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A la veille de chaque mois
de Ramadhan, les Algériens assistent, comme à l'accoutumée, à une importante
flambée des prix des produits alimentaires de large consommation. La fièvre des
prix est ressentie de manière tout particulièrement forte sur une denrée
alimentaire qui est indispensable pour la préparation de la reine de la table
durant le mois sacré, à savoir la « chorba », « h'rira
» ou « jari », selon les différentes régions du pays.
Il s'agit bien entendu de la viande, source principale de protéines qui sont,
soit dit en passant, indispensables à l'organisme, notamment après une journée
de jeûne. En effet, qu'elles soient rouges ou blanches, les viandes sont les
aliments qui font saigner le plus, voire à blanc, le citoyen durant le mois de
piété, bien que les pouvoirs publics aient toujours anticipé à ce problème,
récurrent, pour atténuer un tant soit peu la tension sur cette chère denrée, en
recourant notamment à des importations lesquelles, faut-il le signaler, pèsent
lourd sur le trésor de l'Etat, mais aussi, à l'échelle locale, aux marchés de
solidarité : Souks « Errahma ».
A cet égard, bien qu'une partie de la présente analyse ait déjà fait l'objet d'une publication (El Watan du 15/06/2015)1, essayons, donc, cette fois-ci, de faire un diagnostic profond de l'origine de cette infortune qui n'a que trop duré, afin de dégager des solutions qui peuvent être opportunes, pratiques et viables surtout, en mettant de côté l'interventionnisme des pouvoirs publics, devenu une tradition à la veille de chaque mois de Ramadhan et, qui a pour but de juguler le dérèglement du marché des viandes et la maîtrise de la mercuriale qui sont généralement observés durant cette période. Et là, il ne s'agit pas d'aborder le problème de la cherté de la viande sous un angle technique, soit les dysfonctionnements liés au système national des productions animales et aux gains de productivité en élevage d'animaux de boucherie, puisque les spécialistes en zootechnie et les experts en économie agricole et rurale sont plus aguerris dans ce champ. Il s'agit plutôt d'une approche qui tient compte des habitudes et des modes alimentaires des Algériens et qui fait, donc, appel aux spécialistes la sociologie de l'alimentation, que nous questionnons. Plus précisément ceux qui s'intéressent à la structure socio-gastronomique pour, d'abord, comprendre certains faits sociaux en termes de consommation carnée, en se focalisant sur la denrée elle-même (et ses origines) et identifier, par la suite, les différents freins à de nouveaux modèles de consommation et de pratiques culinaires. Car les discours qui reviennent à la veille de chaque mois de Ramadhan avec, comme d'habitude, le sempiternel argument de la loi de « l'offre et de la demande » ne semblent plus convaincre les citoyens, même si, faut-il l'admettre, il s'agit du principe qui régit toutes les économies du monde, de même que l'ensemble des secteurs productifs dans leur volet commercial. Ovin-bovin et poulet-dinde : deux barrières aux autres types de viandes A cet effet, il faut convenir qu'en Algérie, les espèces pourvoyeuses de viandes rouges se limitent principalement aux ovins et aux bovins. Ces derniers fournissent, selon certaines statistiques, plus de 88% des viandes rouges consommées par les Algériens : 55% pour l'ovine et 34% pour la viande bovine, selon une étude internationale (K. Chikhi et A. Bencharif)2. Accessoirement, les caprins et les camelins en produisent 10% de l'ensemble des viandes rouges. La viande de ces deux espèces animales est consommée particulièrement au Sud du pays, avec un léger avantage pour la caprine qui est autant prisée dans les régions rurales du Nord du pays. Les autres types de viandes rouges, à savoir la chevaline et celle du lapin ne représentent que 2%, tout au plus, de l'ensemble des viandes rouges consommées par les Algériens. Concernant les viandes blanches, réputées partout dans le monde comme étant moins chères que les rouges, en plus d'être les plus dégluties, la consommation de l'Algérien se limite au poulet et, plus récemment, à la dinde. Une volaille dont la chair, l'escalope surtout, s'est démocratisée dans les années 1990. Ces deux types de viandes, représentent aujourd'hui la principale source de protéines (animales) pour le consommateur algérien, outre les œufs (l'autre produit de l'aviculture), alors que les besoins protéiques de la population étaient, jusqu'aux années 2000, comblés par les viandes rouges. Il faut dire que sous d'autres cieux, l'aviculture englobe également d'autres espèces, notamment celles issues de la basse-cour et/ou de l'élevage fermier, comme le canard, l'oie et surtout la pintade et la caille dont les élevages, la méléagriculture et la coturniculture, tendent à s'industrialiser. Malheureusement, en Algérie, l'élevage de ce type de volatiles et la consommation de leurs viandes, qui fournissent de véritables délices gastronomiques, tels que le magret de « canard » et les cuisses de « pintade », demeurent insignifiants, alors qu'ils devraient, en principe, bousculer le poulet et faire basculer la filière avicole vers le haut, du moins dans les régions rurales pour atténuer quelque peu les pressions sur le marché des viandes de volaille en milieux urbains. Enfin, une autre forme de cette limitation, bien qu'elle soit faible et moins évidente mais, jadis, présente même dans les zones périurbaines, est la viande noire, représentée par le gibier (à plumes et à poils). Une viande presque méconnue en Algérie, laquelle, faute de statistiques exhaustives sur sa prise, ne fait que compliquer la donne. Par conséquence, en l'absence de toute autre diversification de la consommation des viandes, d'aucuns, parmi les spécialistes du réseau agroalimentaire, diront qu'il est tout à fait normal que les prix des viandes et de la volaille soient chers et plus encore s'envolent de façon cyclique à l'approche de chaque mois de Ramadhan, puisque le marché de celles-ci dépend essentiellement de deux paires d'espèces animales, en l'occurrence l'ovine-bovine et le poulet-dinde. De ce fait, sans vouloir chercher à trouver la bonne échappatoire pour les tenants des filières "viandes et volailles" et ceux qui ont le pouvoir de décision, peut-on dire que l'origine de cette flambée des prix ne dépend pas de leur seul domaine de compétences et de gouvernance ? Autrement dit, ne sommes-nous pas tous, en tant que consommateurs, responsables de cette situation qui nourrit, avant tout, les tensions inflationnistes et creuse, par ailleurs, les disparités entre les différentes couches sociales d'accès à la viande ? La question reste posée, dans la mesure où, d'une part, partout ailleurs dans le monde de nouvelles viandes sont intégrées dans l'assiette des consommateurs et, d'autre part, la quasi-majorité des Algériens ne se nourrit presque d'aucune autre variété de viande issue des autres espèces animales. C'est peut-être là où se situe, en partie, la surhausse des prix de la viande qui est généralement observée durant le Ramadhan. Un mois de grandes dépenses ou également, la consommation alimentaire bat son plein. D'autant plus que l'autre alternative en matière d'alimentation carnée, à savoir le poisson et les produits de la pêche, n'offre pas de choix aux Algériens, puisque le prix de ces derniers deviennent carrément inabordables, en témoigne la sardine, considérée autrefois comme poisson du pauvre, qui a dépassé, dans les villes côtières même, le prix vertigineux de 800 DA/kg. Et là, la cherté de la viande (et du poisson) est estimée sur la base des prix qui sont pratiqués dans d'autres pays, par rapport au niveau de vie de leur population mais aussi, par rapport aux pays qui ont le même PIB par habitant que l'Algérie. Car s'il est vrai que dans tous les pays du monde, la viande reste l'aliment le plus cher, la baisse du pouvoir d'achat des ménages algériens couplée à la baisse de la valeur du dinar sont, en revanche, autant de facteurs qui font que la viande soit « plus » chère en Algérie et, donc, difficilement accessible pour une frange de la société. Viandes exotiques: de la consommation "exceptionnelle" à la production "industrielle" Pendant ce temps, l'exploitation de la faune aux fins de boucherie ne cesse d'augmenter dans le monde et à l'échelle de l'industrie animale moderne, en portant le choix sur des espèces animales via l'identification des lignées performantes et par sélection des races rustiques dont les caractéristiques s'adaptent à l'environnement local. Cela a permis à plusieurs pays, développés pour la plupart, de légaliser certaines viandes provenant des espèces animales dites non conventionnelles ou réputées comme non domestiques ; en excluant, bien entendu, les espèces autres que les herbivores et/ou les granivores ou encore les espèces inhabituelles dont la viande (ou chair) à un caractère dégoûtant et avilissant, comme la viande asine. En fait, cette nouvelle tendance a permis aux populations de ces pays de passer d'une consommation « exotique » réglementée vers une production « industrielle » légale. Pour parvenir à un tel résultat, ils se basent, par sondage, sur l'indice de comestibilité de ces nouvelles viandes par leurs consommateurs ainsi que sur l'acceptabilité (alimentaire) de l'espèce pourvoyeuse. Soit, en plus clair, un assentiment populaire. L'exemple le plus édifiant est celui des pays de l'Europe septentrionale où le filet de renne enregistre un taux de pénétration appréciable dans la filière des viandes, s'imposant ainsi dans les rayons boucherie de leurs hypermarchés. De même qu'aux Etats-Unis, à la faveur du développement de l'élevage bovo-bubalin, l'entrecôte de bison et le steak de « buffle » (Buffalo steak) arrivent à rivaliser avec le gigot du chevreau du « Tennessee », appelé le « woodeen leg » dont la viande, très appréciée par la lignée des Cherokees, a eu une réputation qui s'est étendue au-delà de cet État du Sud des États-Unis, pour se répandre dans tout le continent nord-américain. La faune marine est également de plus en plus exploitée. En effet, entre le vieux et le nouveau continent, la viande de baleine vient de classer les Islandais au premier rang mondial de la consommation carnée. Grâce à cette « nouvelle » consommation, qui est venu s'ajouter au jambon et au rumsteck, très consommés dans ce pays insulaire, les descendants des Vikings ont amélioré le rang de l'humain sur le plan du niveau trophique (classement des espèces vivantes dans la chaine alimentaire) et devancé, par la même, les Américains, grands friands de viandes, et les Japonais, fins gourmets de poissons. A l'autre bout de la planète, en Australie, la commercialisation de viande de kangourou a été autorisée en 2010 après des années de polémiques et depuis, 15% des Australiens affirment avoir mangé du filet de kangourou, au moins quatre fois dans l'année. L'Afrique ne déroge pas à la règle, puisque la viande de brousse, issue des immenses troupeaux de gnous et d'antilopes, des animaux herbivores ruminants, est désormais autorisée à la consommation humaine dans certains pays du bassin du Congo, sous conditions sanitaires et ceux du parc, faudra-il le préciser. Par ailleurs, il est judicieux de signaler que si, dans les pays avancés, il y a une attitude désinvolte dans les pratiques alimentaires selon la règle "à chacun la consommation qui lui échoit", les médias audiovisuels jouent, pour leur part, un rôle non négligeable dans les interversions d'ordre alimentaires. Ainsi, à travers la multiplication des chaines de télévision dédiées spécialement à la gastronomie et l'intensification des reportages socio-culinaires et autres émissions sur l'art culinaire, animées par des spécialistes en journalisme culinaire et de grands chefs cuisiniers, ils concourent, dans un élan à la fois éducatif et économique, à l'intégration des nouvelles viandes (et autres denrées alimentaires) au sein de leurs sociétés. Sachant aussi que dans ces pays, il y a dans la consommation des viandes une dimension culturelle et cultuelle, au grand dam des adeptes du végétalisme et du végétarisme. Mais, au-delà de l'art de « faire bonne chère » que ces médias présentent à leurs publics, ce sont avant tout les responsables de leurs instances gouvernementales et de régulation qui trouvent leurs comptes dans cette diversité, puisque ces « nouvelles » viandes sont considérées comme une alternative « inouïe » aux traditionnelles viandes rouges (bovines, ovines et porcines), particulièrement lors des contraintes d'ordre commerciales et les situations de crises sanitaires, comme l'épisode de la vache folle, ou encore lors de certains scandales qui font suite à de grandes fraudes alimentaires, à l'image de celui de la viande de cheval estampillée pur bœuf qui a ébranlé toute l'Europe, en 2013. Le prix et les disparités de la consommation carnée Sur un autre registre, dans son rapport sur la consommation de toutes sortes de protéines, l'organisation mondiale pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) prévoit que, d'ici 2050, il y aura une augmentation de la consommation de viande de l'ordre de 73% dans le monde. L'organisation intergouvernementale ajoute que cette croissance variera sous l'influence des religions avec notamment, de grandes disparités dans l'alimentation carnée entre les pays en plein essor et les pays pauvres. Effectivement, les chiffres relevés ces cinq dernières années, à l'échelle des continents, démontrent qu'avec une production mondiale de viandes qui tourne autour des 350 millions de tonnes/an, la consommation carnée annuelle dans le monde a enregistré de grandes variations entre les continents mais également entre pays du même continent, où de grandes disparités sont constatées. Selon différentes statistiques internationales, le continent le plus peuplée, l'Asie, consomme presque la moitié de la production mondiale, soit 45%, avec, bien évidemment, la Chine qui se taille la part du lion. Les Amériques, avec 25%, viennent en seconde position dont trois pays (USA, Brésil et Argentine) se partagent, à eux seuls, 15% du taux continental. Le continent américain devance l'Europe qui, elle, absorbe 20% de la production mondiale. Quant à l'Afrique, continent qui compte les plus grandes ressources animales du monde, ses habitants ne consomment que 8% de la production mondiale de viandes. Enfin, avec un taux de 2% seulement, l'Océanie clôt le classement de la consommation mondiale de viandes. En revanche, cette partie du globe est aux premières loges de la consommation mondiale de poissons, ce qui permet aux différentes populations du Pacifique et de la Mélanésie de combler leur déficit en viandes. A propos de ces disparités, il convient de préciser que, mis à part les pays musulmans, partout ailleurs dans le monde, la viande de porc dont l'espèce est très prolifique, offre un choix à plusieurs communautés. Cela se répercute, au final, sur la triade « espèce-prix-qualité ». Néanmoins, la consommation de viande porcine étant « strictement » interdite par l'Islam (haram), plusieurs pays musulmans ont opté pour le développement de l'espèce la plus commune parmi leurs ressources animales. Pour ce faire, ils ont adapté leur système de productions animales selon des critères techniques, géographiques et climatiques, mais aussi ethniques, cultuels, culturels voire même historiques. C'est le cas de l'Iran qui demeure, depuis l'empire Perse, le premier pays consommateur de viande caprine au monde, devançant la Grèce et le Mexique. Deux pays pourtant non concernés par la barrière porcine. L'Egypte a développé, pour sa part, une véritable industrie avicole aux abords du Nil (la 1ere en Afrique et dans le monde arabe). De même, l'Indonésie, pays musulman le plus peuplé, a su tirer profit de ses îles et côtes océaniques, très poissonneuses, afin de contrecarrer son déficit en pâturages de plaines qui entrave la production de bétail. Ainsi donc, grâce à une structuration intelligente de leurs différents élevages qui tient compte, en tout premier lieu, du potentiel des ressources animales disponibles, et en adaptant ces dernières à leurs propres paramètres, ces pays musulmans qui sont, par-dessus tout, à très forte croissance démographique, ont réussi un grand pari : celui de garantir à leurs différentes couches sociales une équité dans l'accès à l'alimentation carnée et à la nutrition protéique. Consommation des nouvelles viandes : la socio-gastronomie pour booster l'agro-industrie et l'agro-production Pour revenir à la consommation carnée dans le pays, il importe de relever que, si la majorité des Algériens sont contraints de se rabattre sur les viandes blanches durant toute l'année, ceci au vu de leurs prix qui sont plus accessibles et pour certains, suite à des recommandations d'ordre médical, les viandes rouges sont, malgré leurs prix, incontournables durant le mois de Ramadhan, eu égard à leurs nombreux attributs, entre autres, à leur caractère hédoniste. Or, la production nationale en viandes rouges tourne autour de 650 000 tonnes/an, alors qu'en matière de consommation, certains experts estiment que les besoins annuels des Algériens seraient de l'ordre de 1,2 million de tonnes/an. En d'autres termes, sommes-nous encore tentés de dire que l'Etat a raison d'autoriser des opérateurs à importer les viandes rouges, en interdisant les congelées, faut-il le signaler, ceci afin de couvrir les besoins « restants » de la population en cette denrée. Par conséquence, il faut reconnaître que ni les longs parcours steppiques du pays, ni la diversité des races animales dont dispose le pays, ovines en particulier, n'ont réussi à produire le cheptel requis à une production bouchère suffisante qui impacterait directement les prix des viandes, aussi bien à l'abattoir qu'au niveau des étals. En réalité, dans un pays comme l'Algérie où les traditions pastorales sont bien ancrées, le cheptel national ovin n'a pas été, jusque-là, d'un grand secours pour la filière. Cela, même si les statistiques montrent que le nombre de têtes, estimées actuellement à 28 millions, a enregistré une croissance ces dix dernières années. Car, ce qu'il faut savoir, c'est que 60% de cet effectif est constitué de femelles que la loi sur la santé animale interdit l'exploitation à des fins de boucherie et que, par ailleurs, la conscientisation collective en milieux ruraux et pastoraux ne conçoit pas l'abattage de la femelle, sauf dans certains cas extrêmes. Par conséquent, avec un nombre d'ovins potentiellement exploitable (aussi bien pour le Ramadhan que pour l'Aïd El Adha et le reste de l'année) qui ne dépasse guère les 12 millions de têtes, cela expliquerait les raisons qui font que le prix de la viande ovine dépasse aujourd'hui la barre de 1500 DA/kg dans les étals des boucheries, autres que celles des marchés Errahma. Surtout que le faible cheptel bovin viandeux (de boucherie), estimé à environ 1 million de têtes, n'est pas d'un grand salut pour les ménages et que, par rapport au reste, la filière avicole n'est pas suffisamment structurée et relève, d'après plusieurs experts, à hauteur de 60%, de l'informel ! Au vu de toutes ces distorsions sociales (et économiques) qui concourent à la cherté de la viande en Algérie, il serait intéressant de savoir comment la dinde a fini par titiller les papilles de l'Algérien, à tel point que les rôtissoires à "Chawarma" ont aujourd'hui envahi presque toutes les ruelles de nos villes et villages. Alors qu'avant les années 1990, elle était boudée par une grande majorité d'Algériens, pour des considérations vraisemblablement d'ordre socioreligieuse, puisque la viande de cette volaille appelée « Dik Erroumi » en arabe, était perçue comme étant celle des fêtes chrétiennes et des... colons ! Pourquoi n'en serait-il pas ainsi avec les viandes issues des autres espèces bouchères, comme le caprin ? Le chevreau (J'dey) plus précisément, dont l'espèce, domestique et tout autant propre et surtout licite dans l'Islam, fait partie de nos ressources animales et qui, de surcroit, fournit une viande aux propriétés nutritionnelles indéniables avec moins d'hypercholestérolémie : un facteur de risque cardio-vasculaire majeur qui pose ces dernières années un problème de santé publique. Surtout que l'Algérie dispose d'un grand effectif de caprins, estimé à 5 millions de têtes (7ème au monde) et qui compte, outre cela, une race caprine à viande qui pourrait constituer une bonne option pour substituer la viande ovine dont l'espèce est soumise à rude épreuve. Que faut-il donc faire pour inciter les Algériens à changer leurs modes de consommation et à faire évoluer leurs pratiques culinaires, héritées depuis des lustres ? Autant de questions pour les spécialistes en sociologie. A l'inverse, il serait intéressant de comprendre pourquoi le lapin, qui était bien apprécié en ville, ne donne plus l'eau à la bouche, même dans les zones bucoliques. Que dire alors de l'autruche, une « volaille à viande rouge » dont le poids net équivaut à 3 carcasses d'agneau et qui fournit une viande plus tendre que celle du bœuf et de la dinde ? Pour rappel, l'autruche est une espèce autochtone dont plusieurs régions du pays portent son nom, à l'image de Bir-Nâam entre Biskra et Ouled-Djellal, Bordj Bounâama du côté de Tissemsilt, et plus vaste encore, le nom de toute une wilaya, Nâama, qui lui est dédié. Pourquoi n'en serait-t-il donc pas ainsi avec cette espèce comme cela a été le cas avec la dinde ou comme cela a tendance à se faire avec le camelin, ces derniers temps. Une espèce dont on vient, enfin, de redécouvrir les nombreuses vertus de sa viande et de la capacité bouchère de l'espèce, en dépit du fait que le cheptel ne dépasse pas 800 000 têtes. Il ne s'agit pas, ici, de marché de niche qui dissuaderait les capitaines de l'élevage industriel voire même de simples exploitants d'y investir, ni de la consommation en temps de crise qui rappelle, de manière allégorique, le proverbe qui dit « faute de grives, on mange des merles ». Dans les pays avancés, l'attitude prospective est également orientée vers des actions dans le domaine des productions animales, anticipant ainsi à une éventuelle insécurité alimentaire. L'aviculture moderne étant le fruit des progrès réalisés à la fois dans l'alimentation, les systèmes d'élevage, la protection sanitaire des animaux et la lutte contre les maladies, on pourrait, donc, réintroduire l'espèce dans le pays en implantant des autrucheries, suivant une démarche qui tiendrait compte des spécificités scientifiques, techniques et environnementales : l'autruche étant une espèce sauvage, son élevage requiert des conditions particulières, prédéfinies également par voie législative et règlementaire. Et dans ce cas, les Algériens pourront consommer autant de produits carnés qu'ils le voudraient, sachant que la consommation moyenne de viande rouge s'est améliorée dans le pays, puisqu'elle a atteint en 2017, selon des statistiques officielles3, 14,4 kg/an/habitant, soit, presque au même titre que celle de la viande de volaille qui, elle, tourne autour de 15 kg/an/habitant. A ce propos, il n'est pas sans rappeler certaines études qui indiquent que, pour maintenir l'organisme en bonne santé, un être humain doit consommer, selon son poids et son âge, entre 30 et 50 kg de viande/an, évitant ainsi la malnutrition qui est sous le seuil de 10 kg de viande/an. Alors que de nombreux spécialistes considèrent que la viande est certes très riche, mais en consommer trop est, au contraire, très néfaste tant pour la santé que pour l'environnement, vu que, pour la première, elles sont incriminées dans la prévalence des maladies chroniques et, pour le second, eu égard à l'importante quantité d'aliments nécessaire pour nourrir les animaux, sans compter l'effet de serre lors des phases de production des viandes. En fait, même si les Algériens, avec 30 kg/an et par habitant, se placent au troisième rang, en Afrique, en termes de consommation de toutes sortes de viandes (rouges, blanches et noires), il n'en demeure pas moins qu'ils restent très loin derrière l'Américain qui, lui, consomme plus de 90 kg annuellement et le Français qui en déglutit près de 80 kg/an. D'autant plus que la moitié de cette quantité, au demeurant non négligeable, est consommée durant deux périodes de l'année, à savoir le mois de Ramadhan et notamment la période de l'après-l?Aïd El-Adha pour les viandes rouges. D'où le « ressenti » du manque qui s'exprime en besoins, puisque 15 kg de viandes, tout au plus, sont consommées par l'Algérien, durant tout le reste de l'année ! Par ailleurs, et pour revenir au volet déjà évoqué plus haut, l'on se demande aussi pourquoi les animateurs des médias (et des réseaux sociaux), notamment les " Oum " untel qui ont acquis une grande réputation dans le domaine culinaire, ne s'intéressent-elles pas aux viandes, autres que celles issues des espèces traditionnelles ? Car, au-delà de l'art et des délices culinaires qu'elles nous présentent, entre « bourek » et « tadjine », il y a l'aspect relatif au changement des modèles de consommation (carnée surtout) et la diversification des pratiques alimentaires qu'il faudrait promotionner, en adaptant les différents types de viandes aux besoins des consommateurs Algériens, mais également au contexte local ; sachant que l'Algérie est très vaste et chaque région du pays penche vers un mode alimentaire particulier, en termes de carne. En somme, à l'heure de la mondialisation qui s'est versée même en gastronomie voire dans les cuisines, avec comme paradoxe l'uniformité des pratiques alimentaires, d'une part, et la diversification des sources d'aliments, d'autre part, cela nécessite des prises de décisions sur le plan socio-économique, en commençant par le marketing incitatif, afin de rendre les pôles agro-productif et agro-culinaire proactifs sur ces deux plans antinomiques. Surtout que les différents plans de relance, menés jusque-là dans la filière des viandes, n'ont pu assurer le steak de manière équitable à tous les Algériens, en dépit d'une génétique « animale » très riche et diversifiée dont dispose le pays et que, par ailleurs, manger de la viande à satiété procure autant de plaisir que nous en procure le... football ! *Docteur vétérinaire - Master en journalisme scientifique - Certificated on High Performance Attributes In Management Sources bibliographiques: 1- El Watan., Le quotidien indépendant. Consommation carnée, Entre l'escalade des prix et la barrière de l'espèce. S. Kebbab, Edit, 15/06/2015.p.18, p.VI. El Watan économie. N°7509, ISSN 1111-0333, Algérie 2- Chikhi K, Bencharif A. La consommation de produits carnés en méditerranée: quelles perspectives pour l'Algérie ?. In: Napoléone M. (ed), Ben Salem H.(ed), Boutonnet J.P. (ed), Lopez-Francos A. (ed), Gabina D. (ed). The value chains of Mediterranean sheep and goat products. Organisation of the industry, marketing strategies, feeding and production systems. Zaragoza: CIHEAM 2016.p.435-440 (Option Méditerranéennes: Série A. Séminaires Méditerranéens; n.115) . http:// om.ciheam.org/ article.php? IDPDF 00007311 3- https://www.aps.dz/economie/75838-viandes-rouges-une-production-nationale-de-plus-de-5-millions-de-quintaux-en-2017 |