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«Les sociétés sont comme les
poissons, elles pourrissent par la tête», proverbe chinois
La motivation est au cœur de la vie professionnelle. A elle seule, elle concentre toutes les facettes de l'entreprise. Elle repose sur la perception que nous avons de nous-mêmes, des autres, du travail, de l'argent et de la vie dans son ensemble. Dans une entreprise, il faut être motivé pour produire plus et gérer mieux. Mais la motivation en soi ne suffit pas. Encore faudrait-il que cette motivation converge vers un but commun, et que cet objectif soit partagé par tous. Mais si les motivations divergent, soit par l'ambivalence avec celle des dirigeants, soit par l'absence d'un consensus collectif, soit par les deux à la fois, alors on assiste à une démobilisation des énergies, à une multiplication des clans, et en fin de parcours à la disparition de l'entreprise. Pour être motivé, il faut avoir des objectifs clairs. En effet, sans perspective, l'individu tout comme l'entreprise n'ont intérêt à rien, ne sont concernés par rien et n'arrivent pas à trouver leur raison d'être. C'est en permettant à la motivation de chacun à se nourrir d'objectifs communs dans l'axe des intérêts bien compris de l'entreprise que les énergies peuvent être mobilisées, que la cohésion des forces peut être retrouvée et que le climat social peut être assaini. C'est dire que les comportements individuels ou collectifs peuvent faciliter comme ils peuvent contrarier la mise en œuvre de tout processus de réforme. Lorsque cette mobilisation est au service d'un bien commun, le manager est appelé «constructif»; dans le cas contraire, il est «destructif». Le premier agit de façon éthique, le second de façon toxique. Le leadership toxique tente d'influencer et d'abuser de la confiance de ses collaborateurs en utilisant des moyens moralement condamnables. Leur credo est simple; «vous êtes avec moi ou vous êtes contre nous». Certaines organisations sont plus vulnérables que d'autres. Les entreprises offrent l'argent, du pouvoir, un statut, des relations qui attirent le psychopathe, candidats aux postes de managers. Ils présentent un profil particulier: charmeur, séducteur, force de persuasion, manque d'empathie, absence de culpabilité, obstination. Un profil qui va comme un gant au système en place. Le charme devient du charisme; le narcissisme devient confiance en soir; la manipulation devient l'habileté à influencer; le manque d'empathie devient la capacité à prendre des décisions difficiles. Le pouvoir exerce une fascination indéniable sur ceux qui l'exercent comme sur ceux qui le subissent. C'est un agent pathogène puissant dont les symptômes sont une perte du sens des réalités, l'intolérance à la contradiction, la sublimation de sa propre image et l'abus de pouvoir. C'est le syndrome de la démesure. Cette maladie du pouvoir qui donne au manager le sentiment d'invulnérabilité, d'invincibilité et de toute puissance. De plus en plus, les organisations qui se sont bâties historiquement sur le modèle pyramidal, le modèle paternel se rendent compte qu'elles ont atteint leur degré de saturation en matière de ressentiments et de démotivations. Cette prise de conscience nouvelle oriente la recherche vers l'étude des pathologies des relations de pouvoirs, c'est-à-dire vers les enjeux invisibles du pouvoir. C'est en connaissant le fonctionnement intime de cette facette de l'entreprise, à laquelle on ne songe pas a priori, qu'on peut améliorer la maîtrise de la gestion et l'orienter vers une éthique morale et une déontologie professionnelle. Ce sont les effets psychiques du pouvoir. Quels sont les gains à espérer du pouvoir ? Evidemment, il y a des bénéfices apparents : la richesse, la notoriété, la puissance, l'accès à l'information, c'est-à-dire tout ce qui a trait à «l'avoir». Mais, il y a également d'autres bénéfices, les gains invisibles du pouvoir liés non pas à «l'avoir» mais à «l'être» ; ce sont les effets psychiques du pouvoir. En effet, à la longue, le pouvoir produit des effets psychotropes c'est-à-dire des effets qui entraînent l'esprit et stimulent les énergies. On peut y déceler cinq profils pathologiques. 1- Le maître, un «gourou» Il est motivé par l'accomplissement de soi. Il développe chez lui et chez les autres les capacités d'être responsable, c'est-à-dire à tenir et à assumer ses engagements. Il est engagé dans la réalité du terrain et orienté vers une ambition de progrès. Il assume une autorité sans états d'âme et sans partage tant avec ses collaborateurs qu'avec le milieu d'affaires. Il recrute ses collaborateurs à partir de rencontres directes ou en provenance d'alliances contractuelles. Il est le serviteur de ses partenaires. Ces collaborateurs le servent et servent l'entreprise. A l'instar du «gourou», le maître a le pouvoir, l'argent, l'information, le renseignement sur tout et sur tous. Il refuse d'écouter, de discuter, d'être contredit par ses subalternes ou salariés, du moins en public. Il a un désir ardent de supprimer ou d'éliminer toute personnalité chez ses salariés dans le but de leur faire exécuter n'importe quel ordre même en infraction avec la loi. C'est ainsi que toute l'entreprise devient un engagement partagé autour de son autorité. Chacun apportant le bénéfice de sa compétence et de ses qualités personnelles. Le profit matériel évidemment y trouve toute sa justification. Les éléments saillants de l'entreprise résident essentiellement dans la forte personnalité de son dirigeant. L'accès facile, rapide et «sans difficultés majeures» aux sources de financement extérieur, une gestion personnalisée en marge de la loi, une organisation informelle fortement cloisonnée et un style de direction d'inspiration tribale. La culture de l'entreprise est dominée par le culte du chef et du secret articulée autour de l'obéissance, de la discipline, du dévouement, de la loyauté et de la compromission. Pour ce faire, il s'agissait pour le leader de l'entreprise, d'une part d'afficher au personnel subalterne une sobriété et une modestie exemplaire d'un gestionnaire infatigable aux décisions tranchantes et, d'autre part, de donner aux autorités du pays et aux partenaires étrangers l'image d'un manager performant de dimension internationale dévouée à la chose publique et ayant la confiance des milieux financiers nationaux et internationaux. Le tout s'appuyant sur une organisation cloisonnée fortement personnalisée. Profondément ancrés dans les esprits, ces réseaux de solidarité fondés sur des liens réels ou supposés se reconstituèrent très vite derrière le paravent des organigrammes qui demeurèrent les véritables canaux d'accession au pouvoir sur les ressources et sur les hommes. Ces structures ne sont en réalité que des façades dissimulant des réseaux occultes et mouvants, des relations lucratives entre cousins. Par tous les moyens, celui qui détient une parcelle du pouvoir cherchera à faire intégrer les siens dans le circuit au risque de se laisser corrompre ou compromettre pourvu qu'il soit assuré d'être maintenu à son poste le plus longtemps possible. Le tribalisme nourrit sa clientèle en lui assurant une promotion économique et sociale. Ce qui explique que les relations qu'entretient le gestionnaire avec les tiers sont à base d'intérêts personnels et de réciprocité. L'absence de transparence, le refus de la contradiction, la confusion des tâches, la dilution des responsabilités et le manque flagrant de concertation font que les affaires de l'entreprise sont traitées en vase clos et que les rares compétences disponibles sont marginalisées, gelées, voire écartées par le système mis en place au bénéfice d'une minorité de privilégiés au sein et en dehors de l'entreprise. 2- L'enfant, un «profiteur» Sa motivation est de profiter de l'environnement en s'y intégrant comme un poisson dans l'eau. Pour lui, l'entreprise est «un jeu d'enfant». Il se contente de s'installer dans un créneau porteur et de profiter d'une rente de situation. Il arrive à multiplier par «n» son salaire en numéraire et en nature. Comment ? Il lui suffit d'être le point de passage obligatoire de toutes les commandes, de tous les achats, et donc la plaque tournante de tous les fournisseurs et autres prestataires. L'objectif est de drainer tous les petits «cadeaux» possibles que les fournisseurs offrent. Pour une entreprise privée, ces pratiques ne peuvent durer très longtemps car elle déposera très vite le bilan. Mais pour une entreprise publique, cela peut durer des années et des années. Ce genre de trafic dure généralement jusqu'au départ de la personne concernée. Il peut arriver que le successeur dénonce les pratiques passées, mais cela est rare, car une carrière peut être facilement détruite. Surtout si les prédécesseurs sont montés en grade. L'entreprise qu'il dirige est une sorte de théâtre où chacun joue un rôle en trouvant du plaisir et du profit. Il est généreux avec qui sait «jouer» avec lui. L'entreprise qu'il dirige n'existe que grâce à une conjoncture ou un rapport de force favorable. C'est le dirigeant qui n'hésite pas à faire des expériences sur le dos d'autrui et à prendre des risques en toute «sécurité». Sa seule ambition est de tirer le maximum de profit et de plaisir pour lui et son entourage sans aucune gêne. De tels gestionnaires préfèrent des subalternes de leur choix et organiseront la hiérarchie au sein de l'entreprise sur la base du conformisme en adoptant des attitudes passives non conflictuelles dans les affaires de l'entreprise. Autrement dit, il s'entoure d'hommes de confiance choisis selon des critères strictement personnels sans relation directe avec leur contribution à la production ou à leurs aptitudes à le faire. Leur position ne dépend pas de leurs performances mais de leurs relations personnelles avec le chef d'entreprise. Cette culture fait de l'entreprise un monde clos et secret verrouillé de l'extérieur par son principal dirigeant. De plus, en ville, l'appartenance à une famille, à une tribu, ou à un clan importe peu ; l'essentiel est de répondre à un impératif immédiat reconstituer de toutes pièces une famille qui garantissent à ses membres sécurité et épanouissement. De ce fait, il est notoire de trouver des services où du chef de service jusqu'à l'appariteur ou le gardien se retrouvent là parce qu'ils se connaissent ou prétendent se connaître et non en fonction de leurs aptitude ou de leurs performances. 3. Le père, un «dévoyé» Sa motivation est la protection des autres dans un dévouement qui vise à être aimé en retour. Il se veut sécurisant, protecteur, nourricier. L'entreprise est la reconstitution d'un schéma familial, d'un milieu privilégié qui favorise les relations affectives fusionnelles. Le recrutement des collaborateurs est une question d'affectivité. On entre dans l'entreprise comme on entre dans une famille. L'entreprise n'a guère de finalité que la satisfaction de ses membres et de ses proches sans autre projet à long terme que celui de pérenniser les privilèges. Confort et agrément pour tous, telle est sa devise. Les biens matériels acquis valent naturellement comme patrimoine de sécurité. L'argent n'étant pas le leur, ils peuvent le dépenser à profusion. On leur a seulement dit d'éviter de prendre des responsabilités pour ne pas s'exposer en première ligne; de savoir rester dans le moule afin de gérer leur plan de carrière au mieux de leurs intérêts. Ils ont été dressés pour obéir et non formés pour gérer. A suivre |