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Pour
des besoins de politique interne, l'Algérie est obligée de recourir à ses nouveaux
amis. En d'autres temps, ils auraient été considérés comme infréquentables.
La visite du président congolais Denis Sassou-Nguesso à Alger a valu essentiellement par les images de sa rencontre avec le président Abdelaziz Bouteflika. Après l'annulation de la visite de Mme Angela Merkel, officiellement parce que le président Bouteflika souffrait d'une « bronchite aiguë », puis celle du président iranien Rohani, et la polémique née autour d'audiences qu'il était supposé accorder à des visiteurs étrangers, les rumeurs sur l'état de santé du chef de l'Etat s'étaient emballées. Les images du président Bouteflika recevant le ministre Abdelkader Messahel faisaient trop cuisine interne pour être convaincantes. Il fallait donc trouver un hôte de marque pour orchestrer une nouvelle rencontre destinée à assurer que le président Bouteflika est là, et bien là. C'est la routine du quatrième mandat. Mais le hasard du calendrier a révélé que les amis de l'Algérie ont changé de profil. Ce ne sont plus les Castro, Arafat et Mandela qui fréquentent Alger. L'Algérie n'est même plus visitée par les seconds couteaux, ces rebelles faisant des discours lyriques un peu décalés par rapport à leur temps, comme Hugo Chavez, Jean-Luc Mélenchon ou Mahmoud Ahmadinedjad. Ce sont désormais des hommes à la réputation sulfureuse, parfois franchement douteuse, qui font le pèlerinage d'Alger, une capitale désormais à la page : on n'y parle plus de changement du monde, de révolutions ; on y parle affaires, réseaux, argent, et pouvoir. Pouvoir, réseaux, argent L'histoire de Denis Sassou Nguesso se confond avec celle de son pays, dont il a dirigé les destinées pendant plus de trois décennies. C'est l'un des autocrates qui a l'une des plus grandes longévités au pouvoir. Il est l'un des symboles de cette Afrique où des dirigeants s'accrochent au pouvoir, en maintenant un ordre musclé, grâce à des réseaux mêlant pouvoir, argent, tribalisme, et connexions à l'internationale, grâce auxquels il a survécu à la contestation, à une guerre civile et à d'intenses pressions internationales visant à le faire destituer. Le schéma de pouvoir qu'il a mis en place est d'une banalité navrante en Afrique. Il ressemble comme deux gouttes d'eau à ce qu'on peut trouver au Gabon, en Guinée Equatoriale ou en Angola. Autres similitudes avec ces pays : la présence d'une richesse naturelle, le pétrole, qui permet d'arroser les « amis » et de trouver grâce aux yeux des puissances tutélaires, qui préfèrent garder la certitude d'un approvisionnement en pétrole plutôt que de risquer de se retrouver avec un interlocuteur de type Chavez ou Sankara. Des élections maison, organisées selon une mode fraude massive et totalement contrôlées par le pouvoir, donnent l'illusion d'une vie institutionnelle normale. Un luxe choquant Le silence de plomb imposé dans ces pays n'est troublé que par des émeutes, durement réprimées, ou par des révélations faites à l'extérieur. Et là encore, on découvre les mêmes schémas : des fortunes sont détournées par les dirigeants ou leurs proches, qui étalent leurs frasques dans les grandes capitales internationales. Cette fois-ci, pendant que Denis Sassou Nguesso est à Alger, son neveu, une sorte de mélange entre Amar Ghoul, Chakib Khelil et Farid Bedjaoui, fait l'objet de poursuites à Paris, qui demeure la vraie capitale de l'Afrique. Wilfied Nguesso dirige un petit parti, et contrôle une puissante entreprise vivant aux crochets de l'Etat. Il est aussi un homme de zaouia : c'est un pasteur évangélique, qui mélange religion et business. Mais sa religion ne prêche pas l'austérité : il possède, comme le fils du président de Guinée Equatoriale, un parc riche de voitures de luxe, comprenant une Porsche Panamera, une Cayenne, une Aston Martin DB9, une Jaguar, et une Land Rover Sport, selon des révélations de la presse française. Sa mère n'est pas en reste : elle possèderait une Rolls Royce Phantom, une Bentley, une Porsche Panamera, une Mercedes Maybach et une Land Rover de luxe. Le fils de Bouguerra Soltani, avec son Hammer, fait figure de petit épicier devant un tel étalage de luxe. Nouveaux amis Pour l'Afrique, continent le plus pauvre de la planète, de tels phénomènes sont choquants. D'autant plus choquants que des régions entières sont menacées par la famine, elle-même résultat de guerres provoquées par ces comportements criminels. Même pour une Algérie qui, pourtant, bascule peu à peu dans l'affairisme et l'argent, ces comportements demeurent totalement inacceptables. Parce que le pays a bâti sa légende sur des valeurs radicalement différentes, faites de solidarité, de sacrifice, de partage, d'austérité. La légende attribue au président Houari Boumediène un seul bien qu'il aurait laissé à sa mort : un compte CCP avec un solde de 6.000 dinars. Aucune fortune, aucun autre bien. Un ministre des années 1980 raconte dans ses mémoires comment il a obtenu une baisse sur un gros contrat. Après avoir négocié dur, il était arrivé à la limite de ce qu'il pouvait obtenir. Il a donné un accord pour un montant convenu. Mais avant de signer, il a engagé une nouvelle manœuvre. Il a envoyé un émissaire au chef de la délégation étrangère intéressée, pour demander une commission sur le marché. Après d'âpres négociations, il a obtenu une commission de trois pour cent. Au final, il a demandé que le contrat soit revu à la baisse, de trois pour cent. En demandant la commission, il voulait en fait savoir s'il y avait moyen de faire encore baisser le montant du contrat. Ces hommes-là ont disparu des sphères du pouvoir. D'autres ont émergé. Et ces derniers ont donné à l'Algérie de nouvelles amitiés. A l'exemple de Denis Sassou Nguesso. |
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