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Jusqu'à présent les
initiatives prises au sommet semblaient être plus animées par la volonté de
gagner du temps, en comptant sur l'essoufflement du mouvement populaire, que
par la tendance à montrer une certaine compréhension à l'égard de ses
revendications.
Le calendrier des décisions politiques s'ajuste aux périodes de dormance que sont le Ramadhan, dont le commencement se placera vers le 5 Mai, et les vacances scolaires où tout un chacun sera plus préoccupé à organiser sa période de loisirs annuelles qu'à penser à l'avenir du pays. Donc, il aurait suffi que les autorités publiques gèrent le temps avec suffisamment d'habilité pour qu'enfin arrivent les périodes annuelles où le cardiogramme du pays peine à dépasser le plat de la ligne horizontale. Peut-on compter les tout récents développements parmi les manœuvres dilatoires ? Une accélération brutale des évènements Les évènements se sont accélérés avec l'injonction venue de l'institution politique la plus dominante, de l'obligation d'activer l'article 102 de la Constitution, en de mettre fin immédiatement aux fonctions du chef de l'état actuel, et la décision finalement annoncée de sa démission avec effet immédiat. Cette déclaration apparait comme un tournant capital dans l'évolution de la situation, car elle indique sans ambigüité que ce chef d'état a finalement, et en toute sagesse, été lâché par son principal soutien. Dans le fonds, au-delà de son ton comminatoire et sans appel, cette déclaration ne fait que constater officiellement ce que tout le monde sait depuis les quelque sept années : que le chef d'état était incapable d'assumer ses fonctions. Cette fiction d'un homme physiquement, et sans aucun doute, mentalement diminué, mais encore supposé aux rênes du pouvoir, n'était plus acceptable, tellement elle apparait invraisemblable. Le moment opportun est finalement venu de faire référence à un article de la Constitution, dont il faut souligner qu'il aurait dû être mis en œuvre il y a sept années de cela. Il n'est jamais trop tard pour bien faire, d'autant que la situation politique délicate, pour ne pas dire dangereuse, que traverse le pays exige à la tête de l'état un homme en pleine possession de ses capacités physiques et intellectuelles. Bref, on reste dans la légalité « républicaine,» tout en mettant fin à une situation des plus absurdes où la tête du pays était occupée par un homme dont les capacités physiques étaient visiblement diminuées depuis fort longtemps. Un système constitutionnel qui a perdu toute crédibilité On doit souligner, au risque de paraitre à contre-courant du processus actuel de reprise du chemin de la raison , du bon sens et du pragmatisme, que le système constitutionnel actuel a perdu non seulement de sa crédibilité, mais également de sa force légale. Il n'est plus crédible parce que de multiples décisions prises récemment, et publiées sur le Journal Officiel, donc ratifiées, par les présentement ex-tenants du pouvoir, dont l'annulation des élections présidentielles, la prolongation du mandat présidentiel et l'établissement d'une période transitoire, ne trouvaient leur appui dans aucun article de cette Constitution, et donc la violaient de manière patente. L'incapacité du Conseil Constitutionnel de trouver à ces décisions un fondement légal tiré d'une des clauses du texte fondamental a prouvé, s'il le fallait encore, que ces décisions avaient un caractère arbitraire, car sans base juridique tirée d'une des dispositions de la Constitution. En conséquence de ces décisions, la Constitution a perdu de sa force légale, car ont été introduites, dans la pratique du pouvoir, des actions qu'elles ne prévoit pas et qui touchent , non pas des dispositions marginales, mais le cœur et le sommet du système politique. Dés lors que les conditions de désignation du chef de l'Etat et des modalités de son mandat sont violées, tout le reste du texte constitutionnel perd de sa puissance légale, par définition pour ainsi dire. Le système constitutionnel actuel est un système présidentiel. C'est là une option imposée unilatéralement au peuple algérien. Cette option a une logique juridique, qui court à travers toute la pyramide du pouvoir. Dés lors que cette logique juridique est battue en brèche, par la violation d'une quelconque de ses composantes, le système présidentiel légalement établi s'effondre. Dés lors que le chef de l'Etat, ou son «substitut,» proclamait vouloir se maintenir au pouvoir sans référence à la Constitution, il reconnaissait qu'il l'avait suspendue, et que, donc, tous ses articles tombent en désuétude. Un président du Conseil Constitutionnel nommé En violation des statuts de sa fonction On ne peut trop le répéter : la Constitution n'est pas un menu au choix. Ou on la respecte au mot et à la virgule prés, compte tenu des éventuelles interprétations qui sont le sort de tout texte humain, si important soit-il. Ou on en viole une des clauses. Et sa puissance juridique s'effondre. Aucune dialectique, si bien pensée soit-elle, ne peut réparer ce qui a été obéré par une décision unilatérale des gouvernants. Il s'agit de rien d'autre que d'accepter le système constitutionnel comme mode d'établissement du gouvernement, en respectant chacune de ses clauses, ou de le refuser en choisissant uniquement de respecter les clauses qu'on a intérêt à respecter. De plus, même la légalité du mandat du Président actuel du Conseil Constitutionnel, est contestée, puisque les conditions de sa nomination violent le texte qui les définit. Ayant déjà occupé ce poste dans le passé, ce président est frappé d'interdiction d'un second mandat à la tête de l'institution chargée de veiller à l'intégrité de la loi fondamentale du pays. Il ne peut, légalement, ni présider les séances de cette auguste assemblée, ni signer ses avis. Et donc tous les avis de ce Conseil, passés sous la présidence actuelle pourraient légalement être considérées comme nuls et non avenus. Quelle autorité aurait pu statuer en seconde instance sur la légalité des avis de la plus haute instance juridictionnelle du pays, et qui a la charge de veiller à l'intégrité du système constitutionnel ? Le montage institutionnel actuel ne permet pas la censure des avis de ce Conseil, au cas où ces avis souffrent de failles juridiques rédhibitoires. Un gouvernement nommé sur des bases constitutionnelles incohérentes Dans ce contexte constitutionnel ébréché, le chef de l'Etat, sur le point d'être mis à l'écart du pouvoir, du fait de son incapacité à exercer ses fonctions, pouvait-il légalement procéder à un changement de gouvernement ?On ne saurait pas à la fois vouloir entamer une procédure mettant fin aux fonctions du chef de l'état, par l'activation de l'article 102, et considérer comme légalement valide sa décision de constituer une nouvelle équipe gouvernementale, quelle que soit sa composition, quel que soit l'âge moyen de ses titulaires, et quels que soient la durée de leur mandat ou le contenu du programme qu'ils seraient chargés de mettre en œuvre. On est là en pleine imbroglio légal, et en pleine violation non seulement de la Constitution, mais également des règles du bon sens politique le plus élémentaire. Mais l'Etat doit continuer à fonctionner, malgré cet imbroglio, conséquence d'un machiavélisme auto-destructeur qui a abouti à l'impasse politique actuelle comme au mouvement populaire. Ceux qui ont tiré les conséquences ultimes de cet imbroglio constitutionnel ne pouvaient pas agir autrement. La responsabilité de cette situation tombe sur celui qui l'a délibérément créée, non de ceux qui ont pris la décision d'y mettre fin. Agir autrement aurait conduit à pire qu'un simple vice de forme constitutionnel. En conclusion : 1. C'est un gouvernement de fait qui gère le pays, et non un gouvernement de droit ; 2. Cette situation pourrait se justifier par le caractère exceptionnel de la situation que vit le pays; 3. Mais elle ne saurait se prolonger sans préjudice profond pour le système institutionnel du pays ; 4. A un défaut de légitimité prouvé par le caractère massif des manifestations s'ajoute un effondrement de la crédibilité du système constitutionnel actuel, créé par actes et décisions des autorités étatiques précédentes ; 5. Cette situation appelle à des solutions rapides avant qu'elle ne dégénère, 6. La sortie de cette phase dangereuse de l'histoire du pays ne peut s'effectuer que les autorités politiques actuelles acceptent de se mettre à l'écoute, sous une forme ou une autre, des revendications populaires, sous une forme qui prouve la sincérité de ces autorités et leur volonté d'assurer avec sagesse que ce pays évolue rapidement vers un système politique plus conforme aux vœux de la population ; 7. Quelle forme prendrait cette écoute ? En tout cas pas celle d'une conférence concoctée et gérée par les autorités politiques actuelles. Ce genre d'exercice a été tenté auparavant, et il a abouti à la consécration du statuquo politique, que le peuple algérien semble bien décidé à briser ! |