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Ces dernières années,
l'Afrique s'est battue contre ses maladies ravageuses ? Sida, tuberculose,
rougeole, paludisme. Elle comptait ses millions de morts emportés par les
épidémies du choléra et la méningite saisonnière. En 2008, le choléra a emporté
4 300 morts au Zimbabwe. En 2013, le virus Ebola a fait des ravages en Guinée,
au Libéria, en Sierra Léone, au Nigéria et au Sénégal. Le Sida fait toujours
des ravages en Afrique du Sud.
En dehors de l'OMS qui faisait ce qu'elle pouvait - et elle pouvait «peu», les puissances restaient dans l'indifférence. Le Conseil Mondial de suivi de la préparation aux pandémies continuait à alerter sur les risques à venir dans un monde mal préparé, mais ses signaux ne pouvaient atteindre le monde des Finances qui écartait toute peur sanitaire et bannissait tout scénario d'apocalypse. Des usines d'équipements sanitaires (masques, médicaments, respirateurs, ?) fermaient ou étaient délocalisées vers les pays asiatiques, en premier lieu vers la Chine pour permettre de dégager plus de marge. Les budgets des hôpitaux diminuaient d'année en année. La politique sanitaire passait au second plan. Ebola n'avait été pris au sérieux que lorsqu'il s'était attaqué aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et à l'Espagne. Les budgets avaient été immédiatement débloqués pour éradiquer ce virus. La recherche avait trouvé des moyens et les instruments de mesure et les outils de diagnostic ont été multipliés. Les mêmes moyens ont été dégagés quand, en 2002, le SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) avait attaqué la Province de Guangdong en Chine avant d'attaquer une trentaine de pays, faisant un millier de morts. Onze laboratoires, avec un maximum d'équipes de chercheurs de très haut niveau, avaient été mobilisés. L'identification du virus a été assez rapide (quelques mois contre plusieurs années pour le VIH, dans les années 1980). Le virus (Le SRAS, histoire d'un tueur en série écrivait déjà le journal ?Le Monde') avait été contrôlé en un temps record grâce, entre autres, aux moyens financiers mis en place et à la culture asiatique prônant la discipline et la protection de l'autre. La peur planétaire et l'emballement médiatique tombèrent rapidement. Probablement ce virus aurait vécu plus longtemps s'il était né en Afrique. Voilà, qu'en novembre 2019, apparut en Chine un nouveau virus, qui n'avait jamais été identifié chez l'être humain. Le oronavirus, baptisé Covid -19. Ce virus commença par faire des ravages dans la province du Hubei faisant de sa capitale Wuhan, le centre mondial de la pandémie pendant au moins deux mois. La Chine, source supposée de la pandémie, était pointée du doigt. Même si la majorité des Occidentaux était convaincue que ce virus était «apparu d'une manière naturelle» probablement via le pangolin ou la civette; une minorité, de tous bords, pensaient que le Coronavirus était fabriqué en laboratoire «intentionnellement ou accidentellement». Les adaptes des théories du complot multiplient leurs communications et les conspirationnistes s'en donnent à cœur joie. Mais la Chine est lointaine. L'émergence de cette maladie respiratoire humaine, hautement transmissible, et pour laquelle nous ne connaissons pas de contre mesures adéquates, n'inquiéta pas, dans un premier temps, les Occidentaux. Ils sous-estimaient l'ampleur et ils étaient loin de penser que ce virus allait déclencher une pandémie pour laquelle ils n'étaient pas préparés. Investissement ? Humanisme ? Diplomatie ? Le 19 février 2020 un Airbus A380 décolla de Paris à destination de Wuhan, œil du cyclone épidémique de ce virus. L'appareil acheminait vers la Chine 17 tonnes de matériel sanitaire offerts par la France. On y trouvait des masques chirurgicaux, des gants, des combinaisons, des thermomètres, du désinfectant. D'autres pays européens, dans le cadre d'opérations coordonnées par le mécanisme de protection civile de l'Union Européenne, venaient aussi soutenir les efforts des soignants chinois engagés en première ligne. Arrogance ? Inconscience ? Ignorance ? Ou simplement une exigence de compassion et de coopération à l'échelle mondiale? Un mois après, la vague épidémique déferlait sur l'Italie et c'était la panique en Europe. L'Italie, touchée de plein fouet par le Coronavirus, se tourna tout naturellement vers ses voisins européens pour leur demander du matériel sanitaire, notamment des respirateurs et des masques. Les prévisions des spécialistes italiens devenaient alarmantes et sans l'aide des voisins, le pays allait connaître une catastrophe jamais connue. L'Italie n'était-elle pas plus proche de la France que la Chine ? En réponse à cette requête italienne, la France décida par décret, de réquisitionner l'intégralité du matériel sanitaire afin de le rediriger vers les hôpitaux français. Quant à l'Allemagne, elle interdisait, toujours par décret, les exportations du matériel médical. Situation ubuesque, des stocks entreposés en Allemagne, ne pouvaient pas rejoindre l'Italie qui les avait commandés. L'Italie, devenue malgré elle l'épicentre continental de la crise apprenait à ses dépens que ses deux voisins lui refusaient de l'aide et que Schengen n'était applicable que pour stopper l'immigration. La libre circulation des marchandises, contrairement au virus, allait devoir respecter les frontières, même à l'intérieur de l'Europe. Jusqu'à ce jour, l'Europe, malgré la montée du populisme, la sortie du Royaume-Uni de l'UE et une machine de croissance grippée, continuait à afficher sa fierté d'avoir créé l'Espace Schengen, un espace de liberté pour ses concitoyens et pour leurs marchandises. Elle était convaincue qu'unifiée, elle allait tenir tête aux Etats-Unis et surtout à la Chine, la nouvelle puissance mondiale que les Américains «surveillent» depuis des années. Même si par la suite, certains gestes ont été remarquables (des hôpitaux allemands, luxembourgeois, belges recevant les malades français, ..) le mal est fait. L'opinion européenne a noté que le reflex de survie qui a envahi ses dirigeants, a mis fin à la solidarité et à l'Unité de l'Europe. Les règles de bon voisinage, pour ne pas dire les règles européennes, ont volé en éclats. Les gouvernements européens étaient mal préparés et ont manqué de transparence, surtout au début de la crise. Ils annonçaient à leurs opinions une chose et son contraire le lendemain. Comment expliquer à une population envoûtée par les médias, que, quelques semaines auparavant, on avait donné des masques à la Chine et qu'on les refusait maintenant à la voisine italienne agonisante ? Pire, comment pouvait-on admettre d'envoyer « en guerre» sans masque, nos médecins, nos infirmiers, nos ambulanciers, nos éboueurs, nos policiers, nos caissiers, nos pompiers ? On a commencé par affirmer que les masques n'étaient pas nécessaires pour, dans l'urgence, autoriser par la suite la vente des masques même périmés. L'opinion réclamera des comptes le moment venu. Des explications seront demandées sur la fermeture de certaines usines, sur la mauvaise gestion des stocks du matériel sanitaire. Avons-nous sous-estimé l'importance des masques, devenus une arme universelle où tous les coups sont permis? Les gouvernements se sont soumis aux scientifiques pour cacher leurs mauvaises gestions de cette crise, surtout à ses débuts : manque d'équipements de protection; retard pris avant de décider le confinement, pas de politique de dépistage claire. Probablement, si ces gouvernements avaient mis la pression sur la Chine, dès le début de la crise pour qu'elle fournisse des informations fiables permettant de mieux ajuster leurs modèles et pour qu'elle impose un meilleur contrôle de ses frontières et s'ils avaient opté pour une politique de santé européenne, la panique aurait été moins importante. Pris de panique et harcelés par les médias, les dirigeants européens ont sacrifié leur unité et abandonné rapidement toute idée d'élaborer une stratégie commune pour faire face à cette crise sanitaire, qui engendrera forcement une crise économique sans précédent. Certains pays européens comme l'Italie, la France, la Belgique et l'Espagne ont imposé le «confinement» à leur population, d'autres comme les Pays-Bas refusent toujours ce principe. La Suède n'a pas fermé ses écoles. La prise de décision et les moyens à mettre en place pour faire le dépistage varie d'un pays à l'autre. Le confinement en France cessera probablement le jour où le pays aura suffisamment de masques et de tests de dépistage, pour toute la population. La crise économique, provoquée par la crise sanitaire, ne trouve pas non plus une réponse européenne unifiée et positive à la hauteur des exigences. La BCE comme la FED fournissent un effort presque quotidien mais pas à la mesure de l'urgence économique. On débloque des situations financières, on donne ou prête mais qui paiera au final ? Les pays européens paieront-ils de la même façon ? Les dettes publiques seront-elles traitées d'une manière équitable ? Ni le populisme, ni la sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne, n'avaient réussi à porter préjudice à l'Europe et à son unité. Le Covid-19, ce tout petit virus qu'un simple désinfectant peut tuer, risque de mettre fin à la solidarité et à l'unité de l'Europe et rebattre «les cartes». Ce virus creusera-il la tombe de l'Union Européenne ? Est-ce le début de la fin de l'Europe ? Ironie du sort, la Chine est venue au secours de l'Italie en lui envoyant des experts venant du Wuhan et plusieurs tonnes de matériel sanitaire. Le ministre des Affaires étrangères italien dira à son homologue chinois : «nous saurons nous souvenir des pays qui nous ont été proches». Un journaliste dira : « La France et l'Allemagne ferment les frontières à l'Italie quand la Chine vient à son secours, et Cuba et la Russie lui envoient des médecins ; n'est-ce pas là un symbole du basculement du monde ?». Quel souvenir de l'Europe gardera la Lombardie une fois la pandémie passée ? Le Coronavirus réussira-t-il là où le populisme et l'immigration avaient échoué : briser L'Europe ? Les Pays africains? Tout comme les pays du Proche-Orient, les pays d'Afrique commencent à compter leurs morts atteints par le Coronavirus. Pourront-t-ils compter sur une solidarité internationale ? A suivre *Algérien vivant en France - Ancien Directeur Commercial chez Thales - Auteur de 3 romans ( Au Nom de l'Amitié et de l'Islam / La Blague qui a fait trembler Paris / Pierrot Le SDF) |