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4. Le chef, un «narcissique»
Sa motivation est de réaliser un idéal de soi identifié avec l'atteinte d'un objectif qui lui permette d'être reconnu et distingué. L'entreprise n'est rien d'autre que le moyen de réaliser un exploit dont le bénéfice est toujours en termes de notoriété, de position sociale. Ce type de dirigeant est très mobilisateur. Il dynamise ses collaborateurs et ses admirateurs en leur montrant l'idéal, le but à atteindre, la voie à suivre, la cause à défendre. Partant du principe «si cela me motive, cela motivera mes collaborateurs». Il ne reconnaît les contributions des gens que dans cette mesure. Il serait préjudiciable à ses collaborateurs de croire aux objectifs de l'entreprise comme fin en soi. La fin c'est toujours la réussite de l'idéal du chef. «Le pervers narcissique est à l'individu ce que le trou noir est aux objets célestes». Ce type d'entreprise est en général très soucieux de son image et sa notoriété comme démonstration de la réussite et de la valeur de son dirigeant. Il n'est guère concerné par ce qui se passe autour de lui, sinon comme occasion d'aller plus loin dans sa motivation. Ambitieux sur le plan professionnel, il tuerait père et mère pour y parvenir. Soucieux de son apparence, il a l'impression de toujours mériter plus qu'il n'en a. Il attend des égards et des privilèges dans sa relation aux autres. Il est peu sensible à la souffrance des autres tant il se sent supérieur à eux. Il n'a aucune «vie personnelle». Il a le chic de faire en sorte que l'on soit obsédé par lui. Il présente l'image flatteuse de lui-même et de ses réalisations espérant ainsi récolter d'élogieuses remarques de la part de ses admirateurs qu'il saura récompenser le moment venu. Le cas du dirigeant narcissique est révélateur de la nature du système. Il encourage profondément toute poussée narcissique qu'il accompagne jusqu'à ce qu'il se brûle les ailes au contact du soleil. Le narcissisme s'immisce profondément dans la structure même de l'entreprise. Les dirigeants narcissiques utilisent leurs collaborateurs comme un prolongement d'eux-mêmes. Le pouvoir symbolise pour eux la longévité et la vie. Ils finissent par confondre leur existence avec leur fonction. Les hommes au pouvoir identifient le pouvoir à la vie. Il leur apparaît comme un gage d'éternité. C'est pour cela qu'ils veulent à tout prix le garder. Ils ne peuvent pas accepter l'idée de leur mort ou que l'entreprise peut leur survivre. Ils agissent un peu comme les enfants qui sont persuadés que le monde leur obéit. La vision du pouvoir de ces hommes est avant tout une preuve d'immaturité. 5. Le tyran, un «paranoïa» Sa motivation est un désir de puissance fondé sans doute dans un sentiment refoulé d'impuissance dans sa prime jeunesse. Il ne cesse pas de démontrer sa puissance, sa force. Rigide et méfiant. Il est tout le temps sur ses gardes. Suspicieux, il a un œil sur tout et tous. Il doute de la loyauté des autres. Très préoccupé par ses prérogatives, il supporte mal les critiques qu'il interprète comme une attaque personnelle. Il se montre souvent froid et rationnel. Peu ouvert aux arguments des autres, il manifeste peu d'émotions positives. L'entreprise est une arme et un piège pour s'accaparer le bien d'autrui en capturant autrui. Pour lui, les affaires c'est la guerre à la fois comme démonstration de force et comme contrainte d'une logique conflictuelle en butte à la rivalité sans cesse renouvelée. Le pouvoir est à la fois la fin et les moyens. Pour ne pas perdre son pouvoir, il ne compte pas ses heures au bureau. Le profit n'étant que le signe du pouvoir. La confusion des fins et des moyens se prête à toutes les manipulations et c'est comme cela qu'est conçu le pouvoir dans l'entreprise. Les collaborateurs sont sans cesse pris dans la dialectique conflit/allégeance qui se reproduit à tous les niveaux. On n'est pas loin de l'entreprise de prédation dont la jungle est le climat préféré. Les entreprises publiques en Algérie, minées d'emblée et à tous les niveaux par des comportements plus proches de la jouissance individuelle de privilèges acquis par le réseau de cousinage, de copinage et de «coquinage» que de la déontologie professionnelle ou de l'éthique morale sont devenues très tôt des agents par excellence de la redistribution de la rente pétrolière et gazière à des fins de légitimation de pouvoir. Vivant exclusivement de la rente, l'Etat peut se permettre de ne pas développer une production propre en dehors des hydrocarbures et rien ne l'empêche d'établir des relations clientélistes avec les acteurs économiques et sociaux. Partant du principe sacro-saint que tout problème politique, économique ou social a une solution budgétaire. Comme le budget est constitué essentiellement de recettes fiscales pétrolières, l'Etat jouit d'une grande autonomie par rapport à la population, puisqu'il est capable de fonctionner et de renforcer ses services sans recourir à l'impôt ordinaire. L'essentiel du jeu économique et sociopolitique consiste donc à capturer une part toujours plus importante de cette rente et à déterminer les groupes qui vont en bénéficier. Les revenus pétroliers et gaziers génèrent un «faux sentiment de sécurité» qui pousse les autorités à considérer le protectionnisme comme un luxe que le pays peut se permettre de ne pas investir dans le capital humain. La rente pétrolière et gazière agit comme «un chèque à blanc» donné à l'irresponsabilité, au clientélisme et au report des réformes structurelles. L'éthique du travail s'affaiblit, la productivité s'écroule, les dépenses s'envolent, la corruption se généralise, le pouvoir d'achat baisse, l'inflation galope, les émeutes se multiplient, la répression devient aveugle. Bien que découpées en multiples unités économiques et habillées artificiellement en filiales, les EPE ne sont en vérité qu'un fragment d'un tout indifférencié qu'est l'Etat, à la fois propriétaire et entrepreneur, actionnaire et administrateur, administrateur et gestionnaire, gestionnaire et comptable, client et fournisseur, maître d'œuvre et entrepreneur, banquier et client, client et entrepreneur, créancier et débiteur, contrôleur et contrôlé, employeur et syndicat, administration et administré, percepteur et redevable, bourreau et victime, socialisant les pertes et privatisant les profits. Un dicton populaire de chez nous illustre bien la situation : «Ellaab Hamida, Erracham Hamida Fi Dar Hamida» c'est-à-dire être juge et partie. Ces EPE ne peuvent en aucun cas faire faillite. Par conséquent, la responsabilité dans le secteur public peut être une source d'un pouvoir illimité sur les ressources publiques comme elle peut s'exposer à des sanctions arbitraires. Tout dépend des protections dont on dispose ou du rapport de force du moment. Les dirigeants d'entreprise ont une forte ambition personnelle mais n'en ont aucune pour leur entreprise. Et pourtant, l'avenir du pays est dans la création des richesses et la production des biens et services, c'est l'affaire de l'entreprise; c'est l'utilisation des vices de chacun pour le bien de tous. Quant à la vertu c'est l'affaire de l'Etat. Or tout est fait en Algérie pour décourager l'un et l'autre. Un Etat efficace ne doit ni «tout faire», ni «laisser faire» mais «faire faire». Cela suppose évidemment un «savoir-faire» et un «faire savoir» qui sont l'apanage des pays évolués. Aujourd'hui, le leitmotiv face à la moindre difficulté consiste à différer le problème le plus longtemps possible, pour ne pas payer le prix dans l'immédiat, pour le reporter aux générations futures qui seront malheureusement bien contraintes de le payer et avec intérêt. Où est donc le temps où des générations entières se battaient pour que le sort des générations futures en soit amélioré ? Dans la conjoncture actuelle, beaucoup de dirigeants sont plus attachés à leur «égoïsme» insatiable et à leur «privilèges» du moment et ne fassent pas réellement bloc avec leur entreprise en difficultés. Dès que le vent tourne, ils ne voient que leur intérêt propre et tournent le dos à l'adversité. Pourtant, nul n'ignore que «l'adversité révèle les grands, et la prospérité produit des faibles». Malheureusement, l'ascenseur social en Algérie est en panne. Ceux qui sont en haut ne peuvent pas descendre ; ceux qui sont en bas ne peuvent pas monter ; ceux qui sont à l'intérieur ne peuvent pas sortir, et ceux qui sont à l'extérieur ne peuvent pas l'emprunter. Il s'agit d'une panne de longue durée. Ses origines remontent au lendemain de l'indépendance. Depuis que les entreprises laissées «vacantes» se sont mises à «s'autogérer». Et «gérer» pour ces nouveaux occupants dépourvus de toute compétence, ne consiste pas à faire taire les problèmes mais à faire taire ceux qui les posent. Leur credo est simple : «Faites ce que je vous dis, et ne dites pas ce que je fais». Motus et bouche cousue, telle est la règle que personne ne peut enfreindre !On vous bande les yeux et on vous dit de voir. On vous bâillonne la bouche et on vous dit de parler. On vous ligote les bras et on vous dit de travailler. On vous attache les pieds et on vous dit de marcher. Mais on ne peut vous empêcher de penser. Et quand vous pensez, vous devenez libre. Libre de voler comme l'oiseau dans le ciel. En regardant les hommes voler sur terre. Moralité «Ils disent ce qu'ils ne font pas, et font ce qu'ils ne disent pas». Mais, à quoi bon écrire puisque que «Ceux qui lisent ne décident pas, et ceux qui décident ne lisent pas». En effet, «ceux qui décident ne sont pas responsables, et ceux qui sont responsables ne décident pas». Pouvoir et responsabilité sont les deux faces d'une même médaille. «L'anarchie est partout quand la responsabilité n'est nulle part», dira Gustave Le Bon. Dans une situation anarchique, ne triomphent que la malice et la ruse, jamais l'intelligence et l'honnêteté. Leur choix : «Le dernier de nos ânes vaut mieux que le premier de vos chevaux». Les liens de vassalité l'emportent sur les qualités professionnelles. La mentalité tribale domine l'entreprise. La compétence cède le pas à la médiocrité. «Le clou qui dépasse interpelle le marteau», dit un proverbe japonais. Et la gestion laisse la place à la «digestion». L'appétit venant en mangeant. Plus un Etat est corrompu et plus il y a de lois, «Plus il y a de lois, plus il y a de voleurs». Les petits voleurs, on les met en prison, les grands brigands deviennent des chefs d'Etats». La solution : «Moins de voleurs et plus de valeurs» Et ce n'est pas pour demain. Les valeurs ne poussent dans les prés. La fin du pétrole va creuser la faim dans le monde. La famine sera le critère biologique déterminant de sélection des peuples à la survie. C'est dire toute la responsabilité du choix des hommes devant conduire le destin de la nation. Des hommes qui auront pour vertu : «Je ne suis pas né au milieu d'une palmeraie, mais j'ai la grandeur, la droiture et l'humilité d'un palmier. Plus un palmier s'élance dans le ciel, plus ses palmes s'inclinent devant la volonté divine. |