Comment
Donald Trump a-t-il décidé
d'un coup de s'asseoir fièrement à table avec le président de la Corée du Nord
Kim Jong-un? La question paraît d'autant plus
troublante que, quelques mois seulement auparavant, les deux leaders ne
cessaient de s'échanger des piques envenimées, sur fond de fortes tensions
diplomatiques, concernant le dossier du nucléaire nord-coréen. Il est clair que
Trump étonne sa propre administration autant qu'il
suscite la curiosité des observateurs de tout bord. Pour cause, si Pyongyang
s'est lancé dans une opération de charme en envoyant, le mois dernier, la jeune
sœur du leader communiste à Séoul plaider diplomatiquement la cause
nord-coréenne dans le but d'éviter, selon toute vraisemblance, une frappe
militaire punitive américaine (limitée), la maison blanche n'a, quant à elle,
jamais caché son intention de recadrer par l'usage de la force le leader
communiste. Ce dernier a été d'ailleurs traité ironiquement de « little rocket-man» (petit homme-fusée) dans l'un des tweets
de Trump. Comment alors tout a changé en un temps
relativement très court? La réalité
est que, s'étant rendu compte que la stratégie «bloody nose»
(le nez ensanglanté), adoptée jusque-là par le président républicain au niveau
international est payante, -en effet, c'est probablement la menace américaine
qui aurait poussé Kim Jong-un à proposer une entrevue avec son homologue
américain-, le vice-président Mike Pence aurait accordé facilement son avis
favorable à ce rendez-vous historique (ce qui n'a jamais été le cas lors des
mandats des anciens présidents américains : Bush, Clinton, Obama, etc.).
Etant partisan de la ligne la plus dure en politique extérieure, ce fidèle de
première heure de Donald Trump espère, sans doute, que
cette stratégie-là se poursuive tout au long des négociations avec les
Nord-Coréens, lesquelles s'annoncent déjà très compliquées. D'abord parce que
la Chine voit d'un mauvais œil toute tractation diplomatique visant à réduire
son influence sur son allié stratégique dans la région. Puis, alors que les
Américains posent comme condition préalable à la cessation de leurs sanctions
économiques l'arrêt significatif de Pyongyang de tous ses programmes nucléaires
proliférants, les autorités de ce «Rogue State» (pays
voyou «blacklisté» par les administrations
successives de la Maison blanche), tiennent avant tout à un traité de paix qui
reconnaîtra définitivement la Corée du Nord et permettrait le retrait des 30
000 militaires américains stationnés en Corée du Sud. Ce qui en dit long sur la
quasi-impossibilité d'un compromis diplomatique immédiat comme souhaité par Trump. En ce sens, le locataire du bureau oval peut commettre la même erreur qu'il avait pourtant
imputée, lors de sa campagne électorale, à son prédécesseur Obama accusé à ses
yeux, après l'accord sur le nucléaire conclu en juin 2015, d'avoir laissé une
grande marge de manœuvre aux Ayatollahs pour renforcer un Etat partiellement
nucléarisé.