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«Il faut nous
arracher la joie aux jours qui filent» Maïakovski (1893-1930), poète russe
Je rêve de la lumière, je rêve de la verdure, je rêve d'un fleuve de tendresse irriguant les cœurs des miens. Un fleuve bordé de vastes champs plantés de pivoines, de nénuphars, de coquelicots et de toutes sortes de roses. Je rêve d'un ciel bleuté d'azur, je rêve de la blancheur enneigée de nos hautes montagnes étalée sur les façades de nos villes et de nos villages, je rêve d'un printemps de jeunesse aux couleurs de défi et d'ouverture? Mes rêves n'ont pas de bornes, ils sont d'ici et d'ailleurs, brins irisés qui flottent en autant de météores dans notre quotidien aride. Faut-il alors que l'on me blâme partout parce que je suis un jeune rêveur dans un pays frappé de sénilité et spolié de la moindre semence de rêve? Faut-il que soient tombées dans l'eau ces lueurs diaphanes qui ont pu échapper des fentes de notre gouffre de désillusions ? Et que nos espérances baissent à jamais rideau, cessant d'assembler les ficelles dispersées de notre avenir ? Non! Je m'inscris en faux contre ce lugubre présage et fonce avec mes mélopées de bohème dans des escapades printanières car je suis un fou amoureux de l'aventure. Je rêve de ce jour béni sous l'ère d'une Algérie plurielle où l'on se retrousse les manches pour labourer nos cerveaux, cultiver nos terres et reconsidérer à leur juste valeur la sueur, l'effort et le sacrifice. De ce jour où j'entendrai dans toutes les chaînes de télévision nationales ou étrangères que les secteurs de l'éducation et de la culture sont dotés du premier budget de l'Etat. Sais-tu de quoi je rêve encore aujourd'hui ma triste lumière ? Je risquerai peut-être de te choquer si je vide toute cette besace onirique devant tes yeux, ce lourd fardeau que je trimballais depuis longtemps sur mon cœur! ça bouillonne dans ma cervelle et dans mes tripes, ça démange tout au long de mon corps, ça picote, ça chatouille dans mes veines et dans mes bras et je n'y peux malheureusement rien. Et pourtant, ce ne sont-là que de simples souhaits sous d'autres cieux ! Je rêve que l'on mange maison, de ce que fabriquent nos mains ! Je rêve d'un président jeune et dynamique, d'un parlement sans tutelle ni béquilles, de cadres d'une probité exemplaire dont la seule préoccupation est d'assister nos jeunes et nos masses. Je suis comme porté par l'ivresse des émotions sur les ailes d'une colombe blanche. Ça doit être sans doute la sœur jumelle de notre rêve, le mien et le tien. Je n'en sais rien, je divague, qui sait ! Une colombe ayant parcouru les quatre coins de cette Algérie lassée d'elle-même, traversant les plaines du nord et les dunes du Sahara avec pour unique message : l'amour, l'union et la fraternité. J'ai d'autres choses à te raconter ma triste lumière. Je rêve de me balader un week-end dans toutes tes villes sans que je trouve ni poubelles ni ordures jonchant les rues. Je rêve qu'à chaque fois que je franchis le seuil d'une administration, des visages me sourient avec courtoisie, des fonctionnaires plus que prêts à me servir m'accueillent avec sérieux et professionnalisme et que tout à l'intérieur sera fait en sorte que je sois détendu et content. Je rêve également que nous ayons des hôpitaux aux normes universelles où aucun malade ne sera négligé ni piston toléré. Je rêve pour ne plus mourir, pour espérer, pour te regarder vivre joyeuse, toi, ma lumière! Je rêve parce qu'ils m'ont dit que l'espoir étouffe, quelque chose qui ne ressemble à rien, là-bas au pays des merveilles. Ô toi malheur, dis-moi pourquoi tu t'acharnes encore contre nous? Pourquoi tu nous voles nos joies et nous prives du sourire ? Aujourd'hui, je suis pourtant aux anges, parmi les étoiles, animé de la plus pure volonté et déterminé comme mon ancêtre numide à unir nos rangs, vaincre l'imbattable mythe de Sisyphe, effacer nos tourments et brûler nos larmes. J'allume une mèche, j'allume une bougie, j'allume un flambeau, une gerbe d'étincelles au milieu de cette suffocante grisaille, pour que ta fumée se dissipe, nous laisse en paix et quitte nos têtes, nos écoles, nos jardins, nos rues, nos foyers et nos stèles. Je suis un roseau qui chante gaiement une symphonie, un roseau à tête de colombe dont les yeux grands ouverts suivent une flotte d'hirondelles qui survole notre théâtre de la honte. J'écoute les cris de mes frères, surgis d'un coin perdu de notre désert, cette terre des sables fins, des vents chauds, des frissons des origines et de la sagesse millénaire. Je suis triste comme eux, car je ne sais pas jusqu'à quand les maîtres de céans continueront-ils de nous prendre pour des débiles, des sujets attardés et des assistés de la pensée, tantôt nous dressant les uns contre les autres, tantôt laissant exploiter à mauvais escient les richesses de notre sous-sol, et souvent négligeant tout le monde. J'écoute maintenant ton chant ma lumière, j'écoute tes pouls, tes coups et tes échos. J'écoute ta douleur qui me blesse et pose mes pieds dans ton orbite, affecté par les rayons pâles de ta tristesse. J'ai entre autres folies, la folie de ton amour. Une folie douce, naïve et violente. Je suis l'arrière fils de la génération du feu dont il ne reste que des cendres. J'ai dévoré tes épopées, me suis longtemps endormi sur le flanc de tes légendes, fasciné par tes pages luisantes d'or. Mes mots te taquinent ma muse, ô toi sirène de mes songes, tutoient les cimes galactiques de ton univers et s'échinent à forger une sépulture à nos maux. Mes mots se révoltent, scintillent, s'amusent et dansent dans ta voie lactée afin d'oublier notre étrange nostalgie des temps perdus. Sais-tu alors pourquoi j'écris aujourd'hui ces vers? Sais-tu pourquoi je nage à contre-courant de l'orage maussade du pessimisme? Sais-tu pourquoi je m'entête à contrarier l'évidence de l'inertie? Sais-tu pourquoi je m'accroche aux brises du printemps? C'est sans doute parce que ma plume croit en une Algérie nouvelle, une Algérie qui ne se résigne devant rien pour aider ses enfants, leur éviter le calvaire de la hogra, le drame du chômage, la souffrance de l'exil et l'ennui de l'incompréhension. |