ont relevé une certaine dureté de son application par rapport à Daech. En trois mois de janvier à mars, le royaume wahhabite a exécuté 70 personnes, dont 47 en une seule journée, le 2 janvier dernier. Parmi ces condamnés à mort, le plus souvent décapités au sabre sans aucun respect de leur corps et à l'insu de leurs familles, des criminels de droit commun, mais aussi des opposants. L'Arabie saoudite a exécuté 153 personnes, contre 87 en 2014. Entre janvier 1985 et juin 2015, au moins 2 208 personnes ont été victimes de la peine de mort, parmi lesquelles plus d'un millier d'étrangers, des mineurs et des handicapés mentaux. En somme, même si on est attardé mental dans ce pays, on reste tout de même responsable de ses actes. Le régime s'est ainsi montré intraitable avec le blogueur et militant Raif Badawi, en prison depuis 2012. Riyad a notamment décapité puis crucifié en place publique le jeune opposant chiite Ali Mohammed Al-Nimr, accusé d'avoir participé en 2012 à une manifestation contre le régime dans la région majoritairement chiite de Qatif, lorsqu'il était âgé à peine de 17 ans. L'ONG qui assurait sa défense, avait affirmé que les aveux signés par l'accusé ont été obtenus sous la torture. A Genève, on dénonce tout bas une mascarade et un coup de plus porté à la crédibilité d'une institution qui représente l'autorité morale de l'ONU et dont l'Arabie saoudite n'est devenue membre qu'en 2013. A l'époque, ni les Etats-Unis, ni l'Union européenne, ni la France en particulier, ne s'étaient opposés à cette nomination. La plupart des décisions du Conseil des droits de l'homme se prennent sans qu'un vote formel n'ait vraiment lieu. Les tractations et négociations ont donc lieu en amont et en coulisses. La nomination de Riyad à la tête du «groupe consultatif» était restée secrète depuis le mois de juin 2015. Par un jeu pervers et politique, ces pays ont réussi à se dédouaner d'un soutien si indéfectiblement accordé à la nébuleuse du djihadisme erratique. Et cela depuis son apparition dans la décennie 1980 lors de la guerre antisoviétique d'Afghanistan. L'opacité de ce fonctionnement n'est pas non plus pour servir la réputation d'un organe de plus en plus décrié. Au printemps dernier, l'Arabie saoudite, déjà, s'était portée candidate à la présidence du Conseil des droits de l'homme. Une polémique avait éclaté et officiellement la candidature avait été retirée. Dans les couloirs du Palais des Nations, à Genève, il se murmure que Riyad aurait obtenu la tête du «groupe consultatif» en guise de consolation. Reste que l'institution doit bien renouveler sa présidence (qui était occupée par l'Allemand Joachim Rückert) jusqu'à la fin de l'année 2015. C'est au tour du groupe asiatique de proposer un pays ? d'où la tentative de l'Arabie saoudite, qui en fait partie. *Consultant, Economiste Pétrolier |
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