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Ed :
APIC-Octobre 2015
Le nouveau livre de M. Mansour Kedidir, quoique présenté comme roman, est en vérité un essai historique relatant presque à chaud les évènements survenus en Algérie depuis l'Indépendance. C'est un livre à thèse rapportant sous divers thèmes sociaux la réalité vécue par les citoyens individuellement et collectivement au sein d'une société en crise provoquée, pour certains, manipulée pour d'autres, tant les enjeux sociaux sont importants, pour surveiller enfin la population pour qu'elle ne s'écarte pas d'un cadre tracé d'avance. A chacun sa vérité et sa vision parce que de la transmission et la perception du discours dépendra la survivance de certains intérêts à travers les pouvoirs, spirituels et temporels. Le point de départ du livre est la suspicion propagée contre un professeur de la capitale par une rumeur assassine, s'ampliant avec le temps sans savoir par qui elle a été inventée, et dans quel but et pourquoi tel intellectuel, donc producteur d'idées, a été choisi pour être le bouc émissaire de sa corporation ou de ceux qui l'approuvent sans se manifester. Victime d'une dénonciation qui s'est avérée infondée, le professeur, pour s'éloigner d'une société qui ne fait plus de différence entre le vrai et le faux, entre le temporel et le religieux, accepte d'être muté avec promotion dans un village très éloigné de la capitale. Ce déplacement est vécu au départ par lui comme un véritable exil. Quoique nommé directeur du collège de ce village, Aïn Dib, c'est-à-dire notabilité faisant partie des corps constitués, donc astreint à certaines obligations administratives protocolaires, qu'il considère le nid des opportunités. D'une façon générale, les enseignants étaient mal vus à l'époque parce que considérés faussement comme diffuseurs d'idées contraires à la morale islamique. Durant cet exil, sa personnalité s'affermit, et il ne comprend pas pourquoi l'homme devient subitement un loup pour son semblable au nom de Dieu qui est avant tout amour et miséricorde. La vie villageoise pour lui est un enfer à cause de la peur qui s'installe dans la Cité avec l'apparition du terrorisme islamique non conforme aux prescriptions ancestrales de la société musulmane. C'est l'engrenage et les accusations réciproques émanant pour certains des conservateurs adeptes de la théocratie contre les modernistes soupçonnés d'être apôtres de la laïcité, c'est-à-dire le contraire de la religion du pouvoir politique et de la majorité silencieuse de la population. De ce fait, la violence qui s'installe dans la société est le résultat du désenchantement provoqué par l'arrogance de certains qui oublient leur origine sociale pour montrer ostensiblement leur richesse spontanée, fruit de la rapine, de la ruse et de l'opportunisme en s'affichant toujours auprès des plus forts, c'est-à-dire des pouvoirs en place. Pour certains ces jouisseurs ont mal assimilé les concepts du monde moderne et, pour étaler encore plus leur hypocrisie, ils n'hésitent pas à se présenter habillés en blanc à la mosquée le vendredi. Cette confusion entre le politique et le religieux porte préjudice à la fois aux pouvoirs politiques et religieux. La nébuleuse terroriste se nourrit du manque de la communication des porte-paroles des idées justes et conformes à l'esprit du temps et les traditions ancestrales mais vivifiées par l'apport des sciences, de toutes les sciences pour le développement spirituel de l'homme, du citoyen. Mais les scènes d'horreur vécues par les habitants d'Aïn Dib, certains soirs rappellent Bentalha et les massacres des tueurs au nom d'Allah pour assouvir leur instincts grégaires et inhumains. L'ouvrage de M. Kedidir est à la fois histoire sociale, culturelle et cultuelle mais avec un sous-jacent profondément politique. Si le livre est présenté comme une fiction romanesque, il reste néanmoins un pamphlet contre la manipulation des concepts révolutionnaires et religieux à des fins politiques par les uns et les autres. En réalité, l'ouvrage de M. Kedidir est la transcription du vécu d'une population traumatisée à une certaine époque, par les soi-disant fous de Dieu, se considérant pour des nouveaux messies. Pour avoir exercé de hautes fonctions dans la magistrature et aussi dans la haute administration, M. Kedirir était le mieux placé pour décrire des situations subies affreusement par la population à une certaine époque et qui n'a trouvé l'apaisement que de la conjonction de l'armée, des services de sécurité et de la population qui s'est réveillée de sa torpeur par l'éveil individuel et collectif des citoyens et citoyennes. La philosophie du livre, d'où se dégage de vastes connaissances intellectuelles et humanistes est que l'histoire des idées évolue sans cesse dans la grande durée pour s'intégrer à la fin dans l'histoire nationale du pays. Enfin, pour ne pas rester accroché à des idées périmées d'une tradition bloquée ou mal comprise, il faut avant tout penser l'avenir en favorisant l'éducation, seule à même de régénérer les peuples. * Avocat |