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L'Etat ne sera
pas aboli, il s'éteint. (L'expression a été inventée par Frederik Engels en
1893, dans son ouvrage, l'origine de la famille, de la propriété privée et de
l'Etat. Edit. Broché 2012))
« L'Etat est un code de la violence publique organisée » disait Nicolas Poulantzas, l'Etat, le Pouvoir et le Socialisme, PUF, 1978, 300 p). La question fondamentale qui revient toujours est que l'Etat est toujours sous la menace d'être accaparé par les privilégiés, ce qui en priverait les multiples volontés collectives hétérogènes de leur tâche historique de le construire. La question de l'Etat est liée à la construction d'une volonté de pouvoir. La hantise de la volonté collective sociale algérienne dans ses multiples luttes hétérogènes vise à éviter que l'Oligarchie financière et rentière ne dilapide le patrimoine de la richesse commune comme elle a réussi à le faire par le pillage systématique de la rente pétrolière durant le règne du tandem prédateur et d'indignité nationale qu'étaient Ouyahya-Boutelika (1995-2019). Ce tandem de par ses politiques néolibérales très éloignées de l'intérêt général a, en sus, confisqué et privatisé non seulement la rente des hydrocarbures mais aussi tout le portefeuille industriel du secteur public algérien causant une destruction sociale et un appauvrissement accompagnés par l'évanescence de l'Etat social, les services publics et les garanties pour les travailleurs. Car ce sont les garanties qui nous maintiennent ensemble comme société. L'Etat ne peut-être qu'accepté ou rejeté comme un tout. Ce qui empêche de l'aborder comme un terrain où s'exprime la dispute (le) politique et où se joue l'équilibre des forces, un équilibre mouvant, qui se nourrit des institutions, mais qui est aussi un champ de lutte, un champ ouvert, spécialement dans les époques de tempêtes, où il est difficile de faire appliquer les commandements venus d'en haut. (Voir aussi l'ouvrage fondamental de Georg Lukacs, Histoire et Conscience de classe, 1922, édition de minuit, p.384, 1960). L'Etat n'est pas une institution neutre, qui ne requiert aucune modification, l'Etat est une forme de domination qu'il faut conquérir pour asseoir la volonté populaire. C'est un champ de lutte où il faut s'engager pour le transformer profondément et le mettre au service du peuple et XXXnon de la caste ou l'oligarchie. Ce manque de compréhension de la nature de l'Etat est à l'origine des errements des « forces métapolitiques » et de leurs diverses composantes en Algérie, c'est ce qui les éloigne des phénomènes de la représentation et du leadership. Face aux avancées de la souveraineté populaire, toute institution, du seul fait de son existence, même si elle ne répond pas aux besoins des habitants ou si elle est peu démocratique, est toujours préférable à l'irruption du peuple, capable de devenir constituant et Ochlocratique et dans ce cas précis les institutions ne représentent pas des tranchées face aux masses. Un régime qui veut assurer sa pérennité doit créer des institutions vigoureuses et un équilibre où les pouvoirs doivent rendre compte de leur action dans la sphère pluraliste et non au service de l'Oligarchie et de la Caste. Tel est le défi des processus les plus avancés de la réforme de l'Etat. C'est un champ de lutte où il faut s'engager pour le transformer profondément et le mettre au service des forces populaires. Ce manque de compréhension de la nature de l'Etat est à l'origine des erreurs et de la dérive métapolitique du personnel électoral algérien dont l'indigence et le très faible potentiel de connaissances politiques sont criants. Le dépérissement de l'Etat dans les sociétés occidentales face à la crise de la valeur et la financiarisation du monde capitaliste euro-atlantiste- l'incapacité du capitalisme d'accumuler des capitaux par l'économie réelle de production pour renouveler les moyens et les équipements de production ? conjuguée à l'accentuation de la financiarisation néolibérale, où l'économie capitaliste ne peut survivre que grâce à la rente financière, le gouvernement des lois est de plus en plus remplacé progressivement par le gouvernement des hommes selon des « règles » et ce face au recul drastique du droit positif écrit, interne et international. Les sociétés occidentales avec la poussée néolibérale et la financiarisation de l'économie sont confrontées, depuis plus de 04 décennies, à la disparition du gouvernement des lois avec pour corollaire directe, la soumission totale du judiciaire à l'exécutif. A la lecture des dizaines d'arrêts des conseils d'Etat, de la Cour de Justice Européenne ou de la Cour Européenne des droits de l'homme (à juge unique !), que nous avons passé en revue, le constat est accablant , nous assistons en grandeur nature à la disparition du Droit dorénavant soumis à l'arbitraire absolu des juges, tributaires de leur asservissement au Capital (les financiers) et à l'Exécutif (celui-ci est aux ordres de l'oligarchie financière). La Démocratie libérale étant constitutive au Capital, le Droit devient un instrument de pouvoir au service de la caste. Les juges plus particulièrement en France, sous les injonctions de l'exécutif et de la finance, tordent le Droit, ne remplissent plus leur office de Dire et Lire le Droit, devenus courtisans, préoccupés que par leurs vices, carrières et promotions. Des décombres anciens où jadis régnait la loi, va surgir et réapparaître ainsi le gouvernement des hommes et de sa première manifestation que sont les réseaux d'allégeance dont les filières remontent jusqu'au Financial District de New York et à la Cité Financière de Londres. Le bannissement des catégories politiques (au sens le politique) et le basculement vers les catégories proto-fascistes. Lorsque la relation ami/ennemi n'est plus cantonnée aux frontières et se transporte à l'intérieur d'un Etat, cette négation existentielle ne vise plus l'étranger, mais des groupes de concitoyens, identifiés en raison de leur classe, leur race, leur ethnie, leur religion, leur confession, leurs nationalités (migrants) ou leurs opinions. L'ombre de la guerre civile s'étend alors à l'intérieur de la société. Cette dernière est menacée de dislocation et son sort dépendra d'un chef fort qui incarne la nation, celui qui saura imposer sa volonté en cette circonstance décisive, soit qu'il ressoude la société en désignant un ennemi extérieur, soit qu'il désigne officiellement l'ennemi intérieur et réussisse à l'éliminer. Et dans ce cas, les remarquables travaux de feu Ernesto Laclau et Chantal Mouffe (Hégémonie et stratégie socialiste vers une radicalisation de la démocratie, Paris, Fayard, 2019, traduit de l'anglais) complétés par un second ouvrage (La raison populiste, op.cité), nous éclairent en mieux et démontrent que nous sommes menacés et exposés à subir de nouveaux antagonismes métapolitiques proto-fascistes qui n'ont rien à voir avec (le) politique. Les catégories proto-fascistes sont : Bien/Mal, Race 1/Race 2, Religion 1/ Religion 2, Confession 1/ Confession 2, Ethnie 1/ Ethnie 2, Nationaux/Migrants etc.). Les catégories politiques sont : Ami/Ennemi, Dominants/ Dominés, Caste/Peuple, Oligarchie/ Population, Privilégiés/Défavorisés etc. Les catégories politiques disparaissent du champ de la confrontation du (le) politique au profit des catégories proto-fascistes. Le populisme en Algérie est utilisé pour dénigrer l'adversaire. Nous relevons au niveau des plateaux de TV l'intervention grotesque et démagogique des intellectomanes organiques pour exciter les basses passions des gens car n'ayons guère de formation et disposés à accepter des propositions irresponsables en un moment de désespoir et frustration. Dans ces conditions je me pose la question (par dérision évidemment !) s'il ne faut pas revenir au suffrage censitaire aristocratique, une crainte qu'ont les conservateurs, liée au caractère tumultueux de la « plèbe », toujours suspecte d'instincts animaux ou infantiles, manipulable, notamment dans les mondes arabe et africain. Il faut reconnaître que ce sont les masses qui ont ces basses passions exaltées par des démagogues puissants sur les champs ethniques, religieux et confessionnels (ces dernières décennies la bondieuserie religieuse s'est propagée et diffusée de façon foudroyante, démesurée, massive et alarmante dans le sens commun en Algérie. Profitant du vide culturel abyssale généralisé, un nouvel ordre à vocation hégémonique religieux tyrannique s'est installé et a inondé toutes les structures du quotidien notamment dans le champ social et politique jusqu'à l'irruption de dizaines de narratifs religieux en contradiction les uns aux autres. Ces narratifs autocratiques et largement contestables, sans fondements linguistiques et sans valeurs exégétiques, débouchent tous vers les pires hérésies diamétralement opposées aux réels commandements du Saint-Coran. A ce titre Mohamed Shahrour propose qu'il faut faire table rase de la tradition religieuse du corpus exégétique, théologique et juridique archaïque qui a perduré durant 14 siècles, basée sur des paradigmes erronés que sont l'analogie (El Mîkyâs), la synonymie (les occurrences ou tarâdûf) et une incalculable profusion d'interdits sacrés (le harâm) alors que Dieu les a limités au chiffre 14. Toute la pensée de Shahrour est animée par un postulat fondamental : le Saint Coran s'explique par lui-même, donc il faut bien le lire de façon systémique : la sémantique de la langue arabe telle qu'usitée à l'époque du prophète (SSLT) à La Mecque et à Medine, grammaticale, conjugaison, historique (les autres religions du Livre), archéologique, philosophique, anthropologique etc. Pour Shahrour il faut faire renaître le geste primordial qui a présidé à la naissance de l'Islam. Ce sont les exégèses scientifiques et linguistiques qui tiennent compte de la connaissance scientifique contemporaine absente du temps du prophète (SSLT) que prône Mohamed Shahrour. La science contemporaine illuminera en mieux notre champ de connaissance sur le message Coranique. Ce qui va nous permettre d'élargir notre compréhension par l'ouverture de nombreuses pistes pour le renouvellement de la pensée et la loi musulmane afin de nous éloigner des lectures scripturales entachées de fautes et des pratiques anachroniques qui relèvent plus de l'usage, des mœurs, des rituels, de l'habitus et des conduites sociétales que du Saint Coran, à l'origine de la stagnation du monde arabo-musulman. Voir l'excellent ouvrage (al-Kitâb wa l-qur'ân, de Mohamed Shahrour, 6e édition, Damas, al-ahâli li l-tibâ wa l-nashr wa l-tawzi'). La destruction du (le) ?'politique'' par le champ de la piété religieuse bigotique et bondieuse, dévitalise les volontés collectives, et, le conflit politique est annihilé au profit de la morale, du bien et du mal, le licite et l'illicite, etc. et de là nous basculons progressivement vers le proto-fascisme. Pourquoi nous basculons vers les catégories proto-fascistes ? Il faut savoir que les positions politiques ne sont pas données, que les identités politiques ne sont pas stables, que ce n'est en rien naturel que les gens s'identifient aux catégories proto-fascistes. C'est à ce moment historique précis que se produit une confiscation de la « démocratie libérale » par l'oligarchie qui sait utiliser par tromperie et à dessein la religion. La catégorie politique Citoyens/Privilégiés ou Citoyens/Caste est masquée et devient invisible, à ce moment, l'élite « politique » ?est réellement métapolitique? est discréditée et prouve son incapacité d'être séparée des citoyens. Il faut construire un peuple par l'articulation d'une diversité de demandes hétérogènes qui ne sont pas forcément convergentes, mais peuvent aussi entrer en conflit les unes contre les autres. Pour rétablir cette frontière de lutte antagonique entre le peuple et l'oligarchie, il faut construire une volonté collective et progressiste citoyenne qui puisse affronter les nouvelles formes d'oligarchies produites par le néolibéralisme obscènement pseudo-religieux en Algérie ou la bondieuserie religieuse sévit dans tout le champ social (qui n'a rien à voir avec l'Islam). Il faut une population de gauche qui à travers ses diverses luttes qui se déroulent dans le champ social puisse arriver à l'articuler dans le champ électoral. Il faut articuler la multiplicité des luttes hétérogènes populaires en une volonté collective, en un « peuple», ainsi que la nécessité de s'impliquer dans les institutions pour arriver à établir une nouvelle hégémonie. Pour établir une véritable volonté collective à vocation hégémonique, il faut transformer les identités de ceux qui vont entrer dans la chaîne d'équivalences (au sens mathématique du terme, théorie des graphes), créer de nouvelles subjectivités. C'est un processus complexe de travail militant inlassable de terrain qui peut avoir à passer par plusieurs étapes durant plusieurs années. Un pas important est de définir « l'ennemi » ou « l'adversaire » commun, un « eux » qui assure l'unité du « nous », mais ce n'est pas suffisant dans une perspective hégémonique. Sans être naïf, de façon implacable et dialectique, à la lumière de la stratégie révolutionnaire, l'histoire nous montre, une fois « l'ennemi » vaincu, la bataille s'engage entre les groupes qui s'étaient unis et ligués contre lui (voir la lutte des clans post indépendance en Algérie qui ont pourtant participé tous à la lutte de Libération nationale). Evidemment nous sommes devant une lutte ami/ennemi, pour qu'elle réussisse, elle ne doit pas se borner à faire tomber de façon éphémère un gouvernement, mais qu'elle établisse une nouvelle hégémonie, il est nécessaire de construire une véritable volonté collective, et cela requiert ce que Gramsci appelle une réforme intellectuelle et morale, ce qui signifie, pour lui, une transformation hégémonique profonde du sens commun et des formes de subjectivité. C'est de cette manière seulement qu'on peut établir solidement les chaînes d'équivalences ?au sens mathématique du terme? entre demandes hétérogènes. Nous avons suffisamment avancé étant donné que nous sommes à la première étape, celle où les différents mouvements de volonté collectives ont en commun, le rejet de la « caste » et des « oligarques. Et c'est grâce à Tebboune et Aoun, tous les deux armés d'un gigantesque courage et volonté politique ont su et ont pu donner le coup d'envoi de façon concrète. PS / La diplomatie algérienne à ses débuts révolutionnaires et héroïques, savait distinguer les amis de ses ennemis, du temps de nos deux premiers pionniers diplomates de haut rang et chefs de file qu'étaient Saad Dahlab (1918-2000) à l'intelligence fine, divine, vive et à l'écrit acéré, et, Abdelkader Chanderli (1915-1993) grand reporter de presse en Chine dans les années 40 du siècle passé, de classe mondiale, possédait le carnet d'adresses universel le plus riche et le plus complet qui soit qu'aucun de nos diplomates n'a su égaler de nos jours, ainsi les parcours de ces deux grands diplomates révolutionnaires se confondaient avec l'âge d'or de notre diplomatie. Le leadership de cette période faste et révolutionnaire sera vite supplantée par un tout un fatras d'activistes, d'opportunistes (Bouteflika) et de carriéristes qui émargent au râtelier des forces occultes, et où succédera la diplomatie spectacle, le culte de l'ambigüité, du flou artistique et des convulsions sémantiques qu'ils assimilent faussement à la « haute diplomatie ». Cette absence de distinction entre l'ami et l'ennemi, c'est-à-dire de cette incapacité de trancher et de choisir son ami stratégique a débouché sur un détournement de la véritable mission de la diplomatie algérienne et de notre politique étrangère. Une diplomatie dévitalisée qui a disparu de la scène internationale et a perdu de sa verve révolutionnaire passée, devenue molle, sans âme et sans perspective. De ce faite, notre politique étrangère va perdre son caractère révolutionnaire, sera récupérée, prisonnière et sous l'emprise des fourches caudines et de l'humeur d'un clan logé dans une autre organisation de l'Etat, lourde machine bureaucratique connue par sa propension à cultiver les intrigues, la paranoïa, les errements, les atermoiements, les louvoiements et les acrobaties stériles au lieu de prendre de réelles positions. Le combat sera abandonné au détriment des fondements de notre doctrine révolutionnaire, valeurs pourtant puisées et sédimentées fortement sur le terrain du combat et du feu durant notre lutte de Libération nationale. Le courage politique et le militantisme révolutionnaire vont disparaître au profit des intérêts personnels entretenus et cristallisés par les affaires, la corruption et la très haute trahison. Cette haute trahison est à l'origine du net recul de la diplomatie algérienne durant ces 04 dernières décennies. Où le faux mythe de la peur a été vite diffusé et sera inspiré de la politique de la stratégie du choc (Naomi Klein), consistant à terroriser massivement nos responsables allant jusqu'à fustiger et stigmatiser tout récalcitrant opposé à la fausse assertion que l'Algérie à défaut de se plier aux règles impérialistes du libéralisme sauvage risque d'être bombardée par les Américains si notre pays agira comme rempart et entrave à l'ordre nouveau qui était celui de capitalisme du désastre ! Souvenons nous des menaces de Dani Rodrick économiste à la Banque mondiale quand il a présenté le programme d'ajustement structurel qui n'avait aucun effet direct sur la stabilité économique de notre pays « vendez votre pays à la pièce à défaut nous vous bombarderons ». Prime scélérate conséquence, notre diplomatie a vite cédé au chantage américain en faisant d'horripilantes concessions en allant jusqu'à renier nos principes. Ces deux organisations de l'Etat, face à l'ampleur de leurs désastreuses concessions faites à nos ennemis impérialistes ? par faiblesse, corruption et impéritie? ont verrouillé toutes les actions naturelles de notre politique étrangère, refusent de se déterminer explicitement pour distinguer clairement l'Ami de l'Ennemi, préférant chavirer progressivement en tombant et en tournoyant de Charybde en Scylla, en allant jusqu'à prendre le risque d'être confronté à l'immense danger de perdre tous nos amis. *Dr en Physique et DEA en économie. |