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Ces dernières années, et plus encore depuis l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis d’Amérique, il est de bon ton de décréter la fin de la mondialisation, du moins son entrée dans une nouvelle phase de repli. Les commentateurs en veulent pour preuve la volonté de l’hôte de la Maison Blanche de redessiner le commerce de son pays dans un sens plus protectionniste. « America first », son slogan désormais célèbre, le pousse, par exemple, à réviser les termes de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena ou, en anglais, North American Free Trade Agreement – NAFTA) qui unissent son pays au Canada et au Mexique.
Il ne faut pas croire que la démarche de Trump est isolée. Certes, de manière traditionnelle, le Parti républicain est favorable au libre-échange et fustige les lois protectionnistes. Mais, ces dernières années, et face à la désindustrialisation continue des Etats-Unis, des voix se font entendre pour réclamer une dose de protectionnisme afin de protéger les « bons » emplois américains. Le débat est loin d’être clos et les initiatives de Trump sont mentionnées par ses adversaires et contempteurs pour prouver qu’il est un danger pour la paix. L’esprit de Montesquieu… En effet, ce qui fonde cette croyance fondamentale en faveur du libre commerce est que ce dernier est le premier facteur de stabilité entre pays. Autrement dit, des pays unis par les échanges de marchandises et de services ne se font pas la guerre. Le principe a été formalisé en son temps par Montesquieu dont les lignes qui suivent sont très souvent citées par les ouvrages et essais pro-mondialisation : « L’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur les besoins mutuels. » (*) Il est vrai que la Seconde Guerre mondiale puise une partie de ses causes dans le protectionnisme auquel se livrèrent les grandes nations industrialisées après la fin du premier conflit mondial. Il est vrai aussi que des frontières qui se ferment, des productions qui ne trouvent pas preneur sont des facteurs de tension. Mais il faut lire la suite de ce qu’écrit Montesquieu pour se rendre compte que le commerce libre n’est pas toujours la garantie d’un ordre tranquille. « Mais, si l’esprit de commerce unit les nations, il n’unit pas de même les particuliers. Nous voyons que dans les pays où l’on n’est affecté que de l’esprit de commerce, on trafique [au sens ancien de commercer légalement] de toutes les actions humaines, et de toutes les vertus morales : les plus petites choses, celles que l’humanité demande, s’y font ou s’y donnent pour de l’argent. » … Et l’égoïsme En clair, le commerce n’est pas vertueux par essence. Sa contribution positive vient du fait qu’il répond à des égoïsmes particuliers et qu’on ne saurait donc lui attribuer une quelconque contribution morale. Cela veut donc dire que lorsque ces égoïsmes entrent en confrontation, le commerce n’arrange rien. C’est la situation que la planète vit actuellement. Les productions n’étant plus nationales mais pouvant être facilement délocalisées, on se retrouve dans une situation de compétition féroce du fait de la multiplicité des fournisseurs et, dans une certaine mesure, de la réduction du nombre de débouchés. Si les vendeurs sont bien plus nombreux que les acheteurs, la crise est inévitable. Cela demande donc de réfléchir à une vraie régulation des échanges. Il faudrait pour cela que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) refonde sa doctrine libre-échangiste. Ce qui est loin d’être assuré. (*) Montesquieu, «De l’esprit des lois», (1748), livre XX, chapitre 2. |
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