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L'après-COVID-19 sera bientôt
là (on espère tous que ce soit le plus tôt), mais la mise en demeure de nos
pays, de nos populations, de nos gouvernants, de nos élites et de notre
humanité à trouver des solutions viables et durables à une reconstruction
résiliente de nos choix et comportements, économiques, politiques et
civilisationnels, est aujourd'hui plus que pressante, voire impérieuse.
Le propre de l'homme est de posséder et de se fier généralement qu'à sa mémoire un peu trop sélective. Il se rappelle volontiers les beaux moments et semble ?'zapper'' rapidement les choses et vécus difficiles. Mais devant de telles grosses épreuves1 et immenses préjudices humains, socio-économiques et de blocages futurs à subir, il est inconcevable, et peut-être même criminel, de tolérer le cours des attitudes ?'auto-amnésiques'' qui empêcherait l'adoption de résolutions et d'adaptations futures, désormais indispensables, à la bonne reconstruction, sur des bases plus saines et résilientes2, de notre humanité et de ses divers liens. Aussi, nous assistons incrédules à un renversement des valeurs, où ceux qui se tenaient dans le haut du pavé, bien haut dans la lumière et la considération sociale, rêvent volontiers d'échanger leur position tant et tant convoitée par le passé. Ceci, afin de n'être plus qu'un petit citoyen anonyme, loin de tout et surtout des foules, voire d'être dans le cas idyllique un pauvre paysan dans son modeste abri fait de torchis, avec si possible, à côté, un ou deux carrés d'oignons, de pommes de terre ou de tomates. Mais surtout être seul et bien en sécurité, sans devoir être contraint par sa fonction de s'afficher en public. Le public, la foule qui étaient la morgue et principale source de vanité de ces gens-là sont désormais devenus ?'persona non grata'', donc le danger potentiel, sinon la mort assurée ! Ouvrons bien les yeux et constatons qu'aujourd'hui, dans notre condition inédite de distanciation sociale recommandée et de confinement sanitaire étendus à tous les pays, le petit paysan, jadis esseulé, accroché et survivant dans sa montagne, est devenu un seigneur enviable par tous les possédants économiques et nantis des classes politiques. Ceux-là mêmes qui le desservaient depuis la Révolution industrielle et bien après, qui l'indignaient par leurs mentalités et politiques ségrégatives à l'égard des milieux agraires. Ceux-là mêmes qui le honnissaient viscéralement, et à volonté, car de tout temps ils confondaient ancienneté, authenticité avec passéisme et anti-modernité. Ils ont toujours pensé, à tort, que les paysanneries traditionnelles devaient disparaître pour ne laisser place qu'à l'agriculture intensive3, et aujourd'hui et pour le futur à l'agro-industrie propice à la modernisation et à l'application systématique des intrants ?'biotechnologiques'' et agro-chimiques soutenue et fortement encouragée par les lobbys de la financiarisation à outrance de l'agriculture. Ouvrons bien les yeux et osons remettre en cause suffisamment, et de manière efficiente, notre gestion passée et ses dérives progressivement criminelles4. Ouvrons les yeux et osons préparer correctement l'après-COVID-19 afin de préserver le futur de nos enfants et des générations en gestation. Car pour l'instant nous nous occupons que de faire, de commenter et de se tétaniser ensuite, des décomptes macabres de cette pandémie destructrice de notre monde. Cessons, une fois pour toutes, cet attentisme et regardons avec espoir, résolution, perspicacité et clairvoyance, l'avenir et comment le reconstruire, sur de nouvelles bases et orientations tirées du ?'pourquoi et du comment'' on est arrivés là. Réexaminons nos relations nationales et internationales productives et consommatrices. Et osons, les uns et les autres, chacun dans sa vocation et domaine de compétence, des propositions, des corrections en actes d'édification de notre monde en révision, aujourd'hui village planétaire. Et ce, à partir et sur la base, seulement et bien malheureusement, des décombres politiques, socio-économiques et éthiques de nos irresponsables, ou du moins maladroites, gestions passées. Nous en sommes tous responsables, de près ou de loin. Suffit, de pertes de temps, de tergiversations et de lamentations inutiles, le glas a déjà sonné ! L'espoir de voir réhabiliter et restaurer notre monde rural et ses belles paysanneries fécondes et sainement productives Nos organisations socio-économiques internationale et nationale ?'marchent sur la tête'' depuis bientôt un siècle. En détruisant, progressivement, le monde rural, ses paysanneries et leurs tissus socio-économiques et commerciaux, le système de gouvernance des Etats dits modernistes a participé à son propre déséquilibre et à sa propre fragilisation future dont les stigmates apparaissent crument et dramatiquement, aujourd'hui, à travers cette crise sanitaire globale5. Mais pour être plus précis et mieux descriptif de cette malheureuse rupture de ces deux éléments et secteurs auparavant synergiques et bien complémentaires dans le passé préindustriel, le monde rural et le monde urbain : notre monde et nos économies marchent, non pas sur la tête, comme dit plus haut, mais plutôt sur une seule jambe alors que de tout temps et bien historiquement, elles fonctionnaient et évoluaient avec les deux. En un simple mot, notre civilisation, où celle bâtie depuis la Révolution industrielle, est désormais cul-de-jatte ! Est-ce pour cela qu'elle est désormais déséquilibrée, structurellement fragile et irrémédiablement exposée à tout type de risques, dont aujourd'hui une crise sanitaire cataclysmique. Pour survivre, solidairement, et assoir de nouveaux modes économiques et stratégiques, sages et résilients, il nous faudrait absolument réhabiliter et restaurer notre monde rural et ses belles paysanneries fécondes et sainement productives. Il est peut-être amusant, mais certainement significatif aussi, que de remarquer que les mots pays et paysans tiennent de la même étymologie. Donc de la même genèse et, pourquoi pas, de la même symbolique. En effet, un pays, sa sécurité, sa durée et permanence c'est avant tout ses paysans et leurs solides dispositions économiques, sociales et culturelles profondes. Où sont passées, aujourd'hui, les relèves naturelles et tellement anciennes de nos paysanneries ? Nulle part, ou bien sacrifiées sur le chapitre ?'pertes et profits'' des gouvernants myopes, sur l'autel de l'industrialisation et financiarisation à outrance des agricultures (première et deuxième vagues de la Révolution verte avec les essors des industries de l'Agrochimie - engrais et phytosanitaires -, de la Mécanique agricole et ses ?'criminelles'' traites bancaires (prélude aux endettement et faillites d'exploitants agricoles), et depuis les trois dernières décennies de la Biotechnologie et de ses semences OGM). Cette dérive socio-économique6 et politique entérinée par les divers Etats et gouvernants des pays du Nord sous influence des lobbys industriel et financier, a conduit d'une manière progressive mais inéluctable à l'appauvrissement du monde rural et de ses populations, à sa dislocation et désertification réglées, puis à sa destruction irrémédiable en préludes aux successifs exodes ruraux hémorragiques et de ses composantes humaines indignées. Dans les pays du Sud, ces phénomènes d'exodes des ?'exclus de la terre'' se poursuivent encore de nos jours, sous diverses formes de migrations, internes au pays et externes aussi. Et pour beaucoup de ces mis-en-exodes, cela passe souvent par la case, plus ou moins durable, des bidonvilles. Signalons, au passage, que ces bidonvilles installés en tumeurs autour des principaux centres urbains des jeunes Etats ont constitué avec leurs populations de précarisés socio-économiques et d'indignés, les véritables terreaux sociaux d'affranchissement politique puis d'embrigadement dans les guerres civiles. Où est passée cette paysannerie qui se transmettait de père en fils, rien que par l'oralité, ses savoirs ancestraux et la vocation de ses terroirs ? Où est passé ce savoir, parfois millénaire, de connaissances empiriques accumulées et de maîtrises du sol, des cultures et des variétés adaptées, améliorées et transmises par les mains d'or et le ?'bouche-à-oreilles'' durant si longtemps, et toujours pour assouvir les hommes de belles et saines productions ? Les grands espoirs des paysanneries consciencieusement et savamment restaurées garantissent aux gens et particulièrement aux villes et aux grandes cités, excessivement sur-urbanisées, d'être davantage et sainement nourries, sécurisées et peut-être heureuses. Le monde rural est le réel complément vivant et reproductif de soutien de la cité et de sa vie économique et humaine. Nos priorités et espérances immédiates Pour reconstruire nos sociétés et notre monde mis à bas et disloqué subitement par les conséquences sanitaires3 de nos errements éthiques, économiques et stratégiques, des résolutions aussi légitimes qu'indispensables sont à inscrire à nos priorités et espérances immédiates : - L'espoir de ?'dé-mondialiser'' les économies et les mœurs alimentaires dans tous nos Etats ; - L'espoir de voir se relocaliser les économies, les activités productives et les marchés de l'emploi au sein des Etats nationaux ; - L'espoir de Réformes agraires honnêtes, justes et courageuses dans tous les Etats qui ne manquent ni de réserves foncières, ni d'exclus de terre ; - L'espoir de voir se réguler, par des gouvernants intègres, un marché immobilier vorace5 et un urbanisme spéculatif et sans précédent ; - L'espoir de voir se réformer ce monde de l'Argent-roi où des fortunes douteuses se font en un claquement de doigts ; - L'espoir de voir émerger un esprit libéré et une culture nouvelle du ?'comment tu es'', du ?'comment tu vas'' ou encore du ?'comment tu penses'' et du ?'comment tu vies'', mais plus du ?'Combien tu as'' ; - L'espoir de voir, par des nouveaux modèles d'impôts de solidarité, se répartir et servir utilement la moitié des avoirs du monde, accaparée de nos jours, par quelques centaines de nantis, à cette deuxième moitié de l'humanité qui ?'macère'' dans la précarité et l'indignité. Pour clore notre propos sur une note d'espoir qui traduit, par ailleurs, parfaitement la force bienveillante des hommes et des collectivités humaines à surpasser les évènements et épreuves de la vie, je vais vous conter une belle et émouvante histoire que vous connaissez certainement. Pour sa symbolique et son utilité encore propices au dépassement de notre éprouvante conjoncture actuelle, je vais vous la rappeler : C'est l'histoire du poète et interprète Jean Ferrat (de son vrai nom Jean Tenenbaum). Cet auteur, compositeur distingué a écrit et interprété une longue liste de créations, de chansons et de textes, généralement, et pour la plupart, fort appréciés par son grand et large public. Et un beau jour, au firmament de sa réussite et gloire, il a décidé de quitter la vie trépidante de la grande ville (Paris !), les milieux grisants des artistes, pour se retirer dans un minuscule village du Sud français (Ardèche). Et bien sûr, il a continué à écrire car c'est sa vocation presque existentielle, moins à chanter, moins encore à gérer sa carrière d'artiste, et beaucoup plus à s'impliquer dans la vie sociale de son village d'adoption. En 1964, pas en 2000, donc très tôt par rapport aux questionnements de notre situation actuelle, il a écrit et interprété un texte sur l'exode rural. Un texte simple, nu comme le pain du pauvre, mais tellement poignant de vérité sur les affres sourds et les non-dits du déracinement rural et de ses misères, fictions, fausses promesses de la ville et de sa modernité. Ce texte ou chanson que vous connaissez presque tous s'intitule : La Montagne. Mais le plus significatif et extraordinaire de l'histoire et destin de ce texte, va se produire en 2010 lors des obsèques de son auteur célébrées sur la petite place de ce minuscule village ardéchois d'Antraigues-sur-Volane où une très grande foule (5.000 personnes) de gens anonymes venus spontanément de partout, ont naturellement chanté en chœur, les yeux parfois couverts de lunettes de soleil pour masquer leurs larmes et grande émotion. Ils n'ont rien chanté de son riche et si varié répertoire, mis à part une seule chanson écrite et chantée en 1964, une chanson devenue à cet instant un hymne. L'hymne de l'exode rural, La Montagne ! C'était beau, émouvant, poignant et tellement vrai d'espoir et de clairvoyance humaine, par rapport à ce qui était redouté de tout temps par cette modernité mensongère et aventureuse ; et à ce qui, en conséquence, nous arrive aujourd'hui avec le COVID-19. Une chanson devenue l'hymne de l'exode rural : La Montagne ! Les témoignages et enseignements de Jean Ferrat sur les drames humains sourds et sournois causés par les marches forcées de la modernité et les exodes ruraux conséquents, pour lire, écouter et comprendre son époque, et pour, peut-être aussi, deviner la nôtre aujourd'hui bien dramatique. De belles paroles devenues une chanson, un hymne célébré dans une cérémonie spontanée et libre lors des obsèques du poète, La Montagne : Ils quittent un à un le pays, pour s'en aller gagner leur vie, loin de la terre où ils sont nés ; Depuis longtemps ils en rêvaient, de la ville et de ses secrets, du Formica et du Ciné. Les vieux, ça n'était pas original, quand ils s'essuyaient machinal, d'un revers de manche les lèvres ; Mais ils savaient tous à propos, tuer la caille ou le perdreau, et manger la tomme de chèvre. Pourtant que la montagne est belle, comment peut-on s'imaginer, En voyant un vol d'hirondelles, que l'automne vient d'arriver. (Refrain) Avec leurs mains dessus leurs têtes, ils avaient monté des murettes, jusqu'au sommet de la colline ; Qu'importe les jours, les années, ils avaient l'âme bien née, noueuse comme un pied de vigne. Les vignes, elles courent dans la forêt, le vin ne sera plus tiré, c'était une horrible piquette ; Mais il faisait des centenaires, à ne plus savoir qu'en faire, s'il ne vous tournait pas la tête. Refrain Deux chèvres puis quelques moutons, une année bonne et l'autre non, et sans vacances et sans sorties ; Les filles veulent aller au bal, il n'y a rien de plus normal, que de vouloir vivre sa vie. Leur vie, ils seront flics ou fonctionnaires, de quoi attendre sans s'en faire, que l'heure de la retraite sonne ; Il faut savoir ce que l'on aime, et rentrer dans son HLM, manger du poulet aux hormones Refrain (*) Professeur, université d'Oran 1 Notes explicatives et sources : (1) Le coronavirus et nous ou l'intrusion sociale et politique d'une entité biologique et ses enseignements pour le présent et l'avenir http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5287872&archive_date=2020-03-19 (2) Le coronavirus et nous, acte 2, ou l'expression d'une nature, suffisamment agressée, qui reprend ses droits (1ère partie) http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5288218&archive_date=2020-03-19 (3) Le coronavirus et nous, acte 2, ou l'expression d'une nature, suffisamment agressée, qui reprend ses droits (Suite et fin) http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5288250&archive_date=2020-03-19 (4) Le Coronavirus et nous, acte 3: Sur-urbanisation effrénée, exodes ruraux hémorragiques, mode alimentaire globalisé et crises sanitaires mondialisées et récurrentes (1ère partie) http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5288448&archive_date=2020-03-19 (5) Le Coronavirus et nous, acte 3: Sur-urbanisation effrénée, exodes ruraux hémorragiques, mode alimentaire globalisé et crises sanitaires mondialisées et récurrentes (1ère partie) http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5288448&archive_date=2020-03-31 (6) Le Coronavirus et nous, acte 3: Sur-urbanisation effrénée, exodes ruraux hémorragiques, mode alimentaire globalisé et crises sanitaires mondialisées et récurrentes (Suite et fin) http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5288479 |