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Black-out 2.0 et des interrogations

par Mahdi Boukhalfa

Toutes les institutions financières, les banques, les entreprises, les ministères ont pratiquement levé le pied hier. Et cela va se poursuivre durant toute la durée des épreuves du baccalauréat, c'est-à-dire jusqu'à lundi. Le gouvernement en a décidé ainsi, couper la connexion internet pour tout un pays, mettre ?'dehors'' les travailleurs, pour que les candidats à la triche au bac n'aient aucune possibilité de ?'dribbler'' pendant l'examen. La coupure de l'Internet, une proposition du ministère de la Poste et des TIC, a été ainsi décidée par les plus hautes autorités du pays pour éviter ?'la claque'' de 2016, lorsqu'il y avait eu une fraude généralisée, mettant dans une situation intenable le gouvernement, qui a décidé d'une session de rattrapage. Plus que ?'blindé'', le BAC 2018 a été conçu, préparé et organisé de telle sorte que c'est tout le pays qui assiste à une belle mascarade, une fuite en avant autant du ministère de l'Education nationale, qui n'est pas arrivé à trouver des solutions démocratiques au phénomène par ailleurs international de la fraude, l'Algérie n'étant pas seule sur une île, que du gouvernement, qui a accepté de voir les droits élémentaires des citoyens à un libre accès à la Toile foulés aux pieds. Pis, avec les brouilleurs installés pour éviter les communications téléphoniques, c'est un autre droit à la jouissance de la téléphonie mobile des riverains des centres d'examen, qui est violé, supprimé. Il y a également un déploiement sécuritaire nul autre pareil au monde, et l'Algérie peut se targuer d'organiser le baccalauréat le plus sécurisé du monde, avec, au final, la violation de beaucoup des droits des citoyens à un accès libre à l'Internet, aux NTIC, et surtout, sans en être informés par les autorités, qui se doivent d'obéir et de respecter autant les droits des citoyens en matière d'accès libre aux NTIC, que de respecter la Constitution. Car ailleurs, dans les démocraties occidentales, les brouilleurs dans les centres d'examen sont interdits, tout comme la suspension de la connexion à l'Internet, car c'est anticonstitutionnel, et les gouvernements n'ont pas intérêt à s'attirer les foudres autant des opérateurs, que des utilisateurs, dont les institutions financières, les marchés boursiers, les banques, les centres de recherche, les aéroports, etc. Ici, ces considérations n'ont pas cours, et cela donne un sacré coup à la bonne gouvernance. Car le fond du problème, il faut le reconnaître, verrouiller le bac pour qu'il y ait ?'zéro'' fuite, n'est pas tant de mettre hors d'état de nuire les potentiels fraudeurs, comme s'il s'agit de vulgaires malfrats, et se dire à la fin ?'ouf, on a passé un bon bac cette année'', mais de faire en sorte que ce phénomène social, cette sorte de rapine intellectuelle soit éliminée, qu'elle n'ait plus cours dans le système éducatif algérien. Là aussi, il est déprimant de constater que l'on traite la maladie et non ses causes. Il est évident que le ministère de l'Education nationale soit plus préoccupé de préparer sa riposte ?'2.0'' aux potentiels fraudeurs au bac, qui, eux sont déjà à la technologie ?'3.0'', qu'à assainir un système éducatif, qui a plus que jamais besoin de réformes profondes, d'une autre vision de l'école et de la formation des élites de demain. Obliger les fournisseurs d'accès internet et les opérateurs de ?'couper le jus'', mobiliser la Nation, ses institutions, bloquer son économie, isoler le pays du reste du monde pendant cinq jours, rien que pour un examen de fin de cycle, c'est faire la démonstration d'une insoutenable incapacité à gérer humainement, pédagogiquement, et non par la force et le recours au sécuritaire, la plus convoitée des consécrations scolaires: le sésame pour l'entrée à l'université.