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Une nouvelle fois, le tribunal
criminel de première instance d'Oran a eu à juger une affaire de mœurs
impliquant des mineurs, dont une, la victime, était âgée de 12 ans au moment où
toute l'histoire a commencé.
Une fugueuse à Haï Sabah Les faits remontent au 08 novembre 2016 quand une mère de famille, vivant à Haï Sabah, se présente au commissariat de la 22e sûreté urbaine pour déclarer la disparition de Chaïma, sa fille de 12 ans. Sur la base des informations données par la mère en question, les éléments de la police se rendent chez une certaine B. Hind, 19 ans, amie de Chaïma mais également secrétaire stagiaire dans le CEM où la fugueuse est scolarisée. Hind, également connue sous le prénom de Narimane, confirme aux policiers que, la veille, Chaïma lui avait demandé de l'aider à trouver un abri pour la nuit : «Elle m'a dit qu'elle avait été chassée de chez elle et qu'elle risquait de passer la nuit dehors. Je lui ai proposé de dormir chez moi mais elle a refusé». Devant ce refus inexpliqué, Hind téléphone à son petit ami B. Houari pour lui demander d'héberger Chaïma pour la nuit. Et c'est ainsi que la petite fille de 12 ans se retrouve dans un appartement, situé au 4e étage d'un immeuble de la cité AADL de l'USTO, occupé par un certain Z. Mohamed, ami de Houari en compagnie duquel celui-ci est venu chercher la fugueuse. Chaïma : «Violée et battue» Dans l'appartement en question, les policiers retrouvent Chaïma et Houari mais aussi un certain nombre d'indices (boissons, stupéfiants) qui laissent supposer qu'il s'agit-là d'un lieu de débauche. Interrogée, Chaïma accuse Houari de l'avoir agressée sexuellement, de lui avoir mis un tissu dans la bouche pour l'empêcher d'appeler à l'aide, de l'avoir frappée et menacée avec une arme blanche. Elle affirme avoir trouvé à son arrivée une autre fille, et vu Houari et d'autres personnes consommer de la drogue et de l'alcool. Chaïma indique également que c'est Hind qui lui avait demandé d'accompagner Houari, dans ses déclarations, suggérant qu'elle la «lui avait offerte». Le médecin qui examine l'adolescente confirme l'existence de traces de coups, de blessures intimes et conclut à un viol avec violences. A l'issue de l'instruction, B. Houari, pâtissier-boulanger de 19 ans, est inculpé d'attentat à la pudeur sur la personne d'une mineure de moins de 16 ans, selon l'article 335, alinéa 2, du code pénal, et mis en détention provisoire. Poursuivie pour incitation à la débauche d'une mineure de moins de 18 ans, B. Hind sera, elle, laissée en liberté en attendant d'être jugée. Houari : «Elle paraissait plus âgée et était consentante» A la barre ce lundi 1er octobre, B. Houari ne nie pas avoir eu des relations sexuelles contre-nature avec Chaïma. «Je ne l'ai jamais forcée, elle était consentante. Et je ne savais pas qu'elle avait 12 ans. Elle en paraissait au moins 18», affirme-t-il, provoquant la colère de la présidente d'audience qui s'emporte. «Mais elle n'avait que 12 ans !!» lancera-t-elle d'une voix cassante. Sans se démonter, Houari continue : «Mais morphologiquement, je vous jure qu'elle avait l'air d'une jeune fille. Je ne pouvais pas deviner qu'elle était mineure». Il dira qu'il avait tenté de chasser Chaïma, le lendemain, afin qu'elle regagne le domicile familial mais que celle-ci s'y refusait obstinément. Concernant les déclarations de Chaïma sur la présence de boissons alcoolisées et de produits stupéfiants dans l'appartement de l'USTO, Houari répondra qu'il était non-fumeur et ne consommait pas d'alcool. Hind : «Je voulais l'aider» Comparaissant libre, Hind s'est attelée à justifier son comportement par son désir d'aider Chaïma. «Elle m'avait dit qu'elle ne voulait plus rentrer chez elle où sa mère la maltraitait et son frère la battait. J'ai essayé de lui soutirer le numéro de sa mère pour que je lui parle, elle a refusé. Et quand je lui ai proposé de passer la nuit chez moi, elle a refusé, me suppliant de lui trouver un autre lieu. C'est comme cela que j'ai pensé à Houari», dira-t-elle à la barre, en ajoutant s'être rendue le lendemain à l'appartement de l'USTO pour s'enquérir de la situation de Chaïma. «Je lui ai une nouvelle fois suggéré de rentrer chez elle, elle a refusé», continuera-t-elle, en confirmant que la fugueuse ne paraissait pas son âge et qu'elle lui avait assuré qu'elle avait 18 ans : «Je ne pouvais pas la laisser passer la nuit dehors. Je voulais juste l'aider». Interrogée sur la réputation de Chaïma lorsqu'elle était scolarisée au CEM où elle-même travaillait, Hind a indiqué que des rumeurs sur ses «frasques» lui parvenaient régulièrement aux oreilles : «Dans l'établissement, je ne voyais rien de particulier mais dès qu'on était dehors, j'entendais des choses pas très flatteuses sur son compte». Ministère public: «Chaïma était une enfant» Dans son réquisitoire, le représentant du ministère public se refuse à croire que Chaïma aurait pu verser dans la débauche comme le suggèrent les accusés. «C'était une enfant de 12 ans», lancera-t-il, en pointant un doigt accusateur sur Hind «chez laquelle la petite s'est réfugiée» et Houari qui a profité de l'innocence d'une enfant. Se basant sur les aveux de l'accusé qui a reconnu avoir eu des relations sexuelles avec Chaïma, la déposition de celle-ci qui a évoqué des violences (il insistera sur le tissu utilisé pour l'empêcher de crier), le rapport de police sur l'appartement de l'USTO qui s'est avéré être un lieu de débauche, le magistrat requerra 20 ans de réclusion contre Houari. Il réclamera également 10 ans de prison contre Hind qui «aurait plutôt dû reconduire la petite chez elle». Défenses : «Apparences trompeuses» Fustigeant les parents démissionnaires, et la mère de Chaïma qui, par son attitude, a été la première à mettre sa fille en danger, l'avocat de B. Hind a affirmé que sa cliente avait seulement tenté de protéger la petite. Et si elle a appelé Houari à la rescousse, c'est parce que la petite refusait de rester chez elle, et qu'elle avait confiance en lui. «D'ailleurs, dès le lendemain, elle s'est enquise de la situation de la mineure», soulignera l'avocat, en signalant qu'aucune preuve matérielle ne soutenait la thèse de l'incitation à la débauche dont sa cliente est poursuivie. Il conclura sa plaidoirie en demandant l'acquittement pur et simple de sa cliente. L'avocat de Houari, lui, s'attachera à jeter le discrédit sur la plaignante (absente de l'audience) en affirmant que «c'était une menteuse, connue pour ses mœurs légères». «Qu'espérait-elle en acceptant de se rendre dans un appartement avec deux jeunes garçons ?» se demandera-t-il, en regrettant le fait que Chaïma ne se soit pas présentée à l'audience. «Vous auriez pu juger de sa morphologie. Personne ne lui donnerait 12 ans», affirmera-t-il encore, en ajoutant que la «présumée victime» a monté un scénario pour dissimuler ses mœurs. «Notre client aurait pu nier avoir eu des relations sexuelles, il ne l'a pas fait parce qu'il est de bonne foi», continue l'avocat en accusant la plaignante de l'avoir provoqué. Déplorant lui aussi la démission parentale et le délitement du tissu social, l'avocat suppliera le tribunal d'accorder à son client les plus larges circonstances atténuantes, lui qui, après deux années de détention provisoire, «a déjà suffisamment payé pour ses actes». Après délibérations, le tribunal criminel de première instance a condamné B. Houari à cinq ans de prison ferme et B. Hind à une année avec sursis. |
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