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Ces dernières
années, une révolution tranquille en pédagogie des sciences de la santé prend
forme au sein de la communauté des hospitalo-universitaires (HU), car il existe
une prise de conscience de ces derniers en faveur de l'amélioration de la
formation médicale pour répondre aux besoins de la qualité des soins de santé.
La communauté était beaucoup responsabilisée et sensibilisée à la prise en charge des enseignements et des apprentissages en contexte des sciences de la santé, mais le domaine de la santé possède sa propre et unique particularité : le malade ou le patient malade. En effet, le patient est la raison d'être, le centre de la pratique des soins de santé et surtout la matrice des apprentissages et des enseignements au lit du malade. L'enseignement au lit du malade est une composante fondamentale des pratiques pédagogiques en sciences de la santé connue sous le nom de supervision clinique. Cette dernière est une composante essentielle que tout professionnel de la santé doit acquérir et développer en contexte de la formation continue. Malheureusement, lorsqu'un médecin enseignant HU n'a pas reçu une telle formation, il n'est pas préparé à superviser efficacement d'autres apprenants en sciences de la santé. En d'autres termes, l'enseignant HU a besoin de compléter des apprentissages pour devenir superviseur clinicien où il va acquérir des compétences sur les fonctions et les rôles du superviseur, pour créer un climat de confiance favorable à l'apprentissage au lit du malade, de gérer les jeux de pouvoir et les situations de conflit autant éthique que personnel, d'assurer une évaluation du stage de formation et finalement d'assurer une rétroaction efficace sur les apprenants. Cette dernière doit être au service des apprentissages et non pas un outil de contrôle ou de sanctions des apprenants. En contexte des soins de santé, les compétences et les responsabilités de l'enseignant HU ne se limitent pas seulement au patient malade, mais aussi à l'apprenant. Cette double responsabilité rend la gestion de soins et de supervision clinique plus complexes d'où l'intérêt de la formation à cette pratique pédagogique, et qui de plus, elle n'est pas rémunérée. En d'autres termes, la responsabilité du médecin clinicien vis-à-vis du patient malade consiste à aboutir à un diagnostic médical et une prise en charge thérapeutique adéquate et ciblée. Il en est de même pour l'apprenant pour aboutir à un diagnostic pédagogique et un plan thérapeutique dit aussi de remédiation pédagogique. Ces doubles et complexes fonctions se déroulent simultanément, et c'est ce qui les rend encore plus complexes d'où l'intérêt de promouvoir et de valoriser la supervision clinique comme pratique pédagogique dans les futurs statuts des médecins HU. Par ailleurs, la supervision clinique a été reconnue comme une compétence profes¬sionnelle et un élément important de l'efficacité des systèmes de santé. Il faut former les superviseurs de sorte qu'ils puissent non seulement répondre aux besoins du patient, mais également soutenir le développement du raisonnement clinique de leurs étudiants. Considérant le temps consacré à la supervision dans le contexte clinique, il est dès lors déterminant que les cliniciens superviseurs connaissent les processus de raisonnement clinique qui sont au cœur de leur pratique et puissent non seulement les expliciter, mais également les faire expliciter et justifier par leurs étudiants en formation. La communauté scientifique reconnaît actuellement l'importance de développer ses compétences pédagogiques dans une perspective de développement professionnel continu (DPC), admettant désormais qu'il ne suffit plus d'être un bon clinicien pour être de fait un bon enseignant HU. De plus, la supervision clinique comporte une dimension pédagogique qui favorise le transfert des connaissances, des habiletés et des attitudes des apprenants. Hélas, la réalité en ce qui a trait à la supervision clinique des apprenants au sein de nos services cliniques est toute autre et qui s'est aggravée durant la période de la Covid-19. De plus, la qualité de la prise en charge pédagogique et plus particulièrement de la supervision clinique des apprenants laisse à désirer au sein de chaque service des soins de santé. Pour ce faire, le médecin HU doit être soutenu par des formations au raisonnement clinique comme outil de remédiation et de soutien à la supervision clinique au lit du patient malade. Le raisonnement clinique est le processus de pensée et de prise de décision qui permettent au médecin clinicien de prendre les actions les plus appropriées dans un contexte spécifique de résolution de problème de santé. En d'autres termes, ces processus de pensée et de prise de décision sont au cœur de l'exercice professionnel et ils constituent un phénomène hautement complexe. À cet effet, devenir superviseur en sciences de la santé n'est pas une tâche aussi facile qu'on le prétend, mais une activité pédagogique spécifique et encore plus complexe. De plus, la société attend souvent des médecins cliniciens HU qu'ils accordent une très grande importance à la qualité des soins de santé et aux apprentissages lors de la supervision clinique. Pour ce faire, il est primordial de les doter d'une expertise à la fois médicale et pédagogique de raisonnement et de supervision clinique. Par ailleurs, la vocation principale d'un responsable ou chef de service formateur doit s'articuler autour de la supervision clinique d'un point de vue pédagogique par un enseignement de qualité au lit du patient malade et assuré par un médecin clinicien expert, compétent et formé pédagogiquement parlant. En d'autres termes, l'apprenant doit être au cœur de la préoccupation du responsable ou chef de service formateur et du médecin clinicien d'autant qu'ils sont responsables de l'ensemble de son cheminement pédagogique et pour toute la durée du stage clinique. De plus, les services de formation cliniques avec la participation des médecins HU sont des institutions dédiées prioritairement à l'apprentissage dans un contexte de supervision clinique au lit du malade. En outre, elles participent au développement de l'expertise médicale, à des activités d'enseignement et de supervision clinique dont le but ultime est de développer l'autonomie des futurs médecins cliniciens pour les besoins du réseau de soins et de formation en Algérie. L'intérêt particulier porté à la compétence dans le domaine de la supervision clinique du formateur est à la base de la qualité de la formation médicale et des soins de santé. À cet égard, les programmes de formation actuels n'obéissent pas aux normes pédagogiques en vigueur. Il est important de promouvoir respectivement une double refondation des curriculums de formation et des programmes disciplinaires selon une approche par compétence, et non pas une simple réforme pour améliorer les objectifs d'apprentissage de chaque discipline médicale. De plus, les médecins HU ne sont pas informés ni formés aux approches et aux stratégies pédagogiques ni aux méthodes de supervision et de raisonnement clinique pour qu'ils puissent les utiliser à des fins d'enseignement au lit du patient malade. Dans ce contexte, les rôles des doyens des facultés de médecine sont primordiaux, car il est admis que les stratégies les plus efficaces pour améliorer la formation médicale sont principalement leurs contributions pédagogiques aux services des médecins superviseurs et des apprenants. Pour ce faire, chaque doyen devrait être doté des compétences nécessaires pour assurer les fonctions de leadership et de promoteur de la pédagogie, mais les rôles pédagogiques des doyens sont nombreux, complexes et multidimensionnels. Hélas, le soutien et l'accompagnement pédagogique aux doyens font défaut par le manque de ressources expertes en pédagogie des sciences de la santé. De plus, le doyen ne dispose pas de suffisamment de ressources humaines pour se permettre de bien gérer et mobiliser les potentialités et les compétences pour promouvoir la pédagogie des sciences de la santé au sein de sa faculté de médecine. En effet, le doyen est souvent confronté à gérer des difficultés d'ordre administratif où les problèmes d'ordre pédagogique sont mis au second plan. Pour ce faire, il est impératif de revoir et renforcer le statut de la conférence des doyens afin de leur fournir plus d'outils, plus de moyens et plus de ressources humaines et pédagogiques pour leur permettre d'agir convenablement dans leur champ de compétence pédagogique. Pour soutenir et promouvoir le raisonnement et la supervision clinique, les concours HU sont des étapes importantes à considérer. En effet, l'épreuve pratique dite de résolution de problème est une épreuve centrée sur le processus de raisonnement clinique (RC). Cette dernière est au cœur de la pratique médicale des professionnels de la santé, car il ne suffit pas de résoudre le cas clinique, mais de démontrer ses habiletés de RC pour synthétiser puis d'exploiter les informations obtenues pour prendre des décisions diagnostiques, d'investigation et thérapeutiques. Le jury devrait évaluer le candidat sur cette compétence essentielle : le processus du raisonnement clinique. Le cas clinique pourrait être une rédaction écrite ou orale sous forme d'une simulation malade, mais il doit respecter les normes du processus de RC, être réaliste et suffisamment riche en données pour inciter et promouvoir le RC. Finalement, les textes statuaires des médecins HU ne décrivent que les fonctions et les tâches pédagogiques de façon générique sans plus de précision et centré surtout sur les activités globales d'enseignement. À cet effet, il faut revisiter, réformer ou refonder les statuts des médecins HU. De plus, la notion de certification en pédagogie médicale en contexte de la formation continue ainsi que les concepts de l'épreuve pédagogique d'enseignement et de l'épreuve pratique de raisonnement clinque au concours HU devraient être maintenus, soutenus et promus comme outil de sensibilisation, de conscientisation, de sélection et de promotion bien avant l'organisation de tout concours de recrutement des futurs enseignants HU. *Dr - Conseiller et concepteur en pédagogie universitaire et des sciences de la santé |