Et qui oserait encore affirmer que les associations
culturelles, éducatives ou caritatives n'ont aucun intérêt pour la santé des
nations ? En mai 2009, par exemple, une association de quartier londonienne
aurait décidé de donner, sans aucune contrepartie, la modique somme de 3.000
livres (environ 3.500 euros), à 13 sans-abri de quelques banlieues de la
capitale britannique et je vous laisse imaginer la suite. Si cette
expérience-là n'a pas suscité au départ trop d'engouement de la part des
autorités qui assimilent l'opération à de l'assistanat, il n'en reste pas moins
qu'un an et demi après, toutes les personnes concernées en ont tiré le plus
grand bénéfice et pu avancer. Ils avaient fait tous pour la première fois des
pas déterminants vers la solvabilité et l'amélioration de leur statut
économique. Sept d'entre eux dormaient même sous un toit alors que deux autres étaient
sur le point de s'installer dans des appartements à eux. En outre, la plupart
de ces SDF suivaient désormais des cours de chant et de langues, apprenaient à
faire de la cuisine, s'impliquaient de façon régulière dans des séances de cure
d'intoxication, rendaient fréquemment visite à leurs familles et faisaient des
projets d'avenir. Enorme ! Cela n'aurait sans doute jamais été possible s'il
n'y avait pas eu à la base ce travail associatif assidu de proximité,
d'entraide et de solidarité avec les plus pauvres de la cité. Les associations
de quartier sont, à vrai dire, la cellule centrale la plus proche du quotidien
des gens et de leurs préoccupations que n'importe quelle autorité politique.
D'ailleurs, celles-ci peuvent résoudre certains problèmes de citoyens à la
phase primaire avant que la situation ne pourrisse, en jouant le rôle
d'intermédiaires entre ces derniers et les pouvoirs publics tutélaires. Elles
peuvent aussi, quand leurs membres sont très actifs et engagés sur le terrain,
et non pas comme dans le cas de la plupart de nos associations en Algérie, des
tubes digestifs sans âme, branchés au sérum de la rente, combler le vide laissé
par les collectivités locales et apaiser les esprits pour resserrer les liens
entre gouvernants et gouvernés. Seul ce maillage associatif est susceptible de
permettre une métamorphose par petites transformations successives, lesquelles
peuvent produire en s'additionnant à la fin un changement qualificatif au sein
de tout le corps social. Imaginons maintenant que les 80.000 associations
algériennes agissent de la sorte, c'est-à-dire, elles tendent l'oreille aux
citoyens, tentent de transmettre leurs doléances et leur venir en aide comme
dans l'exemple de cette association de quartier londonienne ? Le pays n'en
serait jamais là, décidément ! Car, si la politique est l'art du possible,
comme disait l'Allemand Bismarck (1815-1898), le militantisme associatif est ce possible lui-même.