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Suite et fin De par son histoire, l'Algérie reste toujours un pays à abattre, au même titre que la Syrie ou tout pays qui a des aspirations légitimes pour une gouvernance démocratiques, ce qui porte atteintes aux autres régimes politiques monarchiques arabes. 7. QUESTIONNEMENT SUR L'AVENIR DE L'ALGERIE Il y a une vérité à dire, et elle est très importante. Toute la croissance économique en Algérie est fondée essentiellement sur les exportations pétrolières qui, grâce aux pétrodollars, donnent une «illusion» que l'économie est en bonne voie. Nous sommes dans l'erreur, la croissance économique ne peut dépendre que des fluctuations des cours du pétrole. Toutes les réalisations en Algérie, à savoir l'autoroute Est-Ouest, les centaines de milliers de logements, les millions de voitures importées, etc., relèvent principalement des recettes de la vente du pétrole et du gaz à l'Europe, aux États-Unis et aux autres pays industriels. Et même ces réalisations sont faites en grande partie par la main d'œuvre chinoise, turque, indienne, etc. Donc il n'y a pas réellement de transfert de technologie, ni d'intéressement pour la main d'œuvre ou très peu. D'autre part, il n'y a plus cette aura du passé que nous rappelle le «volontariat», ou l'«idéologie nationaliste» du temps de Boumediene. Ce qui est très dommageable pour le tissu politique et social. L'Etat gère actuellement «la chose publique comme si le peuple n'était qu'un objet à nourrir, à pourvoir, à acheter». Le peuple est considéré non mûr, peu productif, peu créatif et cette philosophie du régime joue pour les politiques et que la «clientèle» renforce pour se donner conscience et confiance parce que ce n'est pas leur faute mais la faute au peuple qui n'avance pas. Et c'est ce qui explique pourquoi la crise en Algérie reste toujours latente, le peuple méfiant, et la paix sociale essentiellement du «pouvoir d'achat du citoyen», et ce que l'Etat peut accorder en largesses pour éviter l'explosion sociale. Et une pareille philosophie ne peut s'inscrire que dans la médiocrité de la gestion de la «chose publique» contrairement à ce qui devait être, une véritable croissance économique, certes qui sera difficilement acquise mais expliquée et mise en application, elle aboutirait certainement par l'effort et le débat, et donnerait probablement plus de la stabilité à laquelle aspire l'Algérie. Elle ferait revenir les valeurs algériennes qui travaillent en Occident ou en Asie, et ils sont là-bas parce qu'ils n'ont pas de place en Algérie. Aussi, faut-il dire il n'y a pas réellement une vision d'avenir pour l'économie nationale, et qui dit économie nationale, dit peuple, dit paix sociale. Et ni les autoroutes, ni les barrages, ni les constructions de logements, ni toutes réalisations économiques qui sont certes nécessaires et ne prennent pas en compte l'appareil productif ne peuvent assurer une véritable croissance économique pour la nation. Et le verrouillage médiatique vient encore fermer le débat sur les solutions pour l'Algérie pour le moyen et le long terme et ne laisser le débat qu'à des spécialistes «proclamés et désignés» pour expliquer ce qui doit être imposé. Ce qui est très négatif pour la nation, et pour la stabilité de l'Algérie. En ne prenant qu'un point, et celui-ci est majeur pour l'économie nationale et la stabilité du pays. «Les instances algériennes ont-elles pris conscience des évolutions économiques, financières et monétaires dans le monde, en particulier aux États-Unis, en Europe et au Japon ?» Ces évolutions en cours vont avoir un impact considérable sur l'économie nationale à moyen terme. Pour comprendre, l'Algérie dispose aujourd'hui de 200 milliards de dollars environ de réserves de changes, la Chine dispose de plus de 3500 milliards de réserves de change, alors que l'Europe comme les États-Unis sont fortement endettés. Plus de 100% de dette publique pour les États-Unis, et non loin de 100% pour l'Europe. Il est évident qu'il y a un déséquilibre flagrant pour les deux grandes puissances occidentales et le reste du monde. Et l'Algérie fait partie du reste du monde. Que vont-ils faire les Américains qui détiennent la première monnaie du monde, le dollar, pour régler ce déséquilibre ou du moins l'atténuer ? Ils doivent tôt ou tard dégonfler ces réserves de change et en même dégonfler leur endettement. Bien que l'endettement est libellé en leurs monnaies, ce qui ne crée pas de risques pour eux, mais le déséquilibre limite leur manœuvre. Deux moyens leur sont disponibles pour opérer un «réajustement». Soit opérer une «inflation mondiale», soit une «déflation mondiale», et les deux moyens sont négatifs pour l'économie algérienne, et cela peut amener aux crises que l'Algérie a vécues dans les années 1980. En effet, pour le premier moyen, les Américains peuvent par une forte émission monétaire dans un court temps de l'ordre de deux à trois années amener une inflation mondiale dans les pays du reste du monde. Par la forte croissance monétaire, les prix vont augmenter partout dans le monde, les taux de change entre l'euro et le dollar fluctueront peu puisque cette croissance monétaire est synchronisée, les émissions monétaires joueront dans les deux côtés de l'Atlantique. Conséquences. Si la hausse des prix des biens et services en Occident augmentent fortement, elle est compensée par la hausse des salaires. La situation serait maîtrisée dans ces pays. Mais, dans le reste du monde, en particulier en Algérie, et c'est ce qui nous intéresse, les prix vont monter en flèche, évidemment le cours du pétrole va augmenter, la balance commerciale va certainement s'équilibrer. Mais si un bien coûtait un dollar en 2014, et coûterait par exemple 3 dollars, en 2017, les réserves de change vont fondre, et mécaniquement se dégonfler par trois. Si on avait initialement 200 milliards de dollars, on n'aurait plus qu'environ 70 milliards de dollars de réserves de changes, soit le tiers de ce qu'on avait. Avec en plus une instabilité monétaire en Algérie, et qui dit instabilité dit instabilité politique et sociale. C'est ce qui explique l'instabilité en Europe, et dans le monde aujourd'hui, depuis la montée en puissance de la Chine. Evidemment, il est peu probable que ce moyen soit utilisé pour la simple raison qu'il va soumettre les détenteurs de capitaux américains et européens à forte pression par les pertes financières qu'il leur aura occasionnées. Mais les États-Unis sont prêts à tout, se rappeler le «New Deal» avec Roosevelt en 1933, donc il ne peut être exclu. Le moyen le plus probable et il a déjà commencé, c'est la «déflation». Et la nouvelle dame aux commandes de la FED (qui a remplacé Bernanke) a commencé à diminuer les injections monétaires des fameux 80 milliards de dollars par mois dans le cadre des Quantitative easing (assouplissement monétaire non conventionnel). Et déjà des difficultés sont apparues en Inde, au Brésil, en Turquie avec des dévaluations de leurs monnaies suite aux fuites de capitaux vers les États-Unis. Et là aussi, les réductions des émissions monétaires synchronisées entre l'Europe et les États-Unis et probablement suivies d'un début de relèvement des taux d'intérêt directeurs ? ces taux sont considérés mondiaux puisque la plupart des pays emboîtent le pas à la BCE et la Fed, créeront une diminution de liquidités internationales. Cette diminution de liquidités internationales et l'aspiration par les taux d'intérêt des liquidités par les États-Unis et l'Europe occasionneront un ralentissement économique mondial. Le taux de change euro-dollar ne subira pas d'amples fluctuations compte tenu de la synchronisation des politiques monétaires. Un ralentissement économique pour ne pas dire «étouffement de l'économie mondiale». D'autant plus que les États-Unis vont finir avec la guerre et «punir» dans un certain sens la Russie dans l'affaire de la Géorgie et aujourd'hui de l'Ukraine. Que va-t-il se passer pour l'Algérie avec le ralentissement mondial qui va poindre ? Si l'Europe et les États-Unis avec l'aspiration des capitaux vont s'auto suffire, l'Algérie va être confrontée à une baisse d'activité dans le monde, et donc à une chute des exportations pétrolières et même à une chute des prix. Probablement pas aussi grave que dans les années 1980, mais l'austérité va néanmoins frapper aux portes de l'Algérie. «L'Algérie sera obligée de puiser dans les réserves de change, et d'augmenter le taux directeur d'intérêt pour diminuer les liquidités de monnaies en circulation, donc fortement limiter le crédit à l'économie nationale.» Le taux de change dinar-euro, ou dinar-dollar va se durcir pour les importateurs algériens, et amener une restriction dans les produits importés pour alléger la charge sur les réserves de changes. Comme d'ailleurs la Chine, et la Russie dont les économies vont décélérer, mais eux ont un appareil productif fort et peuvent plus ou moins atténuer l'austérité. Il s'opérera de nouveau un endettement mondial, ce qui accroîtra le ralentissement économique. Et «l'Algérie n'est pas à l'abri d'un nouvel endettement». Ce qui fait entrevoir une autre période d'instabilité pour l'Algérie, qui n'a pas de solution de rechange, parce qu'elle ne s'est pas préparée. A titre d'information, l'Arabie saoudite a refoulé de son sol plusieurs millions de travailleurs étrangers et, probablement, se prépare à cette situation. Qu'en est-il pour l'Algérie, face à une déflation mondiale? 8. CONCLUSION C'est à cette situation que les politiques algériens doivent penser. L'Algérie vit aujourd'hui un véritable tournant de son Histoire. Et on constate que «ce sont le plus souvent des événements d'ordre extérieur plus qu'intérieur qui sont venus influer sur le devenir de l'Algérie». On a vu, qu'après le décès du président Boumediene, le staff dirigeant de la nation a été en grande partie «renouvelée». Après la démission du président Chadli, issue de la crise économique des années 1980 et de l'endettement, et de l'irruption de l'islamisme sur la scène algérienne, l'Algérie a vu aussi «un autre staff dirigeant se renouveler». Idem pour Boudiaf et Ali Kai qui, avec l'arrivée du président Liamine Zéroual, se renouvelle un nouveau staff aux commandes. Idem pour Liamine Zéroual, avec l'arrivée de Bouteflika, un nouveau staff prend les commandes. Il est évident que ce sera idem pour le président Bouteflika. C'est une «loi de l'Histoire» qui, à chaque fois, l'Algérie se renouvelle avec du sang neuf, et de nouvelles options politiques et économiques orientent le devenir de la nation. Et cette situation ne concerne que de rares pays, ce qui nous fait dire que l'Algérie est un pays d'avant-garde pour le monde. Et qu'elle n'a pas été la «Mecque des révolutionnaires du monde», et qu'elle n'a pas subi les affres d'une guerre fratricide sans raison. Ce sont précisément les «pays-phares» qui sont visés par les grandes puissances. Et le peuple algérien a été tellement et longuement manipulé que l'on ne peut plus croire aujourd'hui que «son silence peut s'assimiler à un acquiescement à la gabegie». Il est silencieux aujourd'hui parce qu'il cherche la paix. Ni d'ailleurs «les forces armées de la Défense nationale qui ne veulent plus payer pour la gabegie» de tout système politique civil, d'où qu'il vient. Faire sortir les chars à chaque crise économique ne peut être une solution, si ce n'est enfoncer le pays dans une guerre civile qui risque d'emporter les fondements de la nation même. Et les avertissements du président Zéroual sont d'une actualité on ne peut plus vraie, plus prophétique. «Aujourd'hui, la survenance d'une série d'évènements et de déclarations, autant multiples qu'inhabituels, notamment à la veille d'une importante échéance électorale, m'a mis dans l'obligation morale de m'exprimer et de partager mes sentiments et mes craintes avec mes concitoyens algériens.» Et c'est un sage qui parle, qui ne recherche pas les honneurs et il sait que, dans retraite où il est, il doit faire prévenir, il doit faire entendre raison à ceux qui gouvernent le pays. «Ce qui se passe aujourd'hui sur la scène nationale ne peut laisser indifférent et interpelle la conscience de tout citoyen algérien jaloux de l'indépendance de son pays et mesurant à sa juste valeur le coût exorbitant des sacrifices consentis pour la recouvrer. Il faudra se souvenir également qu'hier encore et à ce même titre, l'Algérie a du payer de nouveau un lourd tribut pour avoir vécu l'une des phases les plus éprouvantes de son histoire contemporaine ; elle s'en est miraculeusement sortie grâce à Dieu et à toutes les forces vives de la nation qui se sont courageusement et dignement mobilisées à ses côtés. Aujourd'hui plus que jamais, le devoir de mémoire doit constituer la source intarissable qui doit invariablement inspirer le peuple algérien dans sa quête nationale à construire le chemin de l'avenir. [?] En effet, ce qui se passe aujourd'hui sur la scène nationale, à la veille d'une aussi importante échéance électorale, mérite bien de retenir l'attention de tous les acteurs de la vie nationale et ne saurait être grossièrement éludé au profit de certaines approches dont les intentions cachées ne servent pas nécessairement les intérêts vitaux de l'Algérie. Il faut se garder de sous-estimer la situation actuelle et de penser que la manne financière peut, à elle seule, venir à bout d'une crise de confiance structurelle. Même fondés, l'étalage des statistiques et des bilans chiffrés à l'adresse d'une opinion nationale exsangue n'est pas pour convaincre son scepticisme exacerbé, ni de nature à contenir l'effervescence citoyenne que connait actuellement la scène politique nationale. Une effervescence citoyenne qui n'a d'autre ambition légitime que celle d'apporter sa propre contribution à l'édification d'un nouvel ordre politique dans la fidélité à l'esprit de la déclaration du 1er novembre 1954 et en harmonie avec les normes universellement consacrées, tout en préservant nos valeurs et nos spécificités.» Le président Liamine Zéroual cherche à éclairer que le «pouvoir n'est pas une fin en soi» s'il n'apporte pas ce à quoi aspire, attend le peuple demain. Et des conséquences désastreuses qui peuvent survenir et le toucher si le pouvoir algérien ne prenne pas les décisions qui s'imposent. Il est essentiel que les politiques taisent leurs différends et se concertent pour une solution optimale qui sort l'Algérie d'une crise inutile pour qu'elle soit prête à affronter à toute crise de demain, ou de l'après-demain. C'est l'«essence» même du peuple et de l'Algérie qui est en jeu. Et ce «avoir à cœur de l'intérêt de la nation algérienne» auquel appelle Zéroual pour éviter que notre pays dérape, et plonge dans une crise économique ou politique grave. Comme ce qui se passe en Syrie, ou en Ukraine. «L'histoire des grandes démocraties dans le monde nous enseigne qu'un Etat fort est toujours consubstantiel de contre-pouvoirs tout autant forts. Cette même histoire nous enseigne également que le principe de transparence dans l'administration des affaires publiques, dans la gestion des ressources du pays et dans l'exercice des libertés individuelles/collectives constitue un puissant gage de bonne gouvernance et permet de lutter efficacement contre toutes les formes d'abus et de corruption, sous l'autorité irréfragable de la primauté du droit et de l'équité de la justice. [?] Indépendamment de ce qui va résulter du scrutin du 17 avril prochain, il faudra surtout retenir que le prochain mandat présidentiel est le mandat de l'ultime chance à saisir pour engager l'Algérie sur la voie de la transition véritable. Tous les indicateurs objectifs militent pour entamer, sous le sceau de l'urgence, dans la sérénité et de manière pacifique, les grands travaux de cette œuvre nationale salutaire à la réalisation de laquelle tous les algériens doivent être associés. En effet, il faut se garder de croire que la grandeur du dessein national peut relever de la seule volonté d'un homme serait-il providentiel ou de l'unique force d'un parti politique serait-il majoritaire. La grandeur du dessein national est intimement liée à la grandeur du peuple et à sa capacité d'œuvrer constamment à conquérir de nouveaux espaces démocratiques. Dans cette perspective, notre pays est indéniablement riche des potentialités et des capacités à même de lui permettre d'aller vers ces nouvelles conquêtes. A travers son histoire, le peuple algérien a de tout temps démontré qu'il est, fort de son unité, capable de relever les plus grands défis.» La conclusion est éloquente, d'autant plus que la situation économique mondiale ne plaide guère que la situation dans le monde restera en l'état. Aussi peut-on dire que s'il n'y a pas une véritable politique d'ouverture de la part du pouvoir qui met fin à l'instabilité du pays et assoit une véritable politique de dialogue allant dans le sens de l'Histoire, ce sera de nouveau au «Tribunal de l'Histoire» de s'en charger pour asseoir le changement, pour asseoir l'alternance. Et c'est ce à quoi doivent méditer hommes politiques et hommes conscients et épris de leurs pays, aujourd'hui, pendant que le pays profite encore de la prospérité. Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective. www.Sens-du-monde. Om |