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Pour introduire cette contribution,
je dois revenir aux racines de la naissance de l'Etat algérien durant la
révolution de novembre. Je reprends quelques extraits d'un article d'El-Watan du journaliste Boukhalfa Amazit, publié le 11 octobre 2006[1]. «On ne mesurera
jamais assez quelle a été l'importance du Congrès de la Soummam sur la
dynamique qui a mu le peuple algérien. Il lui a apporté le sentiment qu'il y
avait désormais quelque chose de solide qui supportait tout l'édifice. Le
Congrès de la Soummam a insufflé en nous quelque chose d'indicible? Nous étions
des combattants de la foi, des passionnés, des romantiques. Ça nous a donné ce
formidable sentiment que nous avions déjà un Etat. Cela parce que nous avons
été formés à cette école que nous pourrions appeler des «romantiques
idéalistes» qui ont sublimé leur révolution. Nous croyions en elle, nous en
étions passionnés et nous nous sommes donnés à fond. Mais à partir de 1962,
nous avons commencé à douter. Nous avons assisté à la déviation. A ce que
j'appelle, depuis, une entreprise d'usurpation. Non pas du genre «ôte-toi de là
que je m'y mette», mais une usurpation plus perfide, plus profonde. Morale».
Ali Lounici, capitaine de l'ALN, est l'auteur de
cette réflexion, s'en est allé, comme un olivier de moins dans le verger
Algérie.»
Il faut attendre 60 ans après, et c'est le vendredi 22 février 2019, et grâce au soulèvement populaire baptisé «HIRAK» qui est venu libérer les consciences en brisant les chaînes d'un système qui a plombé toutes les forces vives de la société et qui a trahi le serment des chouhada de la révolution. Je salue la position patriotique de l'Armée nationale populaire qui protège son peuple. Elle a démontré qu'elle émane réellement de l'héroïque Armée de Libération nationale. Elle veillera certainement pour la concrétisation des revendications légitimes du peuple. Il faut lui faire confiance pour choisir les hommes qui vont gérer la transition. Dans cet essai je vais essayer modestement de cristalliser les revendications de notre glorieux peuple. Fondements d'un Etat 1- On doit édifier un «Etat de droit». «Il désigne un principe de gouvernance en vertu duquel l'ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l'État lui-même, ont à répondre de l'observation de lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de droits de l'homme. Il implique, d'autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l'égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de l'équité dans l'application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l'arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs» [2]. 2- Séparation du pouvoir des institutions étatiques «Principe politique selon lequel les fonctions des institutions publiques sont divisées entre le pouvoir législatif qui fait les lois, l'exécutif qui les met en œuvre et les fait appliquer et le pouvoir judiciaire qui les interprète et les fait respecter.» L'objectif assigné par Montesquieu à ce concept est d'aboutir à l'équilibre des différents pouvoirs : «Pour qu'on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir.»[3] Nos institutions doivent être élues distinctement pour être indépendantes et fortes, afin d'exercer des contre-poids et d'éviter l'hégémonie et les dérives du pouvoir. 3- Les élections doivent être régulières, libres, transparentes et honnêtes Une suggestion aux jeunes du Hirak est de s'organiser dans toutes les wilayas pour quadriller tous les bureaux de vote sur le territoire national. Ils doivent veiller aux listes des votants, la participation réelle des électeurs et assister aux dépouillements des bulletins de vote. Il est important de bien choisir les représentants du peuple dans toutes les futures élections qui éliront les institutions étatiques (APC, APW, APN, président...). 4- Liberté d'expression de la presse La liberté de la presse et des médias doit être garantie par la constitution. Mais surtout elle doit être indépendante financièrement, car la quasi-totalité des titres de la presse et des médias sont aux mains du pouvoir de l'argent (hommes d'affaires, ex-DRS et clan du sérail). La publicité, source de revenus incontournable, est une autre manière de faire pression sur les médias, était pendant longtemps sous la main de l'ex-DRS et récemment sous la coupe du ministère de l'Intérieur. Selon l'éditorialiste au Quotidien d'Oran, M. Saadoune, c'est une des explications pourquoi les journalistes algériens sont incapables de dire à leurs lecteurs ce qui se passe vraiment dans le pays. Selon M. Redouane Boudjemaa, professeur à la faculté des sciences de l'information et de la communication d'Alger «Il n'y a pas de presse libre?il y a quelques journalistes libres». 5- Evaluation Elle doit être systématique, rigoureuse et périodique. Chaque responsable d'un secteur donné doit avoir un projet ou un programme bien ficelé avec des objectifs précis, une méthode rigoureuse et les moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs dans un laps de temps bien déterminé. Ce responsable doit être évalué régulièrement (bilan) par un organisme indépendant avec des critères pertinents quantifiables pour des réajustements si nécessaire ou remplacement si échec. Je prends l'exemple du futur président de la République. Un des objectifs prioritaires de la jeunesse est l'emploi. Au bout de 5 ans il sera évalué ou jugé sur la variation du taux de chômage. Pour pouvoir comparer, il faut au préalable avoir des données de référence sur l'emploi lors de la prise de sa fonction. Ces données doivent être fiables et réalisées par une institution indépendante de la présidence. Principes généraux 1- On doit respecter les valeurs de la nation algérienne (islam, arabité, amazighité, révolution novembre, emblème et l'hymne national) 2- On doit miser sur le potentiel humain car c'est la plus grande richesse d'un pays ; ce sont les ressources humaines qui doivent bénéficier de tous les moyens nécessaires pour bien évoluer dans tous les domaines stratégiques du pays. 3- On doit mettre en place un système d'évaluation rigoureux de tous les secteurs avec des paramètres pertinents et spécifiques à chaque domaine. Cette évaluation doit être réalisée régulièrement par un organisme ou audit externe. 4- On doit rétablir l'échelle des valeurs 5- On doit récompenser le mérite 6- On doit valoriser le travail 7- On doit libérer les énergies 8- On doit encourager la création de richesse 9- On doit exiger une transparence de gestion des institutions et organismes publics et privés. 10- On doit lutter contre la corruption qui a gangrené toutes les couches de notre société, sous le terme populaire de Chippa. 11- On doit fixer les priorités en fonction des besoins de la population. (emploi, sécurité, éducation, santé...) Secteurs stratégiques 1- Les services de sécurité doivent être dirigés par des professionnels intègres, compétents et efficaces. Ils doivent veiller en permanence sur les secteurs stratégiques du pays (intérieur et extérieur) et doivent mener une lutte implacable contre la corruption, la criminalité et le trafic de drogue qui fait des ravages au sein de notre jeunesse. 2- Une justice indépendante de l'exécutif surtout équitable et efficace. 3- Une éducation accessible à toutes les couches avec égalité des chances et universelle ouverte sur le monde dans les différents cycles d'instruction. 4- Santé : accessible à toutes les couches de la société. C'est un domaine que je vais développer dans un autre chapitre en ma qualité de professionnel de la santé sur le terrain. Mais je dois insister sur un point capital: il faut impérativement arrêter toute prise en charge de soins à l'étranger. Nous avons les compétences en Algérie, qu'il faudra valoriser, mais nous pouvons faire appel à des compétences étrangères complémentaires si nécessaire mais qui doivent apporter un plus de savoir-faire dans nos hôpitaux. 5- Université : doit rayonner par le savoir et surtout l'appliquer sur le terrain en tenant compte des besoins de la société. Former des diplômés avec des débouchés. 6- Une économie créatrice de richesse et d'emploi assurant une vraie indépendance et autosuffisance alimentaire et en produits stratégiques. Le défi qui attend les futurs responsables sont la réduction du chômage, la maîtrise l'inflation et atteindre l'équilibre budgétaire entre recettes et dépenses. 7- Culture : valoriser la diversité et la richesse culturelle de notre pays. 8- Habitat et urbanisme : faire respecter une urbanisation harmonieuse et surtout généraliser les espaces verts dans toutes nos cités. 9- Tourisme et loisirs: tout doit converger vers le «bien-être du citoyen» en améliorant la qualité de vie. Dilapidation des deniers publics La justice doit sévir mais le peuple exige surtout la récupération des avoirs spoliés, à l'intérieur du pays et surtout à l'étranger où des sommes colossales ont été transférées. Ces biens de l'Etat doivent être reversés au Trésor algérien. Avec des institutions fortes, on doit même diligenter les enquêtes sur les spoliations des capitaux et du foncier depuis l'indépendance de l'Algérie. Au minimum, il faut au moins obtenir que ces détournements doivent être réinvestis en Algérie pour la création de l'emploi et de la richesse. Par contre, ceux qui ont comploté contre le peuple et l'ANP, ils doivent être traduits devant la justice militaire pour haute trahison et sévèrement châtiés. Nous assistons à la naissance d'un vrai Etat de la République algérienne. C'était le rêve des martyrs de la révolution issu du peuple d'édifier un « Etat de droit souverain». Je tiens à rendre hommage à trois grands présidents algériens intègres et patriotiques: feu Houari Boumediene, feu Mohamed Boudiaf et Monsieur Liamine Zeroual. Le peuple algérien est un peuple libre, décidé à le demeurer. Son histoire est une longue chaîne de luttes qui ont fait de l'Algérie de toujours une terre de liberté et de dignité. Que Dieu nous aide à réaliser cet objectif suprême ! Dans cette vie éphémère, chacun de nous a une mission à accomplir, il doit faire correctement son travail quelle que soit sa position dans la société. Gloire éternelle à nos valeureux martyrs ! *Professeur hospitalo-universitaire - Chef de service médecine interne CHU Tlemcen References: 1- El-Watan du 11 octobre 2006 par M. Boukhalfa Amazit. 2- Indicateurs de l'Etat de droit des Nations unies. https://www.un.org/fr/peacekeeping/documents/rule_of_law_indicators.pdf 3- Montesquieu, Ouvrage De l'esprit des lois, affirme-t-il la nécessité de la séparation des pouvoirs. |