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«Etat
de grâce », c'est la dénomination traditionnelle des premiers mois charmants
que vivent les présidents de la République française, après leur victoire
électorale. Mais les difficultés arrivent bien vite et les Français commencent
vite à râler. C'est la période que traverse aujourd'hui Emmanuel Macron.
Certes, il a largement utilisé au début son image de chef d'Etat jeune,
sympathique, dynamique, qui donnait l'impression d'être attentif à chaque
Français, et surtout toujours souriant. Mais le sourire est devenu un peu
crispé. Car les difficultés s'accumulent et les Français manifestent un
mécontentement croissant.
Leur grogne vis-à-vis de l'exécutif présidentielle et son ample majorité parlementaire est-elle légitime ? On serait tenté de dire « oui et non ». Non, parce que le gouvernement ne bénéficie pas d'un environnement économique international favorable. La croissance ne redémarre pas, ou si peu, ce qui fait que le chiffre de 2% de croissance en France enregistré ces derniers mois, sont présentés comme une victoire alors que ces 2% de progression de la richesse nationale sont tous justes suffisants pour compenser la croissance démographique. La France est en effet un des rares pays européens qui a une croissance démographique positive et qui voit chaque année sa population augmenter. Mais, au sein même de cette population, les écarts de richesse continuent à s'accroitre. Les Français les plus riches continuent à s'enrichir quand la grande masse continue à se confronter à des difficultés matérielles ponctuelles mais surtout durables. D'où un réel mécontentement qui se manifeste notamment dans les sondages : selon le baromètre Elabe pour les Echos et Radio Classique, le chef de l'Etat décroche dur auprès des catégories populaires. Emmanuel Macron ne recueille la confiance que de 39% des Français interrogés par Elabe, pour affronter efficacement les problèmes qui se posent au pays. Une majorité de Français (55%, +3) déclare ne pas lui faire confiance, dont 24% (+2) « pas du tout confiance ». 53% des Français (+2) déclarent ne pas faire confiance au Premier ministre, Edouard Philippe, dont 25% (+3) « pas du tout confiance ». La confiance au chef d'Eat plonge dans les classes moyennes (moins six points avec 41% de confiance à Macron et son gouvernement) mais surtout dans les classes populaires (moins 7 points, à 27% de confiance). La première manifestation du mécontentement a bien sûr été une remontée des grèves, traditionnel moyen d'expression typiquement hexagonal : la France est effectivement championne quand il s'agit de faire la grève, comme le montrent les données de Wirtschafts-und Sozialwissenschaftliche Institut. Sur la période allant de 2005 à 2014, elle a perdu 132 jours de travail pour fait de grève pour chaque tranche de 1.000 salariés. Dans cette course, l' Hexagone est talonné par le Danemark, qui a perdu 124 jours de travail. Mais les partenaires européens historiques sont loin derrière. Certes, la Belgique atteint le score honorable de 84 jours, mais le Royaume-Uni et l'Allemagne tombent respectivement à 23 jours et 15 jours. Des chiffres plus récents : l'OCDE publie des chiffres collectés à partir de sources nationales, d'où il ressort que la France comptabilise 122 journées de grève par an, contre 7 pour l'Allemagne. Mais ces données sont difficilement comparables car dans plusieurs pays (la France, l'Allemagne ou la Belgique), les grèves du secteur public ne sont pas comptabilisées. Certains pays excluent les débrayages courts, d'une journée. D'autres intègrent tous les salariés de l'entreprise concernés par le mouvement, y compris les non-grévistes. « En résumé, difficile de comparer des pommes et des poires » conclut le site de France Inter. Et pourtant, dans le cas de la France, c'est le secteur public qui est à la pointe de la contestation : chemins de fer avec la grève SNCF, fonctionnaires, secteur électrique et gazier, Air France? C'est évidemment parce qu'ils disposent d'une relative sécurité de l'emploi que les fonctionnaires et les agents de sociétés publiques ou parapubliques lancent des mouvements de grève. Ne disposant pas de cette garantie, les salariés de droit privé sont beaucoup plus prudents. Ce qui ne les empêche pas de soutenir activement les cheminots de la SNCF. « ils font grève pour nous », même si tous les salariés rencontrent de grandes difficultés à se rendre à leur travail ou rentrer chez eux ! Comme un précédent mouvement social en 1995 (qui avait vu la chute d'Alain Juppé, le Premier ministre de l'époque), la grève de la SNCF de 2018 est vécue par l'opinion comme une sorte de porte-parole du mécontentement général. Les raisons de cette colère sont nombreuses. Au premier rang, le pouvoir d'achat qui n'augmente pas et qui recule pour beaucoup de catégories, d'autant que les impôts eux continuent d'augmenter. Les services publics sont en recul ou menacés : les réformistes gouvernementaux n'ont qu'un seul modèle, l'entreprise privée dans un contexte d'un très libéralisme économique : le moins de contribution fiscale possible et le moins de contraintes sociales, une productivité toujours accrue. Bref, un coût de travail le plus faible possible et un droit du travail réduits aux acquêts. Comment vont se dérouler les prochaines semaines en France, sur le plan social ? Le gouvernement qui souhaitait la privatisation de la SNCF et qui plus généralement, a fermé la porte à toute négociation sociale, se retrouve avec une France bloquée pour plusieurs semaines. Mardi, le premier ministre, Édouard Philippe, a martelé une nouvelle fois qu'il ne céderait rien. Difficile après, d'ouvrir une négociation? Aujourd'hui, Emmanuel Macron va faire deux interviews à la télé. On verra bien s'il dément un peu, beaucoup ou pas du tout son Premier ministre. Surtout face à une grève qui s'annonce dure et bâtie sur un modèle astucieux. On assiste en effet à la SNCF à une « grève perlée » : deux jours de grève et trois jours travaillés. Les cheminots ne perdent pas trop d'argent mais les deux jours de grève bloquent le système sur 5 jours. Dernier problème pour le couple Macron-Philippe, les étudiants français partent aussi en contestation. Le mois de mai approche? |