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Le retour à la légalité
constitutionnelle limité à quelques articles de la loi fondamentale du pays
n'est pas un indicateur suffisant d'une volonté de faire bouger les choses de
manière définitive et de rompre avec le mode passé de gouvernance.
Car, en contrepartie, on constate une certaine rigidité dans le cadre choisi par les autorités politiques pour répondre aux revendications populaires autour desquelles se sont mobilisés depuis maintenant plus de deux mois les Algériennes et Algériens. Même la main tendue aux personnalités politiques, dont le poids sur l'opinion publique n'a rien de certain, et la mention d'un possible dialogue, ne peuvent être considérées comme suffisantes pour indiquer une inflexion dans la voie suivie par les autorités supérieures, quelles que soient leurs composantes. On aurait souhaité une reconnaissance franche de leur part que leur brusque fidélité au texte constitutionnel -qui marque, en elle-même, une inflexibilité dans leur démarche, et un refus de prendre en compte la situation de perte de légitimité dont elles souffrent, et du rejet par la majorité écrasante du peuple du système constitutionnel actuel- n'est pas suffisante pour établir un climat de confiance avec le peuple et dépasser l'impasse actuelle. La Constitution, dans ce contexte politique complexe qui ne peut être dépassé par le formalisme légaliste, ne peut servir de prétexte au refus de prendre en compte les réalités du terrain. La Constitution ne peut pas être sacralisée au détriment des évènements qui se déroulent sur le terrain. Ce n'est, en définitive, qu'un texte écrit avec de l'encre et qui n'a de valeur que s'il ne contredit pas la réalité politique du pays. L'Algérie n'est pas le seul pays au monde où la loi fondamentale aura été incapable de régler des situations de crise profonde, qui exigent que les responsables politiques du moment sortent du chantier battu du textualisme impotent. «Nécessité fait loi» n'est pas seulement valide dans la vie courante. Ce dicton peut se prouver indispensable dans le contexte actuel. Un texte constitutionnel ne peut pas être la cause d'un blocage politique plein de danger. Une Constitution ne peut être un instrument d'accentuation du désordre, mais une voie pour dépasser la crise. Or, dans le contexte actuel ce texte, supposé consolider l'Etat de droit, est une cause de la continuation de la grande dissension actuelle, dont la conclusion est incertaine et, probablement, préjudiciable à toutes les parties en conflit ouvert. Le choix est donc clair : soit considérer que le respect de la Constitution est une fin en soi, quelles que soient les conséquences nocives de ce respect, soit sortir du cadre constitutionnel et trouver une formule nouvelle qui permette de dépasser le blocage actuel. L'activisme, qui se reflète dans les bruits de chaise à certains niveaux de responsabilité, n'est pas suffisant pour offrir une sortie de crise rapide. Même la décision de reconnaître enfin que le pouvoir judiciaire doit être en mesure d'assumer son indépendance, ne contribue pas, en elle-même, à rassurer la population mobilisée sur les intentions réelles des autorités politiques de fait. Un appel au dialogue dont les conclusions sont déjà imposées ? De plus, devant le refus de sortir du cadre constitutionnel, l'appel au dialogue n'est pas dépourvu d'ambiguïté. On ne peut pas appeler au dialogue et tracer unilatéralement non seulement le cadre de ce dialogue, mais également sa conclusion. Cette main tendue aux dissidents autoproclamés, quelle que soit par ailleurs leur représentativité, pourrait apparaître, donc, comme une manœuvre dilatoire, qui ne changerait rien au statu quo décidé unilatéralement par les autorités politiques, plus que comme l'indice d'une volonté réelle d'écouter les revendications populaires et de tenter d'y répondre sincèrement. Tant que les autorités n'auront pas définitivement clarifié leur position vis-à-vis du mouvement populaire, en prenant des mesures indiquant qu'elles travailleraient sincèrement pour l'émergence d'un véritable et authentique Etat de droit correspondant aux vœux populaires, on ne peut qu'être sceptique quant à l'issue finale de cette crise. Le refus de dépasser le statu quo politique ouvre la voie au chaos Tant que ne sont pas reçues des assurances claires et nettes de la part de ces autorités qu'elles ne tentent pas simplement d'avoir «à l'usure» le mouvement populaire et d'en revenir aux pratiques passées, la mobilisation populaire reste de mise. Mais, en même temps, le risque d'approfondissement du fossé entre ces autorités et le peuple grandit, avec l'éventualité, non écartée, d'une chute du pays dans le chaos, lorsqu'aux manifestations hebdomadaires s'ajouterait une désobéissance civile généralisée. La défense à tout prix du statu quo n'est pas la garantie du retour à l'ordre public et à la paix civile. Au contraire, plus longtemps les autorités publiques s'accrocheront à leur plan de sortie de la crise, qui ressemble à l'enfermement du mouvement dans un cercle vicieux qui le ramènerait à la situation précédant le 22 février, plus le risque de plongeon du pays dans le chaos s'accroîtra et plus complexes et coûteux seront les efforts de redressement politique et économique du pays que les gouvernants, présents ou à venir, seront obligés de consentir, et plus les sacrifices supportés par la population pour le retour à l'ordre seront lourds. La proclamation du caractère sacré de la Constitution n'est nullement suffisante pour assurer qu'il y a volonté officielle de rompre avec les anciennes pratiques de gouvernance. Un risque de plus en plus élevé de plongeon du pays dans le chaos Les autorités publiques doivent donner plus de preuves de leur volonté d'œuvrer pour en finir avec l'ancien système. Il est de leur intérêt, comme celui de la nation, d'aller au-delà de la main tendue et de l'appel au dialogue, dont le domaine et les conclusions ne sauraient être unilatéralement imposées par eux. Le risque de chute du pays dans le chaos n'est pas garanti tant que les manifestations dureront et que les autorités publiques restent sourdes aux justes et justifiées revendications populaires qui ne demandent pas l'impossible. Le retour à la paix civile et à la symbiose entre l'Etat et le peuple est d'autant plus indispensable que le pays est confronté à la multiplicité des problèmes, héritage des dérives sultanesques de l'ex-président, et dont la résolution ne se fera pas sans sacrifices et sans douleur pour toutes les composantes du peuple algérien. En conclusion Il a y encore une marge pour la sagesse salvatrice des uns et des autres, avant que la situation n'échappe à tous les acteurs de ce drame que vit notre pays, et qui menace même l'intégrité territoriale et l'unité nationale. |