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Le
bruit court et les déclarations se multiplient, 97% des exportations de
l'Algérie provenaient des hydrocarbures et le reste, soit 3%, revenait au
secteur hors hydrocarbures.
Bien sûr, un progrès minime et symbolique de 1% (98% auparavant) mais qui laissait espérer l'amorce d'une sortie progressive de l'ornière des hydrocarbures dans laquelle l'économie nationale s'est entravée et qui l'empêche de se diversifier, alors que l'après-pétrole tout proche menace. En effet, si la contribution du secteur hors hydrocarbures semblait s'être améliorée pour atteindre 3% du total des exportations, il s'est avéré que 0,65% de cette contribution était dû à des produits et dérivés pétroliers, c'est-à-dire des produits et dérivés à classer avec les hydrocarbures et non pas en dehors. Dans ces conditions, un calcul simple montre que, en réalité, les hydrocarbures représentent 99% et non pas 97% du total des exportations, alors que le secteur hors hydrocarbures n'en représente que 1% et non pas 3%. Non seulement l'ornière ne s'était pas atténuée mais, en atteignant la cote des 99%, était plus profonde qu'on ne pense. Il y a donc un haut risque, si on n'arrive plus à redresser rapidement la situation, de peur de voir le pays régresser vers une économie immergente au lieu de progresser vers l'économie émergente. L'Algérie aura-t-elle le temps et les ressources nécessaires pour se préparer à une économie d'après-pétrole dans le contexte d'un déclin de la rente pétro-gazière prévue pour disparaître complètement autour de 2030 si aucune action n'est entreprise pour retarder cette échéance ? Une économie mono-rentière très spécifique à l'Algérie est loin d'être prête pour un après-pétrole qui s'invite pour très bientôt. A cela le plus commun des lecteurs peut être surpris, habitué à la vague et fausse notion que l'après-pétrole est synonyme de tarissement des gisements donc une éventualité encore lointaine dont il n'y a pas lieu de s'inquiéter pour le moment et que la théorie du « peak-oil » devient absurde et peut-être que facultatif et que le pétrole et le gaz sont des économies hôtes et qu'il faut s'en foutre ? Par définition, l'après-pétrole commencera le jour où la rente pétro-gazière ne pourra plus équilibrer la balance commerciale. Sur la base de cette définition, le début de l'après-pétrole est tout proche et des signes avant-coureurs annoncés par les agissements anormaux des responsables du secteur énergétique du pays. Les institutions financière du pays, notamment la Banque nationale d'Algérie (BNA) et la Banque extérieure d'Algérie (BEA), n'ont pas pu, en maintes occasions, s'empêcher de tirer la sonnette d'alarme à propos de balances des paiements déficitaires. La Banque Mondiale (BM) signale, quant à elle, que le solde de la balance des comptes courants de l'Algérie devrait baisser de 2,6% du PIB en 2014 à 0,1% en 2015, où en est-on aujourd'hui ? Telles que la situation prévaut, il reste très peu de temps, certainement pas assez, pour mener à bien la transition vers une économie diversifiée, car la durée de vie de la rente s'annonce bel et bien plus courte que le temps requis pour cette transition. Surtout qu'il n'existe aucune politique énergétique, aucune stratégie, ni même une vision claire pour y parvenir. Aucun des programmes mis en œuvre à cette fin ne s'est avéré efficace jusque-là, avec des perpétuels changements de têtes recommandées par l'oligarchie du pouvoir se relayent au chevet de dame dinosaure Sonatrach agonisante. Depuis des décennies, nous ne faisons qu'entendre le même refrain qui revient à longueur d'année comme un leitmotiv : «Le développement des hydrocarbures servira à générer les revenus permettant de développer l'économie nationale ». Tout cela avait été prévu par la première charte nationale et le plan Valhyd ? En réalité, le développement de l'économie s'est confondu avec celui des hydrocarbures. Et s'il est vrai que des actions ont été entreprises dans les autres secteurs, la plupart se sont soldées par des échecs, et à chaque échec on sonnait la fuite vers la forteresse des hydrocarbures, seule capable d'assurer survie et protection. A tel point qu'on a créé domicile dans cette forteresse confortable, sans trop se préoccuper de ce qui se passait dehors. Après 53 ans d'indépendance, les choses se sont empirées, le pays dépend fortement de la recette des hydrocarbures exportées à hauteur de 99%. Une telle situation rend l'Algérie extrêmement fragile aux fluctuations du marché et la met en grand danger en cas de chute des prix ou de crise. La crise de la fin des années 80 est là pour le rappeler. Aujourd'hui, nous sommes en 2015, cette même crise est devenue une maladie chronique. La question fondamentale que nous devons soulever sur ce point est de savoir si on peut compter sur le potentiel des principales énergies alternatives de substitution disponibles en Algérie (solaire, schistes, charbon et uranium) pour assurer une transition énergétique et économique d'ici 2030, date butoir probable de la fin du pétrole et du gaz en Algérie, sous réserves de miracles de découvrir d'autres gisements potentiels. Potentiel des énergies alternatives de substitution 1 - Les hydrocarbures de schiste Il est pratiquement impossible d'évaluer le potentiel de production des schistes en Algérie pour la simple raison qu'on vient tout juste de forer un puits d'exploration a In Salah alors qu'aucune exploitation n'a commencé, alors que des dizaines, voire des centaines de puits pour acquérir un historique de production suffisant et nécessaires pour avoir une idée sur le potentiel et le choix des techniques d'exploitation. Par conséquent, la meilleure approche possible pour estimer le potentiel des schistes algériens, en l'état actuel des choses, serait une estimation analogique par rapport à celui des schistes américains où des dizaines de milliers de puits ont été forés et notamment les schistes de Barnett (Texas) où les puits possèdent l'historique le plus long. Ce rapprochement n'est pas évident, car la structure géologique change d'un continent à un autre, d'une région à une autre. Cette estimation analogique a déjà été entreprise dans une précédente contribution et a permis d'arriver à la conclusion qu'avec le forage de 200 puits par an on arrivera à obtenir une production à peine de 6 milliards de m3 de gaz/an. Si l'on porte le nombre de puits à 240 par an pour correspondre aux prévisions officielles de forage, elle ne dépassera pas les 7,2 milliards de m3/an, ce qui diffère très substantiellement des 60 milliards de m3 avancés à moins de forer environ 2000 puits par an. La technologie ne peut pas faire beaucoup mieux actuellement. Telles que les choses se présentent au plan des coûts, l'exploitation des schistes en Algérie n'est pas encore une opération rentable. C'est la raison pour laquelle il serait préférable, pour le moment, de se limiter à des projets pilotes jusqu'au jour où une combinaison favorable des progrès technologiques, des coûts et des prix du gaz rendra un développement à grande échelle attrayant. 2 - L'énergie solaire Tarissement annoncé des puits de gaz et de pétrole, l'Algérie s'est investie officiellement dans les méga-projets d'énergies renouvelables, essentiellement solaire, qui prévoit à l'horizon 2030 l'installation d'une capacité de 22.000 mW, d'une valeur de 130 milliards de dollars et qu'il était loin d'être rentable tout comme cela est souvent le cas à l'étranger où les projets de cette nature ne survivent que grâce aux subventions. De plus, ses dimensions démesurées rendent peu probable son achèvement dans les délais prévus, c'est-à-dire bien après le tarissement de nos ressources pétro-gazières, sous réserves de nouvelles découvertes en conventionnel. Sur la base des performances de la station solaire de Hassi R'mel qui, avec une puissance de 30 mW permettra d'économiser 7 millions de m3 de gaz/an, que le méga-projet ne pourra en économiser plus de 5 milliards de m3/an. Tout comme il ne pourra économiser plus de 150 milliards de m3 de gaz au cours de sa durée de vie, ce qui est largement inférieur aux 600 milliards avancés dans une autre estimation. 3 - Potentiel du charbon Les réserves, réparties dans le bassin de Bechar, s'élèveraient à un total de 263 millions de tonnes mais ont été abandonnées depuis des décennies, permettront d'économiser un total de 2,7 milliards de m3 de gaz. 4 - Potentiel du nucléaire Il est question, depuis un certain temps, de construire vers 2025, la première centrale nucléaire algérienne pour faire face à l'accroissement galopant de la consommation d'énergie électrique. Selon les données du ministère de l'Energie et des Mines, les réserves prouvées de l'Algérie en uranium avoisinent les 29.000 tonnes, tout juste de quoi faire fonctionner deux centrales nucléaires d'une capacité de 1000 mégawatts chacune pour une durée de 60 ans. Un ambitieux programme avait été initié par monsieur Chakib Khelil l'ancien ministre de L'Energie et des Mines qui prévoyait de produire du combustible nucléaire à l'aide des phosphates nationaux disponibles. En supposant qu'une telle centrale nucléaire civile sera construite malgré les problèmes de rentabilité, de sécurité et d'alimentation en eau, elle ne permettra d'économiser qu'environ 1,35 milliard de m3 de gaz par an et donner à l'Algérie l'accès à ce genre d'énergie méconnu dans notre pays et faciliter la transition d'une partie essentielle du panier des énergies devant remplacer progressivement le pétrole et le gaz. 5 - Contribution de l'ensemble des énergies alternatives au futur mix énergétique algérien. Le total de toutes ces contributions, en équivalent gaz, qu'il permettront d'économiser, s'élève donc à 16,25 milliards de m3/an. Comparé à la production actuelle de gaz d'environ 85 milliards de m3/an, l'apport de ces 16 milliards n'en représentera que 19%. En fait, si l'on tient compte de l'accroissement de la consommation locale qui pourrait atteindre les 70 milliards de m3/an d'ici 2030, et si on veut maintenir les exportations à leur niveau actuel de 55 milliards de m3/an, la production totale devra s'élever à environ 125 milliards de m3/an. Dans ce cas, l'apport de 16 milliards de m3/an ne représentera que 13% du total. Comparé à la production totale d'hydrocarbures (gaz + liquides + brut) qui tourne actuellement autour de 200 millions de TEP, cet apport ne représentera plus que 6.5% du total. On déduit que : seuls les hydrocarbures conventionnels pourront jouer dans la transition vers une économie d'après-pétrole. Il est tout à fait clair que les énergies alternatives, même si elles s'avèrent rentables, ne pourront apporter qu'une contribution très marginale par rapport aux besoins énergétiques anticipés à l'horizon 2030 (et probablement au-delà). Elles ne seront pas en mesure de générer les ressources nécessaires au financement de l'économie d'après-pétrole. Dans ces conditions, tout l'espoir réside dans les hydrocarbures conventionnels qui seuls peuvent jouer le rôle d'une énergie de transition capable de générer les ressources requises à cette fin. D'autant plus que le domaine minier algérien est réputé être sous-exploré et sous-exploité à 85%. Pour y parvenir, il sera nécessaire de concentrer le gros des efforts à l'amont afin de stimuler la production et freiner ou, encore mieux, inverser le déclin dans lequel celle-ci vient d'entrer. Si ces efforts donnent leurs fruits alors une nouvelle chance, à ne pas rater, s'offrira pour préparer l'après-pétrole en gardant à l'esprit qu'elle sera peut-être la dernière, car les capacités futures de l'amont restent incertaines. Aussi, nous ne pouvons qu'être en accord complet avec la démarche des responsables du secteur de l'énergie qui, pour les mêmes raisons ou pour des raisons différentes, concentrent le gros des efforts sur l'amont des hydrocarbures conventionnels.. Par contre, l'immense investissement de plusieurs centaines de milliards de dollars prévu pour les énergies alternatives, en particulier le solaire et les schistes, semble prématuré et devrait être retardé jusqu'à ce que les projets deviennent rentables. Entre-temps, des développements pilotes limités suffiront pour se préparer, au moment opportun, à un déploiement à grande échelle sachant que tôt ou tard ces énergies trouveront la place qui leur revient dans le futur mix énergétique. L'essentiel d'un tel investissement pourrait être utilisé à meilleur escient pour promouvoir l'économie d'après-pétrole et, dans le même ordre d'idées, pour renforcer encore d'avantage l'amont pétro-gazier. Au point où nous sommes et aussi paradoxal que cela puisse paraître, la meilleure voie à suivre pour ne plus dépendre de la rente c'est de la prolonger le plus longtemps possible. Le paradoxe des centrales hybrides solaire/gaz Comme solution de rechange pour parer à l'épuisement drastique des réserves en hydrocarbures conventionnels et en vue d'assurer son après-pétrole, le recours à d'autres énergies à été obligé. Un véritable méga-projet initié en 2011 prévoyant de mettre en place d'ici 2030 une capacité de 22.000 mégawatts d'électricité solaire dont 10.000 destinés à l'exportation. L'objectif recherché est de produire, à cette date, 40% de la consommation nationale d'énergie électrique et semble être inspiré par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui prévoie que, à l'horizon 2030, 40% de l'énergie électrique mondiale sera d'origine renouvelable. Un objectif d'ailleurs plus que douteux vu le revirement vis-à-vis du solaire dans de nombreux pays comme l'Allemagne et la mise en veilleuse de Déserte, dont l'Algérie est partisane. Le projet proprement algérien, qui repose sur le déploiement à grande échelle de plusieurs formes d'énergie solaire, en l'occurrence le photovoltaïque, le thermo-solaire et les centrales hybrides solaire/gaz. En vérité, pour plus d'information pour le lecteur, il existe deux types de stations solaires utilisant deux procédés complètement différents pour la production d'électricité : le photovoltaïque et le thermo-solaire. Le photovoltaïque consiste à produire de l'électricité directement à partir du rayonnement solaire. Il nécessite pour cela l'utilisation de cellules à base de silicium cristallin dont le fonctionnement repose sur le principe des semi-conducteurs et à l'intérieur desquelles quelques électrons sont mis en mouvement (faible courant) lorsqu'ils sont bombardés par les rayons lumineux (photons). Pour récolter de grandes quantités d'électricité, il faut mettre en œuvre un nombre très élevés de cellules regroupées en panneaux qui sont eux-mêmes déployés à l'intérieur de parcs solaires pouvant couvrir des centaines d'hectares, afin de multiplier la collecte d'énergie au prorata de la surface engagée. Nous n'en dirons pas plus sur le photovoltaïque car il n'a rien à voir avec les centrales hybrides. Le thermo-solaire, quant à lui, produit de l'électricité indirectement à partir de la chaleur émise par les rayons du soleil. Celle-ci est captée par des miroirs en général de forme cylindro-parabolique, permettant de recevoir la chaleur diffuse envoyée par le soleil. Le miroir concentre cette chaleur et la renvoie vers un fluide qui doit cumuler cette chaleur de plusieurs centaines de degré Celsius. Cette chaleur (énergie) est transportée le long d'une ligne à des fins utiles. Dans notre cas, le fluide caloporteur circulant le long de ces lignes focales dans des canalisations est dirigé à très haute température vers un échangeur de chaleur pour chauffer une chaudière. La vapeur ainsi produite va faire tourner une turbine à vapeur qui, reliée à un alternateur, génèrera l'électricité requise. On obtient la transformation suivante : énergie solaire -énergie calorifique-énergie mécanique- et enfin du courant électrique à consommer. La quantité de chaleur fournie par chaque miroir étant faible, il sera nécessaire d'en déployer un très grand nombre dans des parcs thermo-solaires pouvant, eux aussi, couvrir des centaines d'hectares. L'électricité produite sera donc proportionnelle à la quantité de chaleur générée. Aussi, un pays comme l'Algérie gagnerait-il mieux s'il réfléchit avant de poursuivre le reste du projet de centrales hybrides qui soulève bien des interrogations. Parmi ces interrogations, il y a celles qui portent sur la raison d'être des nombreuses centrales hybrides solaire/gaz programmées dans le cadre du projet et dont le nombre s'élève à 27, a-t-on annoncé. En effet, force est de constater que ces centrales ne sont pas, comme on le prétend, la grande percée technologique ouvrant une nouvelle approche pour la promotion de l'électricité solaire. Bien au contraire, elles sont en complète contradiction avec une telle vision et aboutissent à un résultat tout à fait opposé. L'Algérie, qui est le premier, ou l'un des tous premiers, parmi les rares pays qui en ont déjà implanté une sur leur sol, semble s'y être engagée un peu trop vite et sans réflexion préalable. S'agit-il, au juste d'une avancée innovatrice ! Ou, au contraire, d'une surprenante aberration technologique ? Pour s'en convaincre, il est nécessaire, tout d'abord, de comprendre ce qu'est une station solaire, ce qu'est une centrale électrique à cycle combiné gaz, ce qu'est une centrale hybride solaire/gaz et avoir une idée du manque de rentabilité des projets thermo-solaires. A suivre... *Ingénieur d'Etat, expert en énergie - Association algérienne des relations internationales - 119 Bd Didouche-Mourad, Alger Centre |