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Bien-sûr
qu'un pays possédant et maîtrisant les technologies de l'information et de la
communication (TIC) serait mieux armé, en ces temps incertains et de crise
sanitaire d'une ampleur considérable.
Qui peut-être contre le recours aux TIC quand ils existent ? Qui peut dénier l'importance et l'intérêt de la recherche-développement ? Qui peut prétendre qu'un pays qui a un système éducatif et sanitaire performant n'est pas mieux à même de résister et de combattre ce fléau viral qu'est le COVID 19 ? Évidemment, si dans les pays en développement, et en Algérie en particulier, on pouvait mobiliser les réseaux Internet à très haut débit, les applications téléphoniques permettant le suivi en temps réel des porteurs de virus (attention à Big Brother!), les masques, les tests et les respirateurs en nombre suffisant, le gel hydroalcoolique à profusion, le paiement en ligne et sans contact par carte de crédit, les Instituts de recherche en virologie et infectiologie performants, des hôpitaux modernes dotés de matériels et équipements, à haute intensité technologique, avec un personnel qualifié et bien considéré équipé des dernières technologies, alors on est, à priori, parés pour lutter contre le virus et contre toutes les formes de maladies, quelle que soit leur origine. Cependant, les pays les plus développés, et à leur tête la première puissance mondiale, sont également profondément touchés par la crise sanitaire actuelle. Au demeurant, ils enregistrent le plus grand nombre de personnes infectées et de personnes décédées de la maladie générée par le COVID 19. Cette crise sanitaire a révélé et continue de révéler, au grand jour, les lacunes insoupçonnables de leur système productif et la face sombre de la mondialisation. Que penser du manque de masques, de matériels et de médicaments dans les pays les plus développés ? Cette crise révèle l'état du système sanitaire dans ces pays. Elle révèle aussi et surtout les limites de la marchandisation de la santé dans les pays développés. L'état de l'industrie pharmaceutique livrée aux laboratoires privés, la paupérisation des personnels soignants et l'injonction de rentabilité faite aux hôpitaux, sans oublier les délocalisations inconsidérées car répondant aux seules logiques économiques de profit, expliquent en grande partie le désarroi de ces pays développés où une conception foncièrement libérale de l'économie de la connaissance règne en maître. C?est hélas le triste résultat de la mondialisation « heureuse ». Les atermoiements des pays développés en matière de « stratégies » de lutte contre le virus sont dus, très souvent, à la relative disponibilité de moyens de résistance et de lutte contre la pandémie. Il est vrai que la communication officielle enveloppée et cautionnée par des Savants donne l'impression que la science est aux commandes, malgré ses nombreuses contradictions. Le scientisme environnant permet, à défaut de lutter bien en amont contre la survenance des catastrophes, de jeter un voile opaque sur les responsabilités des gouvernants et du système économique en laissant entrevoir un bel avenir à ce système. La situation extrêmement tendue que connaissent les pays développés, à cause de la crise sanitaire, doublée d'une crise économique montre, aussi, la crise d'un système économique libéral. Plus que jamais, le « grand retour de l'État1 » est réclamé. Plus de trois décennies en Europe d'Etat minimal au service d'une économie entièrement soumise aux lois du marché, l'Etat est mobilisé pour, non seulement lutter contre la pandémie mais aussi pour mettre en place des mécanismes de protection sociale renforcée pour amortir, autant que faire se peut, les conséquences économiques dramatiques sur les populations en particulier sur les plus démunies d'entre elles. Est-ce que cette crise sanitaire annonce-telle « la fin du capitalisme néolibéral » !2 Rien n'est moins sûr, elle risque au contraire d'affaiblir encore plus l'Etat surtout si elle s'éternise. Le système libéral, avec cet « État minimal » est devenu hégémonique, bien ancré dans une très grande partie de la planète. Les dégâts occasionnés à notre environnement et à la Nature résultent de la logique consumériste et productiviste qui domine un peu partout, et qui fait office de règle à suivre, si l'on veut prospérer et surtout si l'on veut se développer et donc s'insérer dans l'économie de la connaissance, nous dit-on. Cette économie de la connaissance dont on nous vante les mérites et qui est en œuvre dans les pays développés est celle où la marchandisation et la privation du Savoir et de la Connaissance vont croissants3. Le COVID 19 a révélé les limites et les contradictions de celle-ci, dans les pays les plus avancés où, étonnamment, on manque de simples masques, blouses, réactifs, médicaments et autres respirateurs. A moins d'adhérer au fétichisme de la marchandise, il est bon de rappeler que, par exemple, les TIC, pilier fondamental de cette économie de la connaissance, ne sont pas neutres. Ce ne sont pas de simples outils créés en dehors de tout contexte socio-économique. Le Savoir comme la Connaissance sont produits dans des contextes historiques, socialement et économiquement déterminés. De plus, l'exemple des pays développés montre bien que ce n'est pas l'économie de la connaissance qui permet le développement mais bien le développement qui crée cette économie de la connaissance. La faible insertion dans l'économie -libérale- de la connaissance, des pays en développement, en particulier l'Algérie, n'est pas due au hasard. Elle est le produit d'un système économique et politique fondé sur tout, sauf sur le Savoir et la Connaissance. Dans ce contexte, l'invitation à une meilleure insertion des pays en développement dans l'économie libérale de la connaissance est une imposture. En effet, elle repose sur une « fausse-bonne » idée qui laisse penser qu'on peut importer les modèles d'un pays à l'autre d'une part et d'autre part, que les TIC, la recherche-développement et les institutions permettant d'avoir un système national d'innovation performant, entre autres, sont des outils neutres que l'on peut créer et mobiliser indépendamment des conditions économiques, politiques et sociales. Au-delà, la crise multiforme que nous sommes en train de vivre est avant tout une crise d'un système libéral mondialisé, touchant aussi bien les pays développés que les pays en développement, et non une insuffisante insertion dans l'économie de la connaissance. Les leçons de la crise sanitaire dans les pays développés qui doivent être tirées par les pays en développement se résument en ceci : le système économique libéral ne peut être l'avenir des pays en développement ni même des pays développés. Leurs investissements dans les différents aspects de la Connaissance et du Savoir sont certes indispensables dans le cadre d'un système plus respectueux de l'Homme et de la Nature et où l'État a un rôle central. Dans ce cadre, alors oui, en effet, l'économie de la connaissance, redéfinie et réorientée, nous serait alors très utile pour combattre les fléaux et autres calamités en permettant, au plus grand nombre, d'accéder au savoir et à la connaissance sur des bases plus soucieuses de l'intérêt général, de l'équité et de la justice sociale. *Université de Lille Notes 1- « Le grand retour de l'Etat », P. Escande, Le Monde du 7 avril 2020 2- op. cit, P. Escande 3- « ... la Société du Savoir, généreuse utopie européenne a beaucoup changé lorsque cette société a été transformée entre « une économie de la connaissance » voulue la « plus compétitive au monde ». Il suffirait d'y ajouter la financiarisation à tous niveaux pour construire et devenir une « économie du savoir », voire une « économie fondée sur le savoir », P. Caspar. |