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Christiane Chaulet
Achour (1) vient de publier chez les éditions Rachid Khettab,
ce premier semestre 2019, un ouvrage intitulé Echos Littéraires d'une guerre,
œuvres algériennes et guerre de libération nationale. La couverture, une toile
de Jean Degueurce(2) représentant la fête du 5
juillet, illustre de manière extraordinaire le contenu et l'esprit dans lequel
cet ouvrage a été conçu et rédigé et rappelle la liesse que la rue algérienne
est en train de vivre. «Quelle que soit la mesure que l'on prend aujourd'hui de
ce passé proche et fondateur, la littérature demeure le lieu par excellence
d'«enregistrement»» C.C.A. L'auteur a rassemblé dans cet ouvrage des études
synthétiques sur la présence de la guerre de libération nationale (1954-1962)
dans les œuvres littéraires écrites en langue française. S'inspirant de travaux
réalisés depuis le début de sa carrière professionnelle, elle dit avoir senti
le moment et le besoin de rassembler sous forme d'ouvrage les thématiques qui
lui tenaient à cœur.
En effet, enseignante et critique à la fois, elle a pu accompagner cette littérature depuis l'indépendance jusqu'à nos jours. Ce sont des œuvres littéraires «présentes au rendez-vous de l'histoire», qui a permis à l'Algérie d'accéder au statut de nation indépendante, qui sont questionnées par l'auteur à la fois critique et acteur de l'histoire. Pour l'auteur, le temps est venu où une étude lucide et sereine du passé doit être effectuée et il n'est plus possible, dans l'intérêt de la construction de ce champ, d'en faire l'impasse. L'ouvrage se décline en cinq chapitres qui retracent l'évolution de la littérature algérienne. Dans le premier, intitulé : 1962, le passage du témoin (Ouvrages, témoins, écrivains) Les textes et les positionnements d'essayistes, de romanciers, de journalistes, de dramaturges et de poètes ayant marqué l'histoire littéraire algérienne sont étudiés, notamment ceux de Frantz Fanon et Mostefa Lacheraf, des œuvres écrites par des Français ayant adhéré à la lutte de libération (Djamila Boupacha de Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi ; Itinéraire de Robert Bonnaud ; Sociologie de l'Algérie de Pierre Bourdieu, entre autres. Dans ce chapitre, l'auteur décrit et analyse l'émergence du champ littéraire algérien au lendemain de l'indépendance faisant un subtil va-et-vient entre la presse écrite Algérie-actualités, El Moudjahid, El Djezaïria, Révolution Africaine Alger-Républicain, les chaînes de radio et les œuvres littéraires. Enfin, une chronologie des évènements ayant marqué la période allant de janvier à octobre 1962, chronologie établie par l'auteur, éclaire et justifie même la nécessité d'un tel ouvrage en ces moments que traverse l'Algérie. Dans le deuxième chapitre, intitulé Ecritures algériennes de la guerre en langue française (1954-2010), Les mémoires de la guerre d'Algérie en Algérie et France sont décryptés et analysées. Pour l'auteur, ces mêmes mémoires se côtoient sans arriver à se mélanger et cela s'explique du fait même de la nature des deux populations qui avaient des intérêts contradictoires et donc des représentations différentes. Christiane Chaulet Achour s'est intéressée aux écrits de ceux qui ont soutenu la décolonisation et l'indépendance de l'Algérie. Le chapitre trois, intitulé La torture, chambre noire de la guerre, est présenté de façon à dresser un véritable panorama de la pratique de la torture en Algérie. Textes, définitions, témoignages, dénonciations, sont présentés de manière à permettre d'avoir non seulement des informations sur les actes de torture, mais aussi des informations sur comment ces actes étaient perçus par les différents protagonistes, politiques, intellectuels, et vécus par les victimes et leurs familles. Des ouvrages, essais, romans, des poèmes, des articles de journaux, reportages, des témoignages de victimes et leurs familles. Une première partie s'est intéressée aux écrits de dénonciation, une seconde, à la production littéraire algérienne et la torture et une troisième, à la mémoire reconstruite. Divers exemples sont choisis par l'auteur pour montrer la possibilité qu'offre la littérature de relier mémoire et torture. Le premier est celui du récit de Maïssa Bey, publié en 2002 conjointement en Algérie et en France, Entendez-vous dans les montagnes. Car, dit-elle, les amnésies provoquent des blocages qui empêchent d'arriver à un savoir objectif, documenté et informé sur ces actes. La littérature reste un moyen de détourner cette amnésie et un moyen de reconstruire la mémoire. Dans le chapitre quatre intitulé D'une guerre à l'autre en Algérie 1954/1992 - Effet de miroir, l'auteur soulève le problème de la littérature écrite pendant et dans les guerres et les moments mouvementés de l'histoire. Le roman devient le lieu par excellence de la mémoire et de sa représentation, «un miroir des convictions et des certitudes du lecteur» et ne justifie plus sa notoriété de son esthétique. «Le romancier devient porte-parole ou outsider». Les écrits de littérature algérienne des années 1990 a fait resurgir la guerre de libération nationale qui a presque disparu à la fin des années 70. «Mais depuis la recrudescence de la violence dans le pays, le regard de certains écrivains parmi les plus marquants, fait remonter la mémoire de la guerre de 54-62 pour essayer de comprendre cette nouvelle spirale de violence.» Le chapitre répondra à une série de questions pour essayer de comprendre, de comparer, des faire des parallèles? Le dernier chapitre, Ecrits d'Algériennes et guerre d'indépendance. Témoignages et créations, un véritable dossier composé de documents de voix féminines algériennes pendant la guerre de libération nationale est proposé au lecteur. Bien que très difficile à réaliser une cinquantaine d'années après, selon l'aveu de l'auteur, ce dossier met en exergue les difficiles négociations des écrivaines pour se frayer un chemin et trouver place dans la nation, avec des périodes d'avancées, d'autres de stagnation ou de régressions. Christiane Chaulet Achour conclut son ouvrage par une perspective assez positive dans la littérature française qui commence à peine à s'intéresser à cette période puisque tous les écrits jusque-là n'étaient qu'historiques alors que du côté algérien, la production littéraire sur la guerre de libération est foisonnante. Ce qui permettrait, ajoute-t-elle, de mettre «en parallèle ces corpus contrastés, pour pouvoir entrer dans la parole de l'autre, de part et d'autre, et mieux réaliser, à l'échelle humaine, la complexité de la guerre et les traces vivaces qui resurgissent dans des circonstances attendues ou insolites.» *Docteur en littérature francophone comparée. Centre universitaire Ain Témouchent. Notes 1- Née en 1946 à Alger, elle a suivi des études de philosophie et de littérature. Elle y a vécu et travaillé jusqu'en 1993. De 1997 à 2015, professeur de littérature francophone et comparée à Gergy Pontoise où elle a été directrice du Centre de Recherche textes et francophonies puis de janvier 2010 à 2015 responsable du pôle FLDS (Francophonies Littéraires du Sud). Thèse de doctorat d'Etat es Lettres, obtenue en janvier 1982 à Paris III Thèse de doctorat de 3ème cycle en Lettres modernes, obtenue à Nice en 1969. Diplôme d'études supérieures de lettres modernes, obtenu à Alger en 1967. Elle est l'auteur de plusieurs ouvrages critiques, et de dizaines d'articles scientifiques sur les littératures du monde francophone. Elle a encadré des dizaines de thèses de doctorats de divers pays francophones. 2- Jean Degueurce, peintre engagé pour l'indépendance de l'Algérie, s'est tué en accident de voiture en novembre 1962. |