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Même si dans la morale financière
et bancaire issue des pratiques islamiques, il est nécessaire de respecter un
filtrage strict et la séparation rigoureuse des activités et produits conformes
des autres activités. C'est ce qui est communément appelé « éviter les
suspicions, si le terme convient !!». Même dans un
marché à fenêtre sur la banque islamique et finance islamique, il est de norme
de séparer les processus, les contrats, les ressources et les emplois, la comptabilité
et les revenus des deux types d'activité, in fine.
La rigueur sur ce plan ne manquera pas de donner une crédibilité et une conformité incontestable ainsi que la fiabilité morale recherchée par les bailleurs/investisseurs de fonds dans la banque islamique et dans les produits conformes aux préceptes de l'islam. L'expérience de certains pays, qui ont commencé par un système bancaire conventionnel et qui, par la suite, sont passés à un système bi-modèles ou sont allés carrément vers un système bancaire et financier totalement conforme, démontre l'importance de la rigueur réglementaire et législative dans la réussite de leurs démarches. Certains experts ne voient pas d'inconvénient à ce que les activités de la banque et des finances islamiques soient régies par les textes législatifs et réglementaires conventionnels. Ils donnent comme exemples certains pays qui n'ont pas changé leur législation, mais qui ont pu et su intégrer les produits et les instruments de la banque et des finances islamiques sans souci ni difficulté (la Grande-Bretagne surtout, la France, l'Allemagne, Maroc et peut être même l'Algérie). Cependant, les pratiques et les interprétations faites et construites autour de l'illicite et de l'interdit, par ailleurs très limitées, exceptionnelles et circonstancielles, ne doivent pas inhiber ni étouffer l'esprit universel et humain fait, quant à lui, de liberté, de tolérance, de cohabitation et d'utilité matérielle et morale. Les fondamentaux susmentionnés tendent en réalité à optimiser le bien-être humain dans une société épanouie et diverse. Les interdits ne sont pas là pour guider l'action du croyant, mais plutôt de l'encadrer et lui éviter tout dérapage alors que les fondamentaux, quant à eux, sont là pour constituer les motivations de son action et de sa conduite. Les produits de la finance et de la banque islamique sont très diversifiés, contrairement à ce que pense la majorité des spécialistes et des professionnels de la banque. Ils couvrent pratiquement tous les domaines et toutes les activités économiques pour la simple raison que la religion islamique ne légifère que pour le cadre général et global des contrats et ne limite que les contrats pouvant contenir des vices, des injustices et de potentiels préjudices pour les parties contractantes, notamment les plus fragiles et les plus vulnérables. La religion islamique énumère l'illicite au vu de son caractère exceptionnel et laisse la liberté au croyant de s'adapter à son environnement direct. Elle déconseille également aux croyants de poser des questions sur la licéité de certains sujets, de certains comportements et de certaines activités quand ceci n'est pas interdit expressément par Dieu : (101verset) : Pour le musulman, ce qui n'est pas expressément illicite/interdit est censé être licite tant que son impact négatif ou son préjudice n'est pas avéré. Nous constatons donc que les règles de conception, d'élaboration et de mise sur le marché des produits de la finance et de la banque islamique sont plutôt souples, tolérantes et ne répriment que les contrats vicieux, inéquitables et immoraux. L'interdiction de l'usure ou du Ribâa trouve son origine dans l'interdiction d'une pratique ancienne, qui n'est pas propre à la religion islamique et qui permettait aux riches, détenteurs des capitaux et monopolisant les fonds de dicter des contrats d'adhésion injustes, déséquilibrés et répressifs en vue de mettre leur main sur les biens et les richesses des pauvres et des plus fragiles. La multiplication des intérêts et leur capitalisation composée créait un service de dette insupportable et poussait les débiteurs à renoncer à leurs droits et à leurs biens, donnés en garantie de façon inéquitable et oppressive, car incapables de tenir leurs engagements. Le principe de régence autour duquel la notion de propriété est construite dans l'islam tempère grandement les impulsions et les envies possessives de l'être humain musulman/croyant. Or l'intérêt usuraire et les gains spéculatifs et/ou inéquitables relèvent des comportements d'individus et de personnes qui croient en la propriété absolue et définitive. Le caractère éternel des valeurs ou des richesses corporelles et matérielles en dit long sur la justesse du principe de régence et les divergences des croyances des uns et des autres. Une autre contribution viendra ultérieurement et sera consacrée aux différentes formes de produits de la banque et des finances islamiques pouvant être développés et mis sur le marché domestique ou même sur le marché international, surtout pour les titres portant sur des investissements et des actifs réels filtrés et conformes aux recommandations de la Charia. Les principes de commerce/négoce (direct ou par procuration), de participation (directe ou par mandat) ou de location (avec ou sans option d'achat) sont à l'origine de tous les produits de la banque et des finances islamiques. Nous y reviendrons plus en détail et essayerons de les simplifier et les rendre aisément accessibles aux lecteurs et aux responsables économiques nationaux. Il y a lieu juste de noter que dans l'islam, la prudence n'est pas interdite, mais plutôt vivement recommandée pour bien gérer les risques potentiels auxquels le croyant pourrait faire face (épargnes, contrats écrits, témoignages multiples, gages et Takaful). La solidarité n'est pas non plus interdite, mais vivement encouragée pour renforcer les liens sociaux et prendre en charge tous les accidents et incidents de la vie du croyant (prêts et emprunts de bienfaisance, Zakat et Sadaqa, Takaful, gestion gracieuse des actifs des orphelins). La marge bénéficiaire n'est pas non plus interdite ni prohibée. Au contraire, elle est clairement licite lorsqu'il s'agit de transaction commerciale, immobilière ou d'investissement et ses conditions doivent être clairement spécifiées et acceptées par toutes les parties (Musharaka, Murabaha, Mudharaba). La définition claire et l'enrichissement perpétuel de l'écosystème et de l'environnement dans lequel cette forme de finance évolue, déterminera le degré de son efficacité, de son efficience, de son apport socioéconomique et, en général, de son apport macroéconomique. Les faiblesses, les reproches et les insuffisances de cette forme de finance, notamment son caractère basé sur les croyances confessionnelles et les principes éthiques qui pourraient être qualifiés d'utopiques et irréalistes, n'empêche pas d'encourager son développement pour la simple raison que son existence est une richesse, une concurrence, une alternative, une liberté supplémentaire et un facteur de progrès social. Oscar Wilde disait : «Une carte du monde qui ne comporte pas l'utopie ne vaut même pas qu'on y jette un coup d'œil, car elle néglige le seul pays où aborde toujours l'humanité. Et quand elle y aborde, elle regarde autour d'elle, aperçoit une meilleure contrée et fait alors voile. Le progrès est la réalisation des utopies» dans «L'âme de l'homme sous le socialisme»(6). Rêvons donc et cultivons les utopies dans l'espoir de faire durer le progrès. *Cadre de banque, expert et consultant en Finance islamique Références et notes : 6- Oscar Wilde, écrivain irlandais, 1854-1900. Certains pensent que la morale, l'éthique, les valeurs et les croyances relèvent plutôt de la sphère abstraite, amorale et utopique que les concepts économiques ne peuvent et ne doivent inclure l'élaboration de leurs théories. Chacun est libre de vouloir aller là ou aborde l'humanité ou non. -Docteur Ahmed Al Najjar, dans «mouvement des banques islamiques : Les vérités de l'authentique et les illusions de l'image», éditions Sprint, Egypte. -«La finance islamique à la française : un moteur pour l'économie, une alternative éthique», livre coécrit par plusieurs auteurs sous la direction de Jean-Paule Laramée. Edition SECURE FINANCE, novembre 2008. |