Quelque
part dans le temps, des hommes sont enchaînés au fond d'une grotte où ils
voient défiler des ombres sur le mur, provenant d'objets qui passent devant un feu
situés dans leur dos. Ne pouvant se retourner et voir le feu ou les objets qui
passent, ils prennent les ombres pour les objets eux-mêmes. Un jour, un
prisonnier s'enfuit de la caverne et voit le soleil pour la première fois.
Cette vision lui brûle les yeux mais peu à peu son regard s'habitue et il
comprend alors que c'est là que se trouve la véritable lumière. Il redescend
dans la caverne pour avertir les autres mais quand il les invite à sortir de la
grotte, certains, effrayés par le fait de quitter un environnement qu'ils
connaissent depuis toujours, décident de le tuer. La métaphore de Platon décrit
le rapport qu'entretiennent les êtres avec le vrai dans la communauté
politique. La grotte représente la Cité, l'ensemble des hommes qui partagent le
même régime. Les ombres sont les opinions et l'opinion n'est pas le vrai mais
seulement son apparence. Et comme dirait l'autre, l'opinion chacun en a et il
en fait ce qu'il veut. Les personnes qui font défiler les objets sont les
hommes politiques. Ils préfèrent guider les masses sur l'opinion plutôt que sur
la vérité. Au lieu de s'adresser à la raison à travers le dialogue, ils jouent
sur la passion. L'homme qui est sorti et a vu le soleil a compris qu'au-delà
des ombres-opinions, il existe la vérité des choses, immuables et éternelles.
Le monde a enfanté Socrate et Platon, mais nous qu'avons-nous ? A-t-on les
hommes et femmes politiques qu'on mérite ? Le paysage politique algérien,
ressemblant déjà à l'électrocardiogramme d'une momie, vient d'être secoué par de
nouveaux parasites sortis du cimetière national des vanités. Un panel de
personnages, ne représentant que leur ombre et quelques membres intéressés de
leur entourage, ont décrété publiquement leur vassalité sans limites, mais
payantes, au chef de l'Etat. Dans une sortie médiatique folklorique, ils ont
appelé à un cinquième mandat présidentiel, louant les mérites de leur maître et
achevant la crédibilité de la chose politique. A-t-on les hommes et femmes
politiques qu'on mérite ? Absolument, et il aurait été étonnant de voir l'élite
politique algérienne voler plus haut que ses propres intérêts mercantiles. Elle
est à l'image d'un pays médiocre, reniant ses principes fondateurs et versant
dans une course pour le profit, à n'importe quel prix, fut-il sur le cadavre de
ce pays. Qu'attendre de gens dont le seul crédit est cette langue de brosse à
reluire, fiers de leur statut de larbins politiques qui tendent la main comme
de vulgaires faux mendiants perdus dans la cour des miracles. Dans un pays où
les valeurs ont perdu leurs repères, de pareilles gens deviennent la norme dans
une République qui ferait mourir de honte le plus cancre des élèves de Socrate.