|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
On
l'appelle «Monsieur Ebola» parce qu'il a été chargé en juin 2015 par l'OMS de
redynamiser ses actions en Guinée pour lutter contre ce virus qui avait ravagé
l'Afrique de l'Ouest. En décembre de la même année, il a déclaré officiellement
au nom de cette institution la fin de l'épidémie. Nous le sollicitons
aujourd'hui pour qu'il nous éclaire sur la lutte et la prévention contre le
Covid-19 en Algérie. «Dans une situation de crise sanitaire majeure, les
principes de gestion de crise deviennent impératifs. Or, nous pensons que ce
système de gestion et de coordination manque(...).
Nous concluons que l'activation du plan Orsec serait un important outil
organisationnel pour la lutte contre cette pandémie», affirme-t-il dans cette
interview. Le professeur Belhocine estime que «c'est
l'occasion pour moi, ici, de marteler à nouveau que le confinement reste la
pierre angulaire, le fondement même de la stratégie d'endiguement du virus».
Le Quotidien d'Oran : Dans une note relative à la lutte contre la pandémie du Covid-19 en Algérie que vous avez élaborée conjointement avec vos confrères, y compris ceux exerçant à l'étranger, vous affirmez que «les mesures prises à ce jour ne peuvent pas suffire à elles seules», par conséquent, vous recommandez aux autorités publiques de déclencher en urgence le plan Orsec national. Votre recommandation est-elle prise en charge par les décideurs algériens ? Professeur Mohamed Belhocine : En réalité, vous parlez de deux documents différents. Le premier, que j'ai signé, au nom de certains confrères médecins vivant ici en Algérie ou ailleurs, passait surtout en revue les mesures sanitaires déjà prises ou à prendre en donnant des suggestions pour une efficacité renforcée. Il est vrai que nous avons aussi insisté dans ce document que la crise allait «bien au-delà des aspects purement médicaux ou hospitaliers pour embrasser les dimensions de planification, de gestion, ainsi que les composantes sociale, épidémiologique, sécuritaire, biologique, thérapeutique, financière, opérationnelle et logistique de l'épidémie» et que cela nécessitait une organisation ad hoc de la riposte, prenant notamment appui sur l'expérience de grandes épidémies comme l'épidémie d'Ebola de 2014-2016, en Afrique de l'Ouest. Le second document, dans lequel nous préconisons l'activation d'un plan Orsec national, a été rédigé par un grand spécialiste, chercheur, praticien et formateur en évaluation des risques et gestion des catastrophes, en relation avec un groupe d'autres experts dont j'ai fait partie. Comme vous le savez, chaque pays a son propre cadre national de réponse pour la gestion des urgences. En Algérie, le contexte juridique et institutionnel de l'organisation et du déploiement de la réponse aux urgences est inscrit dans le plan Orsec. Les dispositions du plan Orsec sont précisées par le décret présidentiel 19-59 du 10 février 2019 -tout à fait récent donc- et qui a pour objet la prise en charge de tout événement grave menaçant les biens, les personnes et l'environnement. Il recense l'ensemble des ressources humaines et matérielles a mettre en œuvre en cas de catastrophe et permet d'organiser et coordonner les actions a entreprendre. L'Algérie possède donc le cadre juridique. Elle possède également l'essentiel des compétences nécessaires et a acquis une expérience de première main de la gestion des urgences, à travers des catastrophes récentes. Dans la lutte contre l'épidémie actuelle, elle a mis rapidement en place des structures ad hoc pour contenir, contrôler et vaincre la maladie déjà en place. Toutefois, dans une situation de crise sanitaire majeure, les principes de gestion de crise deviennent impératifs. Or, nous pensons que ce système de gestion et de coordination manque. Et nous avons préconisé de le mettre en place en urgence. C'est donc tout naturellement que nous concluons que l'activation du plan Orsec serait un important outil organisationnel pour la lutte contre la pandémie du Covid-19. Q.O.: Pourriez-vous nous expliquer qu'apporterait de plus et de performant le plan Orsec national en matière de lutte et de prévention contre le nouveau virus que les mesures déjà prises n'ont pu garantir ? Au-delà de la coordination, qu'est-ce qui a manqué le plus ? M. Belhocine : L'expérience mondiale des dernières années a montré que réunir les bonnes personnes, ayant mandat décisionnel, autour de la table des Centres d'opération d'urgence est la meilleure façon de gérer efficacement les urgences complexes, y compris les pandémies. Les urgences de santé publique sont complexes, prolongées et peuvent submerger les systèmes de santé généralement dotés de personnel et équipés pour les opérations de routine. Nous le voyons bien actuellement, chez nous et ailleurs, même dans les pays les plus développés. Une pandémie ne peut être maîtrisée que si les ressources, les équipements, les médicaments, les installations et les conditions de travail sont réunis. Cela nécessite d'une part une connaissance en temps réel des besoins et de la disponibilité des ressources, et d'autre part, des décisions opportunes et immédiatement opérationnelles pour résoudre le problème. Cette crise est multidimensionnelle. Au-delà des aspects purement sanitaires, eux-mêmes déjà très complexes, c'est aussi, par exemple, une crise (mondiale) d'approvisionnement : en intrants médicaux, en médicaments ; c'est une crise qui appelle une gestion rigoureuse des mesures de confinement, sans pour autant rompre totalement la prestation de services essentiels ; c'est une crise qui appelle une communication intense et transparente sur les risques, sur les moyens de se protéger et sur l'évolution de la situation. C'est une crise «aux frontières» puisqu'elles sont fermées, avec nombre de citoyens restés bloqués à l'extérieur. La gestion d'une telle crise nécessite des structures d'intervention qui rassemblent tous les secteurs et toutes les parties concernées, dans un effort coordonné. C'est pour cela que le déploiement du plan Orsec a été recommandé. L'application de ce plan permettrait, outre la maîtrise de la pandémie sur le plan sanitaire, de coordonner tous les aspects y afférents du point de vue de la communication, de la logistique, de la sécurité, de la continuité des services vitaux, etc. Le plan Orsec est structuré sur les meilleures pratiques internationales du système de gestion d'incidents et les standards internationaux de gestion de crise. Ce type d'organisations a prouvé son efficacité dans des pays comme la Corée du Sud, Taiwan, Singapour et la Californie où les pertes en vie humaines sont 10 fois moindres qu'à New York. Ces pays gèrent mieux la crise du Covid-19 parce qu'ils avaient déjà mis en place ces standards de gestion de crise avant la pandémie et ont de ce fait pu les activer très rapidement. Les experts consultés estiment que l'Algérie devrait immédiatement mettre sur pied ces pratiques et standards pour endiguer de la manière la plus efficiente possible une dégradation significative de la situation. Q.O.: Pensez-vous que l'Algérie a la volonté politique et les moyens institutionnels, humains, financiers, matériels qu'il faut pour que ce plan soit exécuté sur le terrain comme il se doit et que les spécialistes comme vous puissent atteindre les objectifs qu'ils se fixent en termes de lutte et de prévention contre le coronavirus ? M. Belhocine : Passons donc en revue ce dont dispose notre pays : concernant les moyens financiers, lors de sa conférence de presse du 30 mars 2020, Monsieur le Président de la République a rappelé que l'Algérie a les moyens financiers de faire face à cette pandémie inédite. Le cadre institutionnel existe, précisé par une batterie de textes réglementaires qui ont été émis. Les moyens humains existent pour l'essentiel. Une partie pourra être formée très rapidement au fur et à mesure de son déploiement. Nous avons avec nous un des plus grands spécialistes mondiaux de lutte contre les catastrophes qui maîtrise parfaitement les processus de réponse aux catastrophes. De nombreux cadres existent dans les différents ministères. Ils activent dans les différentes cellules de crise mises en place dans le cadre de cette pandémie. Pour ce qui est des moyens matériels pour la mise en œuvre du plan Orsec, nous pouvons affirmer que la question ne se pose pas, car il s'agit avant tout d'une organisation à mettre en place en s'appuyant sur les moyens existants à tous les niveaux hiérarchiques. C'est en effet d'abord un cadre organisationnel permettant de coordonner tous les efforts déployés dans toutes structures impliquées ou à impliquer dans la lutte contre cette pandémie. Enfin, concernant la volonté politique, aucun Algérien ne pourrait en douter un seul instant, compte tenu du danger qui nous guette et qui menace l'avenir de la Nation. Les déclarations des autorités politiques du pays et la mobilisation des moyens de l'Etat le confirment depuis le début de la crise. Q.O.: En tant que spécialiste, rencontrez-vous des problèmes qui puissent vous obliger à revoir vos recommandations à la baisse, les recadrer quelque peu ou alors vous astreindre à approuver une stratégie sanitaire qui ne vous convainc pas? M. Belhocine : Une urgence de santé publique telle que celle que nous vivons comporte de nombreuses inconnues ; un virus nouveau, donc mal connu dans tous ses mécanismes : comment se propage-t-il ? Comment parvient-il à entraîner aussi rapidement dans les cas sévères une détresse respiratoire et parfois d'autres organes ? Aura-t-il un caractère saisonnier ? Immunise-t-il de façon durable ou courte seulement les patients qui en guérissent ? Disparaîtra-t-il totalement ou seulement partiellement de l'organisme des sujets guéris ? Quel est, à partir des connaissances -incomplètes pour le moment- dont on dispose, le médicament ou le groupe de médicaments susceptibles de le contrer ? Quel est le degré de fiabilité des tests disponibles pour son diagnostic ? Par ailleurs, au vu de la soudaineté de sa survenue et de l'extraordinaire vitesse de sa propagation géographique, il a créé une situation inédite où, d'une part, presque tous les pays y sont confrontés et, d'autre part, un nombre élevé de cas sévères survient en même temps, dépassant les capacités des systèmes de soins tels qu'ils existent. Par conséquent la demande en différents produits pour combattre l'épidémie (équipements de protection individuelle, respirateurs, kits de tests, médicament, etc.), a explosé tandis que l'offre ne suit pas - du moins pour l'instant. Pour répondre à votre question, donc, oui, tous les pays sont confrontés à cette pandémie, et tous doivent la combattre avec les ressources réellement -et non pas seulement théoriquement- disponibles. Mais au fur et à mesure de l'évolution, on assiste à une montée en cadence de la riposte. Par exemple, si la Chine a été prise totalement au dépourvu en termes d'infrastructure d'hospitalisation, au point d'avoir eu à construire en urgence un hôpital, certains des pays qui ont été touchés par la suite ont essayé d'anticiper cet aspect (Allemagne par exemple). Chez nous, l'Armée nationale populaire a déjà mis en ordre de déploiement son infrastructure et ses équipements pour prêter main-forte au secteur de la santé si le besoin s'en faisait sentir. La production locale de certains intrants, comme le gel hydroalcoolique ou les masques, s'accélère. La capacité de tester pour le Covid-19 n'existait pas (ni la technique, ni les réactifs spécifiques) avant. Maintenant, les intrants existent sur le marché international, mais la demande est tellement forte que l'approvisionnement de notre pays, comme d'autres pays, risque d'en souffrir. C'est là qu'intervient par exemple le rôle de notre diplomatie pour accélérer les livraisons attendues de pays amis. Je suis personnellement convaincu par le contenu de la stratégie adoptée. Elle est évolutive et s'ajuste régulièrement ce qui est positif. Son opérationnalisation reste certainement perfectible. La mobilisation des professions de santé et la solidarité affichée par tous autour de cette mobilisation sont un gage encourageant. Mais la crise est complexe et évolue vite, et nous devons apprendre à y faire face rapidement et de manière efficace, en levant les goulots d'étranglement bureaucratiques à tous les niveaux et en libérant, organisant et faisant usage de toutes les énergies et compétences qui offrent leurs services, dans le pays et au sein de la diaspora. Q.O.: Au niveau de la cellule de veille dont vous faites partie, les avis de vos confrères convergent-ils vers l'activation du plan Orsec national ou y aurait-il des résistances à cet effet ? Si Oui, quelles en sont les raisons? M. Belhocine : Je fais partie, depuis très peu de temps, du Comité scientifique mis en place auprès du ministère de la Santé et présidé par Monsieur le Ministre de la Santé lui-même. Le sujet n'a pas été abordé en séance en tant que tel, le Comité scientifique ayant à débattre et valider chaque jour les mesures techniques à prendre au plan de la santé publique et de la gestion des structures sanitaires pour faire face à l'épidémie. Q.O.: Les citoyens algériens s'interrogent pourquoi Blida plus que toutes les autres wilayas ? Est-ce que parce que les deux premiers cas (une maman et sa fille) y ont été détectés et que la wilaya n'a pas été tout de suite fermée? M.Belhocine : Pourquoi Wuhan et pas une autre province en Chine ? Parce que c'est effectivement là que, malheureusement, a commencé la circulation communautaire établie du virus. Et c'est donc là que se sont concentrés les efforts pour trouver tous les nouveaux cas ou leurs contacts, afin de circonscrire au maximum et au plus vite la propagation. Q.O.: Au regard de la hausse du nombre de cas confirmés et de décès, faut-il aujourd'hui dépister systématiquement tous les habitants de Blida pour éviter que le virus ne se propage davantage ? M. Belhocine : Au plan épidémiologique, ce n'est absolument pas rentable de faire du dépistage systématique. Certains sujets négatifs le jour du test peuvent devenir positifs quelques jours plus tard. Ils échapperont donc à l'identification. De plus, le coût d'une telle opération serait énorme aussi bien en termes de nombre de tests à pratiquer que de capacité des laboratoires à le faire. Enfin, cela se ferait au détriment de ceux qui ont vraiment besoin d'être testés parce qu'ils sont malades ou parce qu'ils entrent dans la catégorie des cas suspects. C'est l'occasion pour moi, ici, de marteler à nouveau que le confinement reste la pierre angulaire, le fondement même de la stratégie d'endiguement du virus. Associé bien sûr à l'hygiène stricte des mains, au respect de la distanciation sociale dans l'espace public, sur les lieux de travail, et même chez soi si c'est possible, avec, autant que faire se peut, le port d'un masque dans l'espace public. Q.O.: Etes-vous pour le confinement général de la capitale? Et aussi pour fermer complètement les wilayas qui restent indemnes pour éviter qu'elles ne soient contaminées par les visites de citoyens du Nord ? M. Belhocine : Au plan strictement épidémiologique, oui, je suis pour le confinement général. Partout où la flambée se déclare. Plus on confine tôt et totalement, plus on a de chances de casser rapidement la chaîne de transmission. En pratique cependant, la décision de confiner plus ou moins rigoureusement une région ou un pays dépend de beaucoup d'autres facteurs, sanitaires et extra-sanitaires. Quand les capacités de tester les cas suspects ou les groupes de contacts autour d'un cas sont élevées et mises en pratique (cas de la Corée par exemple), le confinement peut être moins drastique ou plus court. A l'inverse, lorsque ces capacités sont moindres, le confinement rigoureux et aussi long que l'exige l'évolution du nombre de nouveaux cas, prend toute son importance. Pour ce qui est des facteurs extra-sanitaires, ils tombent sous le sens : il y a une exigence vitale à assurer une continuité de services essentiels : sécurité, assainissement et hygiène publique, approvisionnement alimentaire, réseaux de distribution publics (électricité, eau, gaz, téléphone, etc). La décision de confiner et le degré de confinement doivent donc tenir compte de tous ces facteurs. Comme les capacités autour de chacun de ces facteurs varient d'un pays à l'autre, la facette donnée au confinement variera aussi d'un pays à l'autre. La «fermeture» d'une wilaya non touchée ne me semble plus vraiment à l'ordre du jour, le pays étant quasiment totalement touché aujourd'hui. C'eût pu être une option envisageable il y a quelques jours ou quelques semaines, surtout pour les wilayas à forte densité de population, c'est-à-dire à risques de propagation plus rapide et plus large. Q.O.: Comme premier traitement contre le Covid-19, le monde entier préconise le recours à l'antipaludéen, la chloroquine et ses dérivés. Pourtant des spécialistes affirment qu'ils ont déjà observé sur leurs patients des troubles cardiaques et neurologiques. Qu'est-ce qui est pire, l'atteinte par le nouveau virus ou ces complications qui ne sont pas simples à traiter ? M. Belhocine : La chloroquine n'a pas été utilisée en Chine. Pour la bonne raison que l'épidémie était presque terminée quand l'équipe d'un professeur français a fait état de son expérience encourageante de l'utilisation de la chloroquine dans les cas de Covid-19. Depuis, il y a un débat, parfois polémique, autour de cette question. D'un point de vue strictement méthodologique, ce débat est scientifiquement fondé, car les résultats de cette équipe médicale ne remplissent pas les critères de l'orthodoxie scientifique pour valider l'efficacité de n'importe quel médicament dans une maladie donnée. D'un point de vue de santé publique maintenant, lorsqu'il y a une maladie émergente comme c'est le cas aujourd'hui avec le Covid-19, toute option de traitement dont on a des raisons de penser qu'elle peut améliorer l'état des patients ou même des sujets exposés, mérite d'être testée, dans un cadre strictement contrôlé et conforme aux normes déontologiques et éthiques de la pratique de santé publique. La chloroquine a montré des effets positifs dans le blocage de la reproduction du virus dans les cellules, en laboratoire. C'est pour cela que l'on peut penser que cet effet se traduirait aussi «in vivo», c'est-à-dire chez les malades. De plus, l'observation empirique est plutôt favorable, si l'on en croit les médecins qui l'ont utilisée, ici ou ailleurs. Mais pour l'instant, la preuve absolue n'est pas encore apportée. Beaucoup de pays ont adopté la chloroquine comme une des armes de traitement possibles, et l'on ne devrait donc pas tarder à voir les résultats des premières séries de patients traités. Concernant votre question sur les effets indésirables de la chloroquine, c'est un débat qui aurait dû rester entre spécialistes. Tout médicament ou toute intervention médicale peut avoir des effets secondaires indésirables. Une circoncision peut tourner au cauchemar si l'enfant fait une allergie grave à l'anesthésie, que rien ne pouvait prévoir. Une injection de pénicilline peut provoquer un choc allergique mortel. La chloroquine est connue depuis plus de soixante dix ans et ses effets secondaires sont documentés, répertoriés. Les procédures pour les éviter ou bien pour contre-indiquer le médicament sont connues. C'est dire l'importance de n'utiliser ce produit, comme tous les autres, que sous contrôle médical. Ce débat est sorti de son cadre naturel de débat d'experts, aussi probablement parce que s'y est ajoutée une touche politico-commerciale dans laquelle des intérêts économiques énormes sont en jeu, la chloroquine étant un médicament tombé dans le domaine public et ne coûtant pas cher, même si avec le Covid-19 ses prix vont certainement flamber. Q.O.: Quels conseils donneriez-vous aux milliers de personnes qui ont été placées en confinement depuis leur retour de l'étranger et qui en ont été sorties ces jours-ci ? M. Belhocine : Je dirais que leur dé-confinement en bonne santé est bienvenu et rassurant. Toutefois, cela ne signifie pas qu'ils sont protégés contre le coronavirus. Il signifie simplement qu'ils ne l'ont pas ramené avec eux de l'extérieur. S'ils veulent continuer à jouir de leur bonne santé, ils doivent donc continuer à observer toutes les règles édictées par les autorités, et notamment une hygiène très stricte des mains, la distanciation sociale quand ils doivent sortir, et bien sûr se conformer au confinement. Q.O.: Selon vous, combien de temps perdurerait cette pandémie dans le monde ? Tous les virus n'ont-ils pas un cycle de «vie» limité ? Le Covid-19 va-t-il disparaître dès les premiers signes de l'été comme c'est le cas de la grippe saisonnière ? M. Belhocine : A l'heure où nous parlons, nul n'a de réponse en ce qui concerne la durée de cette pandémie. Nous avons vu que la rémission est survenue en Chine après environ quatre mois. Mais rémission ne signifie pas disparition. Les résurgences, rapprochées ou éloignées dans le temps sont toujours possibles. Tout comme le sont les mutations. La vigilance est donc nécessaire. Souvent en épidémiologie des maladies infectieuses, c'est la mise au point d'un vaccin et de médicaments efficaces qui changent les «règles du jeu», nous faisant oublier un virus ou un microbe donné, parce que nous sommes armés contre (exemple : rougeole ou typhoïde). Mais de nouveaux micro-organismes sont susceptibles d'émerger et de nous défier à nouveau comme ce fut le cas avec le sida, la maladie à virus Ebola, le SRAS. Je voudrais souligner ici que c'est pendant l'épidémie qu'il est possible de tester des médicaments et d'avancer dans la compréhension du virus. Les Chinois ont rapidement isolé le génome du virus et l'ont immédiatement partagé avec les laboratoires du monde entier, ouvrant ainsi la voie à l'accélération de la recherche sur les tests diagnostics et les vaccins. Je répète que plusieurs médicaments sont actuellement testés dans différents pays. L'Algérie a adopté la chloroquine. Mais ces traitements doivent être administrés dans le cadre de protocoles rigoureux et documentés afin de pouvoir définitivement tirer des conclusions sur leur degré d'efficacité, leurs effets secondaires, etc. C'est comme cela et seulement comme cela que seront levées graduellement nos incertitudes et nos ignorances concernant le virus de la maladie Covid-19. |